vendredi 30 octobre 2020

EZECHIEL 30

 

V 1 à 3 : le jour de l’Eternel

Il existe dans la parole prophétique un jour unique, un jour qui ne ressemble à aucun autre. Il est le jour de l’Eternel. Tous les jours que Dieu a fait sont à lui. C’est pourquoi ils doivent être un sujet de joie pour son peuple : Psaume 118,24. Mais il y a un jour particulier qui ne revient qu’à Dieu. C’est le jour où, sa patience tarie, l’Eternel tire le trait de ce que lui doivent les nations et exerce sans retenue sa vengeance contre elles. Le jour de l’Eternel a été un thème récurrent chez bon nombre de prophètes. Joël en a fait le sujet principal de son livre. Il le décrit comme le jour du ravage du Tout-Puissant : Joël 1,15. Ce jour sera si terrible que personne n’aura la force de le soutenir : Joël 2,11. En ce jour, Dieu convoquera les armées du monde dans la vallée de Josaphat, la vallée de leur jugement : Joël 3,14. Opprimé, le peuple de Dieu aspire à la venue de ce jour. Amos prévient cependant : le jour de l’Eternel ne sera pas lumière, mais ténèbres : Amos 5,20. Il sera, selon Esaïe, un jour cruel, de colère et d’ardente fureur, qui réduira la terre en solitude et en exterminera les pécheurs : Esaïe 13,9. Le jour de l’Eternel sera le temps du jugement des nations : Esaïe 30,3, la période qui, de la part de Dieu, leur est spécifiquement réservée : Ezéchiel 30,3.

Si le jour de l’Eternel est un jour obscur pour les nations sans Dieu, il revêt pour le peuple de Dieu une connotation toute autre. Le jour de l’Eternel est le jour de la venue en gloire de notre Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ. C’est le jour que le peuple de Dieu racheté attend avec impatience. Bien que survenant à l’improviste : Luc 21,34, le jour de la parousie ne saurait le surprendre. Car celui-ci ne vit pas dans les ténèbres, mais dans la lumière : 1 Thessaloniciens 5,4. En ce jour-là, Christ viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru : 2 Thessaloniciens 1,10. Veillons donc et prions en tout temps, afin que nous ayons la force d’échapper à tout ce qui se produira à ce moment-là, et de paraître debout devant le Fils de l’homme : Luc 21,36.

V 4 à 9 : l’Egypte et ses soutiens anéantis

Le monde dans lequel vit Ezéchiel a de nombreux traits de ressemblance avec le nôtre. C’est un mode multipolaire, fait de puissances qui s’agrègent en blocs qui finissent par s’opposer l’un à l’autre. Roi du Nil, l’Egypte n’est pas une puissance solitaire. Elle est un crocodile auquel sont attachés par ses écailles de nombreux poissons : Ezéchiel 29,4. La puissance de l’Egypte repose sur une alliance faite avec de nombreux peuples, comme l’était celle de l’URSS au XXème siècle. A cause des liens qui la rattachent à ses affidés, son jugement ne la touchera pas elle seule, mais tous les états qui lui sont alliés. L’épée qui s’abattra sur l’Egypte ne pourra laisser indemne ses soutiens. Aux yeux du conquérant qui la combat, l’Egypte est une entité qui les inclut tous. L’Ethiopie (le Soudan actuel), Puth (la Lybie ou la Somalie moderne), Lud et Cub sont l’Egypte, le bloc dont elle est la puissance majeure. L’affaiblissement de celle-ci ne peut se faire que d’une manière. Elle nécessite que l’alliance qui l’unit à ses alliés soit démantelée. Nebucadnetsar ne conquerra pas seulement l’Egypte. L’Ethiopie tremblera à sa chute, car elle sait qu’après elle, son tour vient. Comme le fut la fin de Tyr, celle de la coalition qui était à la base de la puissance de l’Egypte a un effet didactique pour le peuple de Dieu. Elle lui rappelle la leçon fondamentale qui fut à l’origine de sa naissance, lors de sa sortie d’Egypte au temps de Moïse. Cette leçon est que l’Eternel seul doit être son appui, la source de sa sécurité, la puissance qui lui sert d’appui. Tout autre recours est un roseau qui finit par casser et blesser quiconque s’appuie sur lui : Ezéchiel 29,7.

Entrer dans une alliance quelle qu’elle soit, n’est pas sans conséquence. L’alliance lie entre elles toutes les parties qui la composent. Au jour de sa puissance, les éléments faibles de l’alliance ont tout à gagner dans le fait d’y être inclus. Ils jouissent de la protection et de la sécurité que leur offre la puissance forte qui en est le moteur. Au jour de l’adversité, ils ne pourront pas échapper à son sort. Unis dans la vie, ils le seront dans la douleur et jusque dans la mort. Si, sur le plan politique, rares sont les pays hors de toute alliance, sur le plan spirituel, aucun homme ne connaît de neutralité. Que nous le voulions ou non, nous sommes tous rattachés par alliance à Dieu ou à Satan. Le sort final qui touche à l’un embrasse tous ceux qui lui sont unis. Au jour du jugement, dit Jésus, les rebelles ne pourront être séparés de celui qu’ils ont suivi. Ils iront dans le feu éternel qui lui a été préparé avec ses anges : Matthieu 25,41. Les bénis de Dieu partageront, quant à eux, pour une félicité éternelle, la gloire et les bienfaits de son royaume : Matthieu 25,34. Béni soit Dieu pour l’alliance par laquelle il nous a rattachés à Son Fils Jésus-Christ pour l’éternité !

V 10 à 19 : la dévastation qui attend l’Egypte

La dévastation de l’Egypte, annoncée par Ezéchiel, correspond à un objectif précis de la part de Dieu. Dieu n’a pas seulement pour objet de ruiner l’Egypte. Par le jugement, Dieu s’en prend aux symboles de sa puissance. Le but du châtiment qui s’abat sur l’Egypte est de manifester aux yeux des Egyptiens et de toutes les nations que l’Eternel seul est Dieu. C’est pourquoi les cibles visées ne sont pas prises au hasard. Elles sont représentatives de l’identité spirituelle de l’Egypte. Qui connait l’Egypte sait que c’est à ses dieux qu’elle doit son rayonnement et sa gloire. Il convient donc que, pour faire éclater la magnificence de son nom, l’Eternel s’en prenne aux hauts lieux cultuels significatifs de ses divinités : Thèbes (No), Memphis, Pathros, Tsoan, …

« Dans l’histoire égyptienne, No (appelée aussi Thèbes) a longtemps servi de ville phare pour la partie sud de l’Egypte. Située sur la rive est du Nil, à plus de 700 kilomètres du Caire, elle était le centre du culte d’Amon, le « roi des dieux ». Elle a atteint son apogée entre 1500 et 1000 av J-C., étant alors la capitale d’un vaste Empire comptant parmi les plus riches et les plus célèbres cités de l’Antiquité. Le site de la Thèbes antique, correspondant à Louxor et Karnak aujourd’hui, offre le plus grand rassemblement de monument antiques, couvrant une superficie de 26 à 29 kilomètres carrés. Le magnifique temps d’Amon, sur la rive est à Karnak, est le plus grand jamais construit et, jusqu’à l’époque moderne, il pouvait se vanter de posséder les colonnes les plus importantes au monde : 10 mètres de circonférence, 21 mètres de hauteur. Les pharaons ont fait le récit de leurs exploits sur les parois du temple… Sur la rive ouest du Nil se trouve la nécropole royale qui comprend de nombreux temples mortuaires et tombes des souverains du Nouvel Empire (1570 – 1070 av J-C.) : le magnifique temple mortuaire de la reine Hatsheput, la célèbre tombe de Toutankhamon, le temple mortuaire de Ramsès III, qui relate sur ses murs sa victoire de 1176 av J-C. contre les peuples de la mer… Jérémie, le premier, a annoncé que l’Eternel interviendrait contre le dieu Amon de No, le pharaon et les dieux de l’Egypte : ils seraient livrés entre les mains de Nebucadnetsar, le roi de Babylone : Jérémie 46,25-26… Plus tard, les Perses ont aussi mis la ville à sac. A l’époque romaine, la gloire de Thèbes n’était plus qu’un souvenir.[1] »

Annoncée par Jérémie et Ezéchiel, la conquête de Thèbes et de l’Egypte par Nebucadnetsar, est restée dans les annales de son histoire. Une tablette en argile fragmentaire la confirme. Pour abaisser la superbe de l’Empire égyptien, Dieu n’a pas fait dans la dentelle. Il a voulu prendre pour instrument le plus violent, le plus impitoyable des peuples de l’époque. Si le temps de la patience de Dieu est celui de sa tempérance, le jour de sa colère ne laisse aucune place à la pitié. Il est l’expression de la fureur sainte et jalouse de Dieu, une fureur qui ne laisse à ceux qui en sont l’objet aucun espoir de salut.

V 20 à 26 : brisement du Pharaon et exil des Egyptiens

Si l’Egypte est le sujet de la section prophétique traitée ici par Ezéchiel, nous devons nous souvenir que le but de Dieu à travers elle est de s’adresser à Juda pour lui signifier à quel point la confiance qu’il a mis en Pharaon pour le délivrer de la main de Nebucadnetsar est illusoire : Ezéchiel 29,7. Il fut un temps en effet au cours duquel Juda crut vraiment que le Pharaon et ses armées le délivreraient de la main du roi de Babylone. Le prophète Jérémie relate cet épisode. Alors que les babyloniens assiégeaient Jérusalem, ils durent un instant relâcher l’étau qui l’enserrait à cause de l’armée du Pharaon venue voler à son secours. Cette tentative ne fera pas long feu. Le Pharaon rebroussera chemin : Jérémie 37,5 à 8. Il retournera dans ses terres, comme un guerrier dont un bras serait cassé. Blessé, diminué, le Pharaon n’aura pas le temps de se remettre de sa défaite. Après avoir terminé son œuvre en Juda, puis à Tyr, Nebucadnetsar se souviendra de l’Egypte. Il prendra le pays et terminera d’abattre la puissance du Pharaon qui, défait, gémira devant lui comme le font les mourants à l’approche de leur dernière heure. Les deux bras cassés, Pharaon devra lâcher son épée au profit de Nebucadnetsar fortifié par la puissance de Dieu. Le paradoxe est ici à son comble. Alors que Juda, peuple de Dieu, fait appel à Pharaon pour se protéger de son assaillant, c’est lui que l’Eternel fortifie et arme pour le vaincre ainsi que son allié. L’Eternel qui, logiquement, aurait dû se tenir dans le camp de Juda, se trouve dans celui de son ennemi pour lui enseigner ce qu’il lui en coûte d’être infidèle à son Dieu. Notre Dieu a mille moyens pour rappeler à son peuple qui il est. Qu’il nous donne la grâce de l’honorer par la fidélité plutôt que par le châtiment !



[1] La Bible avec notes d’études archéologiques et historiques : page 1200 : Société Biblique de Genève

vendredi 23 octobre 2020

EZECHIEL 29

 

SUR L’EGYPTE : Ezéchiel 29,1 à 32,32

V 1 à 3 : raison de l’animosité de Dieu contre l’Egypte

Après les Etats voisins d’Israël, c’est vers le Pharaon, roi d’Egypte, que l’Eternel appelle Ezéchiel à se tourner. A cause du lien particulier qui la lie à Israël depuis sa naissance, l’Egypte est sans nul doute la nation la plus citée de toute la Bible après lui. La carte d’identité d’Israël précise que c’est d’Egypte qu’il est sorti. L’Egypte est pour Israël l’ancienne maison de la servitude. La délivrance d’Egypte n’a pas été qu’une épopée humaine. Elle est l’affirmation de la suprématie de Dieu sur tous les faux dieux qui étaient l’objet d’un culte dans le pays.

Si l’Eternel demande à Ezéchiel de prophétiser sur l’Egypte, ce n’est nullement en raison du passé. Ce qui s’est fait dans le passé n’est plus d’actualité. Dieu, qui a châtié à l’époque de Moïse le Pharaon, ne revient pas sur ce sujet. Le péché qui attire le jugement de Dieu sur l’Egypte est celui dont il se rend coupable au temps d’Ezéchiel, et non il y a des siècles. Il est le même que celui de Tyr, le péché de l’orgueil et de la suffisance. Les raisons qui sont à l’origine de la vantardise du Pharaon sont différentes de celles qui gonflaient la poitrine du roi de Tyr. Mais la nature de leur vanité est la même. Le Pharaon, comme le roi de Tyr, se prend pour un dieu. Il se croit tout-puissant. Il pense que c’est à lui seul qu’il doit le pouvoir qu’il a de terroriser les autres. Il se comporte comme le roi du Nil, un crocodile monstrueux qui s’abuse de son pouvoir. S’il était intelligent, celui-ci saurait que c’est à Dieu qu’il doit l’environnement dans lequel il baigne. Mais le Pharaon l’a oublié. Il ne se voit plus comme une créature, mais comme celui de qui tout dépend en Egypte. Ayant ravi à Dieu la gloire qui lui est due, Dieu estime qu’il est temps de le ramener lui aussi à la raison.

V 4 à 5 : l’affaiblissement de la puissance de l’Egypte

Aussi puissant soit-il, le Pharaon d’Egypte ne pourra éviter ce que Dieu a prévu pour lui pour le corriger. Après le roi de Tyr, il sera la prochaine proie qui tombera dans la nasse de Nebucadnetsar. Roi du Nil, il se croyait invincible. Parce qu’il exerce un pouvoir absolu dans la sphère où il règne, le Pharaon commet la même erreur que tous ceux qui sont dans son cas. Il se pense au-dessus de tout. Il ne réalise pas qu’à côté de lui, il existe d’autres puissances qui, si Dieu le veut, peuvent mettre fin d’un jour à l’autre à son empire. Puisque le milieu dans lequel le Pharaon règne l’aveugle, Dieu, pour l’amener à une conception plus juste de la réalité, va l’en sortir. Harponné par un pécheur habile, le crocodile du Nil va être extrait du fleuve dans lequel il était à l’aise pour être jeté dans le désert avec tous ceux qui lui étaient affiliés. Là, il fera le constat amer que, tout Pharaon qu’il est en Egypte, il n’est rien. Il verra son empire se démanteler et ses biens spoliés sans qu’il ne puisse rien faire pour l’en empêcher.

L’orgueil, disait quelqu’un, est d’abord et avant tout un défaut de perspective, une distorsion de la vérité. Il est, selon l’Ecriture, le péché premier commis par le diable, celui qui a entraîné les autres à sa suite : 1 Timothée 3,6. L’orgueil nous aveugle au sujet des limites inhérentes à notre condition de créature. Il nous fait croire quelque part que nous sommes l’égal de Dieu. Mais le pouvoir de l’orgueilleux n’est et ne sera jamais le sien. Il ne tient qu’à des circonstances qui lui sont favorables. Au jour où elles changent, l’orgueilleux perd de sa superbe et est ramené à la réalité. Ce n’est qu’à la volonté souveraine de Dieu que l’orgueilleux devait la position qu’il occupait. Que Dieu la lui retire et il n’est plus rien. La différence entre Dieu et les tyrans de ce monde tient à une seule chose. L’autorité que Dieu possède est inhérente à ce qu’Il est : l’Eternel créateur de toutes choses. Parce qu’ils dépendent de lui, les autres puissances portent en elles-mêmes la marque intrinsèque de la faiblesse. Elles ne tiennent qu’à lui : Apocalypse 17,12. Malheur à ceux qui, séduits par la puissance temporelle d’un Pharaon, s’agrègent à lui comme s’il était un dieu. Ils feront avec lui l’expérience humiliante de la chute, au jour où Dieu brisera leur chef. Seul ceux et celles qui s’attachent à Dieu ne seront jamais confus : Psaume 97,7 ; Esaïe 45,17.

V 6 et 7 : l’Egypte, un soutien décevant pour Israël

Mise à part l’arrogance de son chef, le Pharaon, la cause du jugement de l’Egypte rejoint celle qui présida à la ruine des nations voisines d’Israël. L’Egypte est jugée pour ce qu’elle a été pour le peuple de Dieu, ici un recours décevant. Alors que Juda devait faire face à l’hostilité de nations puissantes qui s’élevaient, la tentation était grande pour lui de chercher de l’aide auprès d’alliés humains capables de le protéger. Parmi eux, l’Egypte figurait en bonne position. En son temps, le roi d’Assyrie qui assiégeait Jérusalem, avertit Juda avec justesse. « Voici, dira le Rabshaké, tu as placé ta confiance dans l’Egypte, tu as pris pour soutien ce roseau cassé, qui pénètre et perce la main de quiconque s’appuie dessus : tel est Pharaon, roi d’Egypte, pour tous ceux qui se confient en lui : 1 Rois 18,21. » L’accusation faite ici par le conquérant assyrien n’était pas justifiée. Ezéchias, le roi de Juda, s’appuyait sur l’Eternel, et c’est l’Eternel qui le délivra de sa main. Elle était cependant un avertissement inspiré qui se vérifiera plus tard. Etabli dans ses fonctions royales par le Pharaon, Jojakim fera l’amère expérience de devoir être seul à faire face à Nébucadnetsar. Dépouillé lui-même par le roi de Babylone, le Pharaon ne pourra lever la tête pour secourir son protégé : 2 Rois 23,34 à 24,7. L’Egypte, secours illusoire, ne peut rien pour le peuple de Dieu au jour où celui-ci reçoit son châtiment. Elle est, comme toutes les ressources que le monde prétend offrir, une source de dépit, de désillusion et de souffrances amères pour le peuple de Dieu.

Lorsque le jugement vient, il frappe non seulement les ennemis viscéraux de Juda et d’Israël, mais aussi ses faux amis. Les faux amis d’Israël ne sont pas mieux pour lui que ses ennemis. Ils représentent seulement un danger plus sournois. Le jugement des faux amis du peuple de Dieu a pour but de ramener le cœur de celui-ci à son Dieu. Il faut qu’Israël le sache ! Le seul qui soit en mesure de le secourir et d’assurer sa sécurité est son Dieu. Chaque fois qu’un souverain a fait ce choix, il n’a pas été déçu. Il a vu l’Eternel agir pour mettre, de manière miraculeuse, ses ennemis en déroute. Qui d’autre que l’Eternel, le Roi tout-puissant, peut mieux sauver que lui ? Que Dieu nous aide pour nous-mêmes à retenir les nombreuses leçons de l’histoire de son peuple ! Notre Dieu est aujourd’hui le même qu’hier, et cela éternellement !

V 8 à 16 : un châtiment limité dans le temps

Pour le bien futur d’Israël et en raison de l’arrogance de son chef, l’Egypte va passer à son tour par la dévastation. Tout ce qui faisait l’orgueil du Pharaon va lui être ôté. Ses villes vont être détruites, son Nil asséché : cf Esaïe 19,4 à 6. Sa population va connaître l’exil. Le châtiment dont l’Egypte sera l’objet n’aura cependant pas pour but sa destruction. L’Egypte sera corrigée, mais avec mesure. Le temps de son humiliation sera de 40 ans, nombre qui, dans l’Ecriture, correspond à le durée de l’épreuve et du test : Nombres 14,33-34 ; Marc 1,13. Après cela, l’Egypte sera rétablie. Les Egyptiens exilés retourneront dans le pays. Mais l’ancienne puissance ne retrouvera jamais son éclat. L’Egypte existera, mais restera une nation modeste. Sa faiblesse la sauvera d’elle-même et sauvera Israël de la tentation de chercher en elle un appui qui se substitue à son Dieu.

Il est vital que le peuple de Dieu apprenne dans tous les temps que le meilleur appui qu’il puisse posséder est son Dieu. L’Israël d’aujourd’hui ne l’a pas encore appris, lui qui cherche dans ses alliances avec les Etats-Unis et d’autres, sa sécurité. Ce qui s’est produit avec l’Egypte au temps de Nebucadnetsar pourrait très bien se reproduire pour lui aujourd’hui. Zacharie l’a prédit ! C’est dans son extrême détresse qu’Israël, enfin, cessera de s’appuyer sur des roseaux humains qui le percent pour se tourner vers celui qu’ils ont percé, son Messie : Zacharie 12,10. Le but de l’histoire est d’apprendre à chaque nation qu’aucune ne peut être le sauveur des autres et du monde. Il y a un seul royaume, celui de Dieu, et un seul chef qui peut assurer le salut de tous, individus comme peuple, Jésus-Christ. Au jour où l’Egypte l’apprendra, elle ne sera plus l’objet du châtiment de Dieu, mais, avec Israël, celui de sa bénédiction : Esaïe 19,24 à 25. Que ce jour vienne bientôt !

V 17 à 21 : la prise de l’Egypte : la récompense de l’armée babylonienne

Personne ici-bas ne pourra accuser Dieu de l’avoir servi sans jamais en être récompensé. Dieu, certes, ne doit rien à personne. Auteur de toutes choses, c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être : Actes 17,28. Qui sert spécifiquement au dessein de Dieu est au bénéfice d’une double grâce. Il peut être sûr de son appui et il en est enrichi. Jamais il ne sera dit par quiconque que, au service de Dieu, le prix payé a été supérieur au salaire reçu. Il est de l’honneur de Dieu de gratifier dans sa grâce chacun de ses serviteurs pour le service qu’il lui a rendu. Il n’y a là de sa part aucun dû légal, mais quelque chose qui a trait à la bienséance inhérente à sa bonté.

Roi de Babylone, Nebucadnetsar n’est pas un conquérant comme les autres. Il n’agit pas d’abord en vue de sa propre gloire, mais au service de Dieu. Jusqu’à quel point en est-il conscient ? Le livre de Daniel nous relate le fait qu’à un certain moment de son règne, il a appris qui était Dieu et lui a rendu gloire : Daniel 4,31-32. Avant d’humilier de nombreux peuples au service de Dieu, Nebucadnetsar a lui-même été brisé par Dieu. Ce rôle de vengeur de Dieu parmi les nations n’a pas été sans peine pour lui. Pour exemple, la conquête de Tyr fut longue, éprouvante. Le bénéfice que le roi de Babylone et ses armées en ont retiré a été pratiquement nul. Pour autant, Dieu ne l’a pas oublié. Puisque Nebucadnetsar a servi au dessein de Dieu à Tyr, il doit être récompensé. L’Egypte, dit Ezéchiel, sera son salaire, la compensation divine de ses efforts et de ses blessures.

Le regard divin qu’Ezéchiel nous apporte ici éclaire notre compréhension au sujet de ce qui se joue au niveau des conflits qui opposent les nations les unes aux autres. Il nous rappelle que nul ne peut s’élever et nul n’est abaissé sans que Dieu le décide. Le dépouillement des uns qui sert à la richesse des autres est l’œuvre ponctuelle de Dieu. Tout a pour centre le projet que Dieu poursuit avec son peuple, ici l’Israël de la terre promise. Le prophète de Dieu seul a la capacité de comprendre les liens et les ramifications qui tissent l’histoire des peuples et la noue au dessein de Dieu. Pour les autres, tout n’est qu’affaire de puissance militaire. Rien de ce qui se produit à l’échelle des nations n’est sans signification. Tout est orchestré par la sagesse du divin Souverain.

lundi 12 octobre 2020

EZECHIEL 28


V 1 à 9 : annonce au chef de Tyr

Jusqu’ici, l’objet de la prophétie d’Ezéchiel sur Tyr s’est concentré sur la cité qui est le centre névralgique de la puissance de l’empire commercial phénicien. Toute puissance dans le monde n’existe que parce qu’elle est personnifiée. L’Allemagne nazie n’est pas seulement un concept ou une entité. Elle est inextricablement liée aux traits du visage d’Adolphe Hitler. L’Amérique actuelle est l’Amérique de Donald Trump. A la tête de chaque empire se dessine le visage d’un homme qui en est la figure connue de tous. Ainsi en est-il de Tyr ! Aussi après s’être adressé à l’empire phénicien, c’est vers son chef, la figure qui l’incarne, que la prophétie d’Ezéchiel vise.

Que reproche l’Eternel au chef de Tyr ? Qu’est-ce qui, dans son attitude, attire sur lui le jugement qui conduira à la ruine de son empire ? Il se résume à une seule chose qui, malheureusement, est trop souvent commune à ceux qui se trouvent au faîte du pouvoir : l’orgueil. Devenu maître d’une puissance incontournable, le chef de Tyr, qui n’est qu’un homme, se prend pour un dieu. Il se croit à cause de ces richesses et de sa sagesse invincible, à l’abri de tout malheur et de toute ruine. Il est la démonstration vivante, avant et après tant d’autres, que l’homme n’est décidément pas fait pour la gloire et les hauteurs. Avant Jésus, mais après Moïse, Ezéchiel pointe la source d’où émane cette attitude si détestable qu’est l’orgueil : le cœur. « Ton cœur s’est enorgueilli, dit Dieu : v 5 ». Le chef de Tyr a perdu le sens des réalités. Il a oublié le fait que, dans sa faiblesse, c’est à Dieu seul qu’il devait à chaque seconde de vivre. Aussi lui faut-il passer à son tour par la leçon que l’Eternel réserve à tous ceux qui, abusivement, s’élèvent et cherchent à lui ravir la gloire qui lui est due : l’abaissement, le brisement, la ruine.

C’est par des hommes violents et des étrangers que le chef de Tyr va recevoir la correction que Dieu lui destine. Face à leur rage destructrice, il va soudain ouvrir les yeux et se rendre compte de sa folie et de sa vanité. Un vrai Dieu ne tremble pas. Il ne se trouve jamais dans une situation où il a peur, panique et s’effraie. Après l’arrogance, le chef de Tyr va devoir apprendre l’épouvante. Qu’en sera-t-il de ses prétentions lorsqu’il se trouvera soudain face à ceux qui, par leur épée, mettront fin à sa vie ? Comme les autres hommes, il ne sera rien. Si Dieu lui en laisse le temps, il devra confesser ce que Nebucadnetsar a reconnu après son humiliation : « Maintenant, moi, Nabuchodonosor, je loue, j’exalte et je glorifie le Roi des cieux, car il agit en accord avec ses paroles et tout ce qu’il fait est juste, il a le pouvoir d’abaisser ceux qui vivent dans l’orgueil : Daniel 4,34. »

Quelle grâce pour nous de savoir que la figure représentative de la puissance et du royaume de Dieu soit notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ ! Alors que c’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses, il aurait le droit légitime de s’attribuer tous les honneurs et tous les titres. Il n’a pas fait ce choix. Au contraire ! « Lui qui est de condition divine, il n’a pas regardé son égalité avec Dieu comme un butin à préserver, mais il s’est dépouillé lui-même en prenant une condition de serviteur, en devenant semblable aux êtres humains. Reconnu comme un simple homme, il s’est humilié lui-même en faisant preuve d’obéissance jusqu’à la mort, même la mort sur la croix : Philippiens 2,6 à 8. » Pour toujours, le Dieu que nous aimons et que nous servons, celui qui est au sommet de tous les pouvoirs, a les traits d’un seul visage : celui du Crucifié de Golgotha. Il est le Roi qui s’est abaissé au point d’être un ver, et plus un homme : Psaume 22,6. Mais la faiblesse de Dieu s’est révélée plus forte que les hommes et sa folie plus sage qu’eux. Que Dieu nous donne d’être dans ce monde ses dignes apprentis !

V 11 à 19 : le vrai roi de Tyr

Il y a dans le monde dans lequel nous vivons deux réalités : une visible, l’autre invisible. La réalité visible est celle que l’on perçoit avec nos yeux physiques. Elle est faite d’éléments que l’on peut décrire, analyser et toucher. Dans le domaine du gouvernement du monde, la réalité visible s’arrête sur les figures qui incarnent le pouvoir. Tel pays, disons-nous, a à sa tête tel roi, tel président, tel chef. S’ils permettent d’en saisir une partie, nos yeux sont incapables d’embrasser à eux seuls toute la réalité. Car derrière le visible, existe la partie déterminante de celle-ci dans laquelle nous sommes plongés : l’invisible. Pour la capter, il nous faut plus que de bons yeux. Il nous faut une révélation de Dieu dans l’esprit, cette partie de nous-mêmes qui échappe à nos sens. C’est grâce à elle qu’Ezéchiel pénètre dans le domaine de l’invisible pour nous livrer ce que Dieu lui a montré.

Si la première partie de la prophétie d’Ezéchiel s’adressait au dirigeant humain de Tyr, la seconde concerne nettement quelqu’un qui n’est pas fait de chair et d’os. Il ne s’agit donc pas du même personnage. Bien qu’il fasse partie de l’histoire de l’humanité, l’être dont il est question ici a une origine qui dépasse largement son cadre. Alors qu’aucune nation n’existait encore, il était déjà là en Eden lorsque le 1er homme y a été placé. Créature magnifique, chef d’œuvre de la création de Dieu, cet être occupait dans la hiérarchie des milices angéliques la place la plus élevée. Il était un chérubin protecteur, un être céleste chargé d’être porteur de la gloire de Dieu : Ezéchiel 9,3. Il bénéficiait ainsi d’un rang et d’un statut qui étaient un privilège rare. Destiné à de hautes fonctions, ce chérubin possédait des atouts que peu partageait avec lui. D’un beauté sans égale, mis à part celle de Dieu qui la surpassait, son entrée dans le monde créé fut un jour de joie et d’allégresse à la gloire de Dieu. Chants, musique, concerts d’instruments de toutes sortes saluèrent sa venue. Jamais encore on n’avait vu de créature si admirable. Jamais personne jusque là n’avait été doté de si magnifiques atours (Ezéchiel dénombre dix pierres précieuses composant son ornement).

Si tous les anges sont nés pour être au service de Dieu, tous n’assument pas la même fonction. Le chérubin dont parle ici Ezéchiel faisait partie des rares privilégiés qui vivaient dans l’entourage même du Créateur. Cette place qu’il occupait n’était pas le résultat d’un parcours méritant. Elle lui avait été attribuée par grâce par le Dieu souverain dès sa naissance. Au bénéfice de tant de faveurs, on aurait pu s’attendre à ce que ce chérubin, débordant de reconnaissance, mette toute sa personne au service de son Roi. Ce fut le cas un temps, jusqu’à ce qu’une pensée et un désir insidieux s’insinuent en lui. « Servir la gloire de Dieu, contribuer à engendrer l’adoration de sa personne dans le cœur de ses créatures, soit ! Mais ne suis-je pas moi aussi digne de louange ? Ma beauté et ma sagesse ne méritent-elles pas de faire l’objet de l’admiration de tous ? » Au moment où cette pensée s’installa en lui et gagna l’adhésion de sa volonté, l’idolâtrie, source de tous les maux et provocatrice de toutes les colères divines, naquit. Dans son essence profonde, l’idolâtrie n’est pas le fait d’adorer d’autres dieux que Dieu. C’est d’abord et avant tout l’adoration de sa propre personne à la place de Dieu.

Nous savons par le reste de l’Ecriture qui est le chérubin protecteur qui est l’objet de la complainte d’Ezéchiel. Il n’est personne d’autre que l’astre brillant, le fils de l’aurore, Lucifer devenu Satan, l’adversaire viscéral de Dieu : Esaïe 14,12. Le roitelet orgueilleux de Tyr n’en est qu’une représentation. Le fait que celui-ci lui soit assimilé n’est cependant pas anodin. L’Ecriture nous rapporte que, dans sa révolte contre Dieu, le chérubin protecteur maléfique a entraîné de nombreux anges derrière lui : Apocalypse 12,4. Ensemble, ils forment un monde spirituel parallèle à celui de Dieu dans lequel chacun exerce, au service de son maître, des fonctions d’autorité et de domination : Ephésiens 6,12. Ils constituent collectivement le monde des ténèbres. Depuis l’entrée du péché dans le monde, ils ont pris le contrôle partiel de l’humanité, Dieu restant souverain malgré tout : cf 1 Jean 5,19. Des nations, des régions, des villes, des empires sont sous la juridiction particulière des uns et des autres : Daniel 10,20. Cette réalité explique la raison de tant de divergences de mentalités et d’idéologies dans le monde selon les pays dans lesquels on se trouve.

Comme il en est de son chef terrestre, la fin du chef spirituel de Tyr est, elle aussi, déjà arrêtée par Dieu. Vient le jour où il sera précipité de son poste élevé pour être réduit à rien, à l’étonnement de tous ceux qui l’auront admiré et suivi. Le chérubin protecteur, si doué de Dieu, voulait être son égal. Il finira par être la plus misérable et la plus dépouillée de toutes les créatures. Que son parcours rappelle à tous une chose, qui est le principe sur lequel repose toute gloire : c’est à la louage de la grâce de Dieu seule que nous devons d’être ce que nous sommes, rien d’autre.

V 20 à 23 : le jugement de Sidon

Après Tyr, Sidon était la 2ème ville importante de l’empire commercial phénicien. Les deux villes étaient si liées entre elles qu’elles forment ensemble un couple pratiquement inséparable. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que la prophétie d’Ezéchiel sur la ruine qui atteindra Tyr touche également Sidon, son alliée et sa complice. Située à 35 kms au nord de Tyr, Sidon tombera suite à un double fléau qui la frappera. Sidon mourra de la peste et de l’épée. Prise par Nebucadnetsar, elle sera l’objet d’un véritable carnage.

Aussi sévère soit le jugement qui frappa Tyr et Sidon, les cités phéniciennes ne sont pas celles qui, sous l’angle de la culpabilité, tiennent la tête d’affiche devant Dieu. Les villes les plus coupables sont ailleurs. Elles ne sont pas hors du territoire d’Israël, mais sur lui. Elles sont les cités qui, du temps de Jésus, ont été les témoins privilégiés des œuvres de puissance qu’il a accomplies en leur sein. Jésus est formel ! Si les miracles qu’il a opérés au milieu de Chorazin et Bethsaïda l’avaient été à Tyr et Sidon, leurs habitants se seraient repentis et auraient échappé au jugement. « C’est pourquoi, dit le Seigneur, au jour du jugement Tyr et Sidon seront traitées moins sévèrement qu’elles : Matthieu 11,21-22. »

Il nous faut, en lisant le récit et les prophéties qui traitent du jugement des villes anciennes, retenir le principe induit ici par Jésus. Le degré de culpabilité des hommes n’est pas établi sur le seul critère de leur vanité, leurs vices ou leur orgueil. Il est aussi lié à la mesure de grâce reçue. Plus une nation a été au bénéfice de la connaissance de Dieu par Jésus, plus elle est coupable de ne pas se repentir. Il se peut que, sur le plan moral, elle soit plus respectable que Sodome et Gomorrhe ou Tyr et Sidon. Mais le poids du péché de ces villes ne peut rivaliser, en termes de responsabilité, avec celui qui pèse sur les cités qui se sont montrées indifférentes à la lumière de l’Evangile reçue. Dans les mêmes circonstances, Jésus estime que les cités antiques se seraient comportées autrement. Elles auraient pris le sac et la cendre et se seraient amendées de leurs péchés. Cette règle de mesure, qui s’applique aux villes dans lesquelles Jésus est passé de son vivant sur terre, est vraie aussi pour les nations qui, au cours de l’histoire, ont bénéficié d’une connaissance plus ample de Christ que les autres. Au jour du jugement, ce critère prévaudra sur tout autre. Que Dieu donne à ceux que l’Evangile a éclairé la grâce de se repentir vite et profondément !

V 24 à 26 : Tyr et Sidon jugées pour le bien d’Israël

Quel est le but des jugements qui frappent les Etats voisins d’Israël : Ammon, Moab, Philistie, Tyr et Sidon ? S’il est, dans un premier temps, qu’ils reconnaissent que l’Eternel, le Dieu d’Israël, est le seul Dieu qui soit, il poursuit également un autre objectif. Il est, dit Ezéchiel, d’assurer la tranquillité future d’Israël. Depuis sa naissance en tant que nation, Israël n’a jamais vraiment été reconnu comme un Etat légitime par ses voisins. Toujours, il a dû se battre contre l’un ou l’autre d’entre eux. Tous considéraient sa présence en Canaan comme une occupation illégitime. L’allergie que les voisins d’Israël ont développé contre lui n’a cependant rien d’humain. Elle n’est pas liée à la race ou à une couleur de peau. Elle trouve sa raison dans l’histoire même de la naissance de la nation. Toutes les nations frontalières d’Israël le savent : la nation hébraïque ne s’est pas installée en Canaan à la faveur de sa force. Ce n’est ni par sa puissance, ni par l’épée qu’Israël a dépossédé de leurs places les peuples qui occupaient le territoire qu’il a conquis. Israël a triomphé d’eux par l’assistance de l’armée de l’Eternel. La guerre qui oppose Israël à ses voisins est d’ordre spirituel, même si elle se traduit sur le terrain par des affrontements militaires.

En tant que maison de Dieu, Israël est le premier à connaître le jugement de Dieu. Celui-ci cependant n’est pas pour sa perte, mais pour sa purification. Aussi sinueux et tortueux soit le parcours du peuple élu, il faut que le dessein de Dieu à son sujet se réalise. En dispersant Israël parmi tous les peuples, l’Eternel n’abandonne pas son projet initial avec lui. Il libère son territoire pour le purifier de l’idolâtrie qui l’a infesté. Cet objectif n’a cependant pas été perçu de cette manière par ses voisins. Aveuglés par leur haine et leur animosité contre Israël, ceux-ci ont célébré la vengeance qui frappait le peuple élu, accumulant sur leur tête le courroux de Dieu. Leur joie aura été de courte durée. Après Israël, l’un après l’autre, les Etats voisins qui lui étaient hostiles recevront leur rétribution de la part du Dieu d’Israël, pour leur perte et leur ruine définitive.

Le terme de l’œuvre étrange de Dieu sera atteint au jour où, sous l’effet de la grâce de Dieu, Israël reviendra de l’exil pour occuper à nouveau son territoire. Ce temps sera pour lui celui de la paix, du repos et de la sûreté. Israël n’aura plus à craindre l’hostilité des peuples qui lui étaient voisins. Car ils ne seront plus. Chacun pourra construira sa maison et cultiver sa vigne sans redouter une invasion, une attaque soudaine ou une destruction. Israël aura la sécurité dans sa demeure. La fin heureuse que Dieu destine à son peuple choisi nous invite à ne pas nous prononcer trop rapidement au sujet de ce qui lui arrive en cours de route. N’ayant pas la vue finale du dessein que Dieu poursuit, nous risquons fort de mal interpréter les actes temporels qui jalonnent son parcours. Quoi que nous connaissions et traversions dans nos vies, gardons confiance en la capacité de Dieu de réaliser ses projets et ses promesses. Israël comme l’Eglise existent dans le monde pour une seule raison : célébrer la gloire de la grâce de Dieu : cf Ephésiens 1,6. « Quelle profondeur ont la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu, dira Paul ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables… C’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles ! Amen ! : Romains 11,33 et 36. »

samedi 3 octobre 2020

EZECHIEL 27

 

V 1 à 10 : complainte sur Tyr

Chargé de prophétiser sur la ruine de Tyr, la cité qui est au cœur du négoce international, Ezéchiel est appelé de la part de Dieu à entonner une complainte qui dresse le portrait élogieux de la ville et la ruine qui l’attend. Présente dans le livre des psaumes, la complainte n’a pas pour habitude de s’intégrer dans le culte actuel du peuple de Dieu. Il y a là un manque évident si l’on considère que sur les 150 psaumes de la Bible, un bon tiers se distingue par cette connotation. A ce sujet, Janie Blough fait la remarque suivante :

« Une foi honnête exige des expressions de lamentation. Que ce soit par la bouche de Job, de David ou des prophètes dans l’Ancien Testament, et de Jésus dans le Nouveau, la Bible est remplie de cris de souffrance. L’absence de « plainte » lors des cultes est un phénomène récent. En regardant de près l’Ecriture, l’expression de la « lamentation » est largement présente lorsque le peuple de Dieu se réunit. Le meilleur exemple, ce sont les psaumes qui occupent un rôle unique comme source de prière et de chant dans la liturgie du peuple de Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament. Utilisés dans le culte individuel et collectif, considérés comme indispensables, ils étaient lus, récités et chantés pour louer Dieu, pour progresser dans la foi, pour encourager face aux épreuves, et comme expression de reconnaissance.[1] »

Que dit la complainte écrite par Ezéchiel et inspirée par Dieu sur Tyr ?

1.        Elle utilise une métaphore, celle d’un navire, pour imager ce qu’elle est. La métaphore illustre à merveille la réputation qu’avait Tyr auprès des autres nations. Tyr était la championne du commerce maritime international et les Phéniciens reconnus comme de grands navigateurs. « A partir du Xe siècle avant J.C., les Phéniciens commencent à se répandre au-delà de la Méditerranée orientale, après avoir établi des bases à Chypre. Ils créent des comptoirs sur la côte nord-africaine, jusqu’en Tunisie et en Algérie, mais aussi en Sicile, à Malte, en Sardaigne, en Corse et dans le sud de l’Espagne… Partis de cités-Etats sur la côte libanaise (Tyr), les phéniciens ont essaimé dans tout le monde antique, fondé un empire qui a fait trembler Rome, et auraient même bouclé le premier tour des côtes d’Afrique.[2] »  

2.       Elle exprime les sentiments que Tyr ressent à son propre sujet. Grisée par le luxe dans lequel elle vit, Tyr en vient à s’adorer elle-même, à s’extasier face à ce qu’elle est devenue. L’Ecriture montre qu’elle n’est pas la seule à faire l’expérience de cette auto-idolâtrie. « Ta sagesse et ta science t’ont séduite, dit Esaïe à propos de Babylone, et tu disais en ton cœur : Moi, et rien que moi ! : Esaïe 47,10. » « Voilà donc cette ville joyeuse, dit Sophonie au sujet de Ninive, qui s’assied avec assurance et qui dit en son cœur : Moi, et rien que moi ! : Sophonie 2,15. » Eprises d’elles-mêmes pour des raisons différentes, les trois villes, propulsées un temps au sommet de la gloire, connaîtront chacune le même sort. Une ruine soudaine fondra sur elles pour leur rappeler que la gloire n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu. Lui seul, en effet, en est digne ! Car c’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses.

La chute de toutes les étoiles du monde devrait nous rappeler à tous et pour toujours une vérité immuable. Cette vérité est que la gloire ne sied pas à la créature. Preuve en est par le fait qu’elle est incapable de la connaître sans tomber immédiatement dans la vanité, l’orgueil ou la suffisance. Il n’y a certes rien de mal à être beau, fort ou intelligent. Le désir de Dieu n’est pas que nous restions des créatures médiocres, sans attrait ou stupides. La question est plutôt de savoir quelle place nous reconnaissons à Dieu dans la réussite à laquelle nous sommes parvenus. Car s’il y a en nous quelque beauté, quelque force ou quelque intelligence, ce n’est pas d’abord à nous, mais à Lui que nous le devons.

3.       Elle témoigne du fait que c’est du commerce avec tous les peuples avec qui elle a eu des échanges que procède sa richesse. La coque du navire qu’est Tyr est faite en cyprès de Senir (ancien nom local pour le mont Hermon : Deutéronome 3,9). Son mât a été fait dans un cèdre du Liban. Ses rames proviennent des chênes du mont Basan. Son pont a été fabriqué avec un ivoire venant d’Assyrie et importé de Kittim (Chypre). Ses voiles et son pavillon ont été tissés avec des étoffes issues d’Egypte et des îles d’Elisha (Elisha était un fils de Javan, père de la Grèce : Genèse 10,4). Ses rameurs venaient de Sidon, cité située à 35 km au nord de Tyr, passée sous sa domination, et d’Arvard, une île fortifiée située à 50 kms au nord de Tripoli. Ses agents de maintenance étaient des ouvriers venus de Guebal, autre nom de la ville de Byblos, située au nord de Beyrouth (les Guibliens participèrent en son temps à la construction du temple de Salomon : 1 Rois 5,18). Ses soldats furent recrutés en Perse (l’Iran actuel), à Lud et à Puth au nord de l’Afrique. Ils étaient tous des hommes de guerre prestigieux et valeureux.

4.       Elle rend compte du réseau commercial impressionnant qu’avaient développé les Phéniciens au pinacle de leur prospérité.

Tyr traitait avec Tarsis, au sud de l’Espagne, pour ses besoins en minerai d’argent, de fer, d’étain et de plomb : cf Jérémie 10,9. Elle lui fournissait en échange ses denrées. De Javan (la Grèce), Tubal et Méschec, elle importait contre des marchandises des esclaves et des objets de bronze. De la communauté de Togarma (l’Arménie), elle faisait venir ses chevaux de traits et d’attelage. Israël et Juda, dont la ruine la réjouit, étaient aussi du nombre de ceux avec qui elle entretenait des échanges commerciaux, ainsi que l’Arabie. De partout, à partir de son port, s’élançaient ses navires pour faire commerce avec toutes sortes de nations pour toutes sortes de produits : blé, miel, huile, lin, vin, fer, parfum, couvertures pour chevaux, bétail, pierres précieuses, or, habits de luxe, tapis, broderie, cordages… Habitant à Tyr, il n’était nul besoin de voyager pour s’équiper en matériel venant de pays étrangers. Tout était là à profusion. Tyr était la maîtresse de l’import/export.

5.       Elle rend compte du drame que représente la chute de Tyr pour le réseau qu’elle alimentait 

Qui travaille dans le monde de l’entreprise sait à quel point la santé de l’une influe sur la prospérité de l’autre. Qu’un consortium vienne à faire faillite, aussitôt ce sont de multiples sous-traitants ou clients qui sont en péril. La chute de Tyr, la reine des mers et du commerce mondial, sera en elle-même une nouvelle stupéfiante. Le pire sera pour le monde les répercussions que sa disparition entraînera. On en trouve l’écho dans l’Apocalypse, à la nouvelle de la chute de Babylone, la Tyr de la fin des temps. «   Et les marchands de la terre pleurent et sont dans le deuil à cause d’elle, parce que personne n’achète plus leur cargaison, cargaison d’or, d’argent, de pierres précieuses, de perles, de fin lin, de pourpre, de soie, d’écarlate, de toute espèce de bois de senteur, de toute espèce d’objets d’ivoire, de toute espèce d’objets en bois très précieux, en airain, en fer et en marbre, de cinnamome, d’aromates, de parfums, de myrrhe, d’encens, de vin, d’huile, de fine farine, de blé, de bœufs, de brebis, de chevaux, de chars, de corps et d’âmes d’hommes : Apocalypse 18,11 à 13. » La chute de Tyr est l’exemple même du côté pervers de la mondialisation si vantée aujourd’hui.

6.       Elle rend compte du caractère soudain, totalement inattendu et imprévisible de la chute de Tyr

Là encore, le même écho se fait entendre au sujet de la Babylone dernière, qui est la copie conforme de Tyr. « Et tous les rois de la terre, qui se sont livrés avec elle à l’impudicité et au luxe, pleureront et se lamenteront à cause d’elle, quand ils verront la fumée de son embrasement. Se tenant éloignés, dans la crainte de son tourment, ils diront : Malheur ! malheur ! La grande ville, Babylone, la ville puissante ! En une seule heure est venu ton jugement ! : Apocalypse 18,9 et 10. »

Si, pour le monde, la rapidité avec laquelle Tyr s’écroulera sera une cause d’effroi, pour les justes, elle est une source de réconfort. L’effondrement de Tyr, à l’image de celui des grands empires qui ont dominé le monde, est le rappel qu’aucune puissance n’est invincible. Il suffit en effet d’une heure à Dieu pour mettre à bas une hauteur que l’on pensait indestructible. Les géants que le monde bâtit ont tous des pieds d’argile qui ne résistent pas à la poussée du royaume de Dieu. Aussi ne devons-nous pas craindre leur arrogance du présent. Elle sera la marque de leur honte demain, au jour où Dieu décidera de mettre fin à leurs prétentions insensées.



[1] https://www.editions-mennonites.fr/2017/01/exprimer-la-plainte-au-culte/

[2] https://www.courrierinternational.com/article/2013/08/01/les-pheniciens-ces-grands-navigateurs#:~:text=Et%20ce%20peuple%20de%20marchands,dans%20tout%20le%20monde%20antique.