mardi 29 septembre 2020

EZECHIEL 26

 

SUR TYR : Ezéchiel 26,1 à 28,17

V 1 à 6 : procès de Tyr et sentence

Nous avons assisté dans le chapitre précédent au procès des nations voisines d’Israël. Ces nations faisaient partie du premier cercle des pays limitrophes au peuple élu. Ils étaient dans l’Ecriture les ennemis récurrents des Hébreux depuis leur naissance en tant que nation. Avec le procès de Tyr, Ezéchiel élargit la sphère des pays concernés par le jugement de Dieu. Le lien avec Israël demeure cependant. En effet, c’est en raison de sa réaction à la chute de Jérusalem que l’Eternel, après les 4 nations citées auparavant, s’en prend ici à Tyr.

La portion qu’Ezéchiel consacre à Tyr dépasse de loin celle qui concerne les nations voisines d’Israël. Bien que géographiquement plus éloignée qu’elles de Jérusalem, la ville phénicienne n’est pas étrangère à l’histoire d’Israël. Hiram, le roi de Tyr, était un ami de David. C’est lui qui fournira au suzerain israélite le ouvriers et le bois qui lui permettront de construire son palais et, plus tard, le temple de Salomon : 2 Samuel 5,11 ; 1 Rois 5,15 à 24 ; 7,13 à 47. Après Hiram, un autre roi contribuera, de manière négative cette fois, au devenir d’Israël. Il s’agit d’Ethbaal 1er, roi de Sidon qui s’empara de Tyr et qui maria sa fille Jézabel au roi Achab. Le couple idolâtre et perfide sera l’un des pires que le royaume aura à sa tête : 1 Rois 16,31. Ville située sur la côte méditerranéenne dans ce qui est aujourd’hui le Liban, Tyr, profitait de sa position idéale pour s’adonner au commerce maritime avec de nombreuses nations. Ces échanges en faisaient l’une des cités les plus riches de l’Antiquité : Psaume 45,12, convoitées par de multiples conquérants : les Assyriens, Nebucadnetsar, Alexandre le Grand…

Si une cité n’avait pas à se plaindre quant à l’aisance et à la prospérité dont elle jouissait, c’était Tyr. Il se trouve pourtant que celle-ci n’en avait jamais assez. Comme il en est de la plupart des riches, Tyr ne se satisfaisait pas de son rang. Elle voulait être la ville phare, le centre d’attraction n°1 du commerce mondial. C’est pourquoi la prise et la chute de Jérusalem eurent pour elle l’effet d’une bonne nouvelle. Jalouse de son statut de « porte des peuples », Tyr comprit que Jérusalem détruite lui vaudrait un afflux de nouveaux clients et de nouvelles richesses. Elle n’eut pas la sagesse de voir le revers de cette médaille, à savoir que son prestige en faisait un objet de convoitise plus alléchant encore. Tyr ne jouira pas longtemps de son élévation. Après Jérusalem, elle aussi connaîtra la destruction. Il ne sera pas le fait d’un seul peuple mais de plusieurs nations. Les murailles de Tyr, derrière lesquelles elles se sentait en sécurité, seront démolies. Le rocher qui la portait sera mis à nu : v 4.

Le malheur qui atteindra Tyr ne la concerne pas uniquement. Tyr est ici le symbole de toutes les puissances qui, par leur commerce, cherchent à occuper la première place dans le cortège des nations. La chute de Tyr nous parle du malheur qui attend tous ceux qui font de Mammon leur dieu. Comme pour elle, la ruine est au bout de leur chemin : cf : la chute de la ville de Babylone : Apocalypse 18. Les vestiges de la ruine de Tyr sont une confirmation de la validité de l’enseignement de Jésus sur les richesses. « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur : Matthieu 6,19 à 21.

V 7 à 14 : conquête de Tyr par Nebucadnetsar

Avant que les prophètes n’apparaissent, le Seigneur avait indiqué dans la loi par quel critère seraient reconnus ceux qu’il avait réellement mandatés. Si ce que le prophète annonce ne se produit pas, c’est la preuve que ce n’est pas Dieu qui l’inspire, mais que celui-ci parle de son propre chef : Deutéronome 18,12. Pour être vérifiable, la prophétie se doit d’être précise, sans ambiguïté. Le texte qui la supporte doit être fait de mots simples, de descriptions claires, détaillées qui ne prêtent à aucune interprétation multiple. Tous les prophètes bibliques peuvent être examinées sous cet angle. Aucun ne faillit. Ezéchiel en est ici un exemple.

Parlant de Tyr et de la ruine qui l’attend, Ezéchiel ne fait pas dans l’à-peu-près. Non seulement il désigne celui qui causera sa perte nominalement, mais il décrit avec force détail comment se déroulera la conquête de la ville. C’est par Nebucadnetsar, le roi de Babylone, que Tyr va tomber. A la tête d’une armée nombreuse composée de soldats de diverses nations, le souverain babylonien va déferler comme une marée dans le territoire tyrien sans que nul de ses habitants n’échappe. Arrivé aux abords de la ville, il va en faire le siège en édifiant des remblais contre elle. L’histoire nous apprend que ce siège durera 13 ans, de 585 à 572 av J-C. Adossée à la mer, Tyr résistera un temps. Mais le jour viendra où les machines de guerre du roi de Babylone viendront à bout des tours et des murailles de la ville. Avec un fracas effrayant, les chevaux de l’armée piétineront les rues de la ville conquise terrorisant ses habitants. Selon l’histoire, la ville ne sera pas détruite à ce moment-là. Mais la prophétie d’Ezéchiel ne ment pas. Alexandre le Grand finira le travail commencé par Nebucadnetsar. Avec les débris de pierre et de bois qui résulteront du ravage de la campagne tyrienne par le roi de Babylone, le conquérant grec fabriquera une chaussée de 180 à 280 mètres de large dans la mer qui ouvrira la voie à ses armées pour faire tomber définitivement la ville : cf Ezéchiel 26,12. Tyr, l’orgueil du commerce maritime mondial, sera rasé. Même si le lieu restera habité, la ville ne sera jamais plus reconstruite. Il ne restera d’elle qu’un rocher nu sur lequel les pécheurs étendront leurs filets.

V 15 à 18 : la résonnance de la chute de Tyr parmi les nations

Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que l’Eternel en soit l’auteur, questionne le prophète Amos : Amos 3,6. Il n’est pas rare que le malheur qui arrive dans une ville provoque une onde de choc dont les répercussions s’étendent bien au-delà. Plus la ville où le malheur se produit est grande, réputée, plus ses effets se feront sentir loin. Dans la prophétie d’Ezéchiel qui nous occupe, le malheur dont il est question ne se limite pas à un quartier, une famille on quelques individus de la ville de Tyr. C’est de la ruine entière de la ville dont il est question. Son impact sur le monde environnant est semblable à ce qui se serait produit si, le 11 septembre 2001, ce n’était pas seulement les tours jumelles du World Trade Center qui se seraient écroulées, mais toute la ville de New-York.

Comment Dieu peut-il parler au monde ? De quelle manière agit-il pour rappeler aux nations que lui seul est Dieu ? S’il agit d’abord par sa parole et ses prophètes, c’est aussi par les malheurs qui se produisent çà et là qu’il se rappelle au bon souvenir des peuples. Tout malheur qui se produit n’a pas la même portée, ni les mêmes destinataires. Plus il est grand, plus il cherche à impacter la conscience d’un grand nombre. Un accident de la route qui ôte la vie à toute une famille n’a pas la même résonnance qu’un tremblement de terre qui détruit une ville. Que dire quand la ruine atteint une métropole comme Tyr, considérée par tous les peuples comme la ville phare du commerce mondial ?

Que cherche Dieu en frappant Tyr ? Quel message veut-il transmettre aux autres puissances qui lui sont dépendantes ou concurrentes ? Esaïe y répond. Le message est un message d’avertissement, un rappel pour tous qu’il y a un jour où chacun devra faire face au jugement de Dieu. « Car il y a un jour pour l’Eternel des armées contre tout homme orgueilleux et hautain, contre quiconque s’élève, afin qu’il soit abaissé ; contre tous les cèdres du Liban, hauts et élevés, et contre tous les chênes de Basan ; contre toutes les hautes montagnes, et contre toutes les collines élevées ; contre toutes les hautes tours, et contre toutes les murailles fortifiées ; contre tous les navires de Tarsis, et contre tout ce qui plaît à la vue. L’homme orgueilleux sera humilié, et le hautain sera abaissé : L’Eternel seul sera élevé ce jour-là. Toutes les idoles disparaîtront : Esaïe 2,12 à 18. » Le but de Dieu par le jugement est de rétablir la vérité au sujet de ce qui est digne de gloire et d’honneur, en détruisant ce qui est l’objet de l’idolâtrie des peuples. C’est pourquoi, malgré toute la puissance dont ils ont fait preuve à un moment donné, les empires, qu’ils soient d’ordre militaire ou économique, passent. « Je suis l’Eternel, c’est là mon nom ; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles, dit encore Esaïe : Esaïe 42,8. » Les hommes de ce monde qui glorifient la force brutale ou le pouvoir que donne l’argent doivent encore et toujours le réapprendre. C’est à Dieu qu’appartient la puissance et la gloire, car il est avant toutes choses et toutes choses ne subsistent que par lui.

Bien que le texte d’Ezéchiel sur la chute de Tyr date de plusieurs siècles avant Jésus-Christ, la réalité et le message dont il est porteur restent actuels. La complainte entonnée par les nations au jour de la nouvelle de l’effondrement de Tyr est la même que celle que prononcent les peuples à la vue de l’embrasement de Babylone, la cité qui est la fierté et l’orgueil du monde des derniers jours : Apocalypse 18,19. « L’empire commercial de Tyr est particulièrement approprié pour symboliser l’un des aspects du monde : sa richesse ostentatoire. Les collines de Rome, les fleuves de Babylone et la mer de Tyr sont tous appelés à illustrer différents aspects de la Prostituée… Les marchandises de Tyr et les atours de la Prostituée sont étalés quotidiennement devant les yeux des hommes. Les sous-privilégiés les désirent, les privilégiés en veulent toujours plus : elle séduit toutes les nations.[1] » Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Depuis Babel, l’être humain devrait l’apprendre, mais il en est incapable. Générations après générations, les mêmes erreurs se renouvellent. La raison se trouve dans le cœur rebelle et hautain de l’homme qui, depuis le jardin d’Eden, cherche à égaler Dieu : Genèse 3,5. Ce désir de la créature de s’élever au-dessus de tout a contraint le Créateur, par son Fils, à s’abaisser en-dessous de tout. Il a pris sur lui la ruine que méritaient nos péchés, notre vanité et notre vantardise pour que le jugement de Dieu nous soit épargné. Quel la gloire lui en soit rendue à jamais !

V 19 à 21 : la ruine de Tyr

Aussi élevée soit Tyr, elle devrait se souvenir, à cause de nombreux précédents historiques, que la richesse et la grandeur ne sont nulle part une garantie de pérennité. D’autres avant elle, telle Ninive, se croyaient éternelles, mais sont devenues un désert. Le bruit de la vie qui animait leurs rues s’est mué en un silence de mort. Le brouhaha des échanges commerciaux, les cris et les chants qui saturaient l’air qu’on y respirait, se sont tus. Les maison luxueuses se sont transformées en ruines et le nom de ces cités n’est plus évoqué qu’au passé. Telle est la destinée qui attend à son tour Tyr, la gloire phénicienne. Il y a des temps où le châtiment de Dieu, parce qu’il n’est pas pour la mort, est appliqué avec mesure. Le but de Dieu n’est pas de détruire, mais de corriger. Mais lorsque la décision de Dieu est prise dans l’autre sens, il n’y a plus d’avenir. Les damnés de Dieu sont précipités dans un abîme duquel nul ne peut sortir. Ils sombrent dans les profondeurs de la terre qui referment ses entrailles sur eux pour toujours.

Quel nom porte le contentieux qui conduisit Tyr à être foudroyé par la colère de l’Eternel ? Un seul : la gloire. Toute la Bible, et le livre d’Ezéchiel en particulier, en fait son thème majeur. La gloire appartient à Dieu ! Elle ne sied pas à ce qui le déshonore. Si Israël passe par la captivité, l’exil, c’est pour une seule raison : que la gloire attachée au nom de Dieu, qui l’avait choisi pour le magnifier, soit sauvegardée ! Dieu ne jalouse rien de plus que sa gloire. La motivation qui a causé la ruine de Jérusalem est la même qui préside au jugement de Tyr. Tyr sera détruite pour que la gloire ne soit plus attachée à son nom, mais revienne à qui de droit : le pays des vivants. Le pays des vivants est le royaume de Dieu, le royaume de la vie. Il est le pays de l’avenir, celui sur lequel se reportera la gloire de tous les peuples et de toutes les nations : Apocalypse 21,24. En jugeant le monde, Dieu ne pense pas seulement à détruire. Il retire sa gloire de cette terre pour la transférer dans la nouvelle qui sera la demeure de ses rachetés. C’est sur elle que la beauté, la joie, la vie, les échanges s’y exprimeront sans réserve et à profusion. Car il y a une chose qui, dans cette nouvelle création, ne se trouvera plus : l’idolâtrie.



[1] Encyclopédie des difficultés biblique : l’Apocalypse : Editions Emmaüs : Alfred Kuen

mercredi 23 septembre 2020

EZECHIEL 25

Le jugement, dit l’apôtre Pierre, commence par la maison de Dieu : 1 Pierre 4,17. La raison en est que c’est elle qui, dans le monde, porte la lourde mission d’être l’habitacle de sa présence. Parce qu’Israël a échoué dans cette mission, il est le premier à connaître le jugement. Tout ce qui faisait de lui un peuple privilégié lui est retiré. Israël perd sa terre, sa sécurité, son temple. La gloire de Dieu qui l’habitait se retire, laissant derrière elle une coquille vide. Israël perd avec la désertion de son Dieu sa fierté et sa gloire. Sa disparition, en tant que nation, est un coup de tonnerre. Car Israël n’est pas né de la bravoure d’un chef, ou de la puissance d’un conquérant. C’est aux victoires militaires d’un Nébucadnetsar que les Babyloniens doivent l’accroissement de leur empire et au génie d’un Alexandre le Grand que les Grecs se feront un nom dans l’histoire. Israël, quant à lui, n’est rien, juste un peuple esclave en Egypte. Il doit son affranchissement non à un homme, mais aux prodiges que Dieu a fait pour lui. Le nom, la gloire et la réputation de Dieu sont inextricablement liés à l’existence d’Israël.

Aussi, la disparition d’Israël en tant que nation dépasse le cadre des jeux de pouvoir qui sont la raison habituelle de l’élévation d’une puissance et de l’abaissement d’une autre. Avec Israël, c’est la prétention de Dieu d’être le Dieu unique et véritable qui est en cause. Les nations ennemies d’Israël le savent. Aussi, la chute d’Israël, la prise de Jérusalem et la destruction du temple ont pour elles un retentissement qui dépasse la bonne nouvelle que représente la défaite d’un ennemi. Elles sonnent le glas de la vanité d’Israël s’identifiant dans le cortège des nations comme le peuple élu de Dieu.

La partie du livre d’Ezéchiel que nous abordons traite du sujet du jugement de ces nations, réputées pour leur hostilité envers Israël. Comme ce fut le cas pour Israël, elles sont jugées, non seulement pour leur propres péchés, mais pour les faits dont elles se sont se rendues coupables dans leur animosité contre Dieu. Il faut que ces nations apprennent que, indépendamment d’Israël, Dieu est Dieu. Comme Israël, elles ont aussi à lui rendre compte de leurs actes. Leur haine contre le peuple élu, leur joie au vu des malheurs qui l’atteignent, leur participation active à sa destruction sont autant de sujets qui attirent sur eux son courroux. Israël est au milieu d’eux un révélateur de leur orgueil et de leur arrogance. Alors qu’Israël a retrouvé sa terre et sa place parmi nous, les paroles d’Ezéchiel prennent un air d’une surprenante actualité. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le monde sera jugé, non seulement pour ses abominations, ses crimes et son idolâtrie, mais pour son attitude envers Jésus-Christ, le Dieu de la révélation, le Dieu d’Israël.

CHAPITRE 25

V 1 à 7 : sur Ammon

Le premier peuple sur lequel Ezéchiel prophétise le jugement de Dieu, en-dehors d’Israël, est les Ammonites. Il sera suivi par les Moabites et les Edomites. Le choix que fait l’Eternel de débuter la série d’oracles qu’il va ordonner à Ezéchiel de prononcer contre les nations par ces 3 peuples, ne doit rien au hasard. Ammon, Moab et Edom ne sont pas, comme les autres peuples, des étrangers pour Israël, mais ses cousins. C’est en effet de la descendance de Loth, le neveu d’Abraham, que les deux premiers sont nés : Genèse 19,37-38, tandis qu’Edom est l’autre nom d’Esaü, le frère jumeau de Jacob : Genèse 25,30. Après Israël, son peuple, l’Eternel s’en prend pour les juger aux peuples qui lui sont le plus proches par les liens de parenté. Issus de la même racine qu’Israël, ces peuples portent, à cause de leur origine commune, une responsabilité accrue quant à leur attitude hostile envers lui. Que l’Egypte, Babylone, ou toute autre nation étrangère manifestent à l’égard d’Israël de l’animosité et une volonté de conquête, c’est une chose. Mais que dans le propre clan d’Abraham, on se réjouisse du mal qui arrive à son parent, cela ne peut que constituer, aux yeux de la justice de Dieu, un facteur aggravant.

Alors qu’Ammon comparaît au tribunal de Dieu, on pourrait s’attendre à ce que soit dressée devant lui la liste de tous les forfaits qu’il a commis en tant que nation. Ce n’est pas le cas. L’Eternel ne veut retenir comme charges contre lui que l’attitude qui fut la sienne au jour des malheurs qui scellèrent le destin de la nation hébraïque. Les autres crimes commis par Ammon existent. Mais, au regard du cynisme dont il fit preuve en ce jour, ils ne valent pas la peine d’être évoqué. Le fait que Dieu ne retient que ce fait contre Ammon pour prononcer le verdict qui le condamne ne devrait pas nous surprendre. Lors d’un jugement, aucun tribunal ne retient contre un prévenu les délits mineurs qu’il a commis s’il comparaît pour un crime majeur. Ce crime écrasant tous les autres, c’est pour l’avoir perpétré qu’il sera condamné. Le plus grand crime d’Ammon, proche parent d’Israël, celui qui écrase tous les autres, tient en une seule chose. Il est de s’être réjoui, d’avoir exulté de joie et de satisfaction au jour où le sanctuaire de Dieu a été profané, le territoire d’Israël dévasté et le peuple de Juda exilé. « Enfin, Israël n’existe plus ! Quelle joie de le voir désormais réduit à rien ! Depuis le temps que l’on espère cela ! Peuple élu, Israël n’a que ce qu’il mérite ! C’est l’heure, non de nous attrister pour ce qui lui arrive, mais de faire la fête ! » Celle-ci, répond Dieu, sera de courte durée. Car, de même qu’Israël a été écrasé par une puissance étrangère, ainsi en sera-t-il des fils d’Ammon. Il sera fait à Ammon la même chose que ce qui a été pour lui une cause de joie lorsque c’est arrivé au peuple de Dieu. Cinq ans après Juda, en 581 av J-C, les Ammonites seront à leur tour conquis et leur Etat définitivement anéanti. A cause de sa proximité parentale avec Israël, le cynisme dont a fait preuve Ammon au jour de son malheur est le crime qui a appelé sur eux ce jugement. Il fallait qu’Ammon apprenne aussi ce qu’Israël dut apprendre par la désertion de son Dieu. Cette leçon est que Dieu, le Dieu d’Israël, est le vrai Dieu, le Dieu auquel doivent rendre compte in fine tous les peuples.

V 8 à 11 : Sur Moab

Frères par le sang des Ammonites, les Moabites sont eux aussi mis en jugement par l’Eternel en raison de leur attitude à l’égard d’Israël. S’ils ne semblent pas avoir sauté de joie à la nouvelle de la destruction du pays, de son temple et de l’exil de ses habitants, comme le firent les Ammonites, les Moabites n’ont pas manqué d’afficher lors de ces événements leur mépris à l’égard du peuple élu. « Israël se vantait d’être le peuple choisi de Dieu. Regardez l’état dans lequel se trouve ce peuple mis à part ! Israël est comme les autres nations. Son Dieu n’est pas différent des autres dieux ! Au moment où Israël passe par la détresse, il est incapable de le secourir, dirent-ils ! » Comparée à la joie diabolique dont ont fait preuve les Ammonites à la nouvelle de la déportation de Juda, le dédain des Moabites paraît moins condamnable. Il n’en demeure qu’aux yeux de Dieu leur péché, issu de la même racine, mérite la même condamnation. Toucher à la spécificité d’Israël, c’est toujours attenter à la gloire et au témoignage du Dieu qui l’a suscité. Tous les peuples de la région savent, connaissent ce que l’Eternel a fait pour Israël. Ils ont vu, entendu comment, d’un peuple d’esclaves, il en a fait un peuple libre. Ils ont été témoin des prodiges qu’il a accompli en leur faveur lors de leur sortie d’Egypte et au moment de la conquête de Canaan. Fort de cette connaissance, Moab aurait dû veiller à l’interprétation qu’il s’est fait du malheur qui frappe Israël. Celui-ci n’efface en rien l’histoire, ni n’infirme le statut du peuple élu. Il est un avertissement pour Israël, mais aussi pour tous les peuples, une invitation à craindre son Dieu qui ne fait acception de personne. Après Israël, le territoire de Moab fut conquis par les Babyloniens en 580 av J-C. Il cessa alors pour toujours d’exister en tant qu’entité identifiable.

Bien que disparus, les Moabites sont toujours parmi nous. Ils sont identifiables aujourd’hui dans la population à tous ceux qui, voyant les malheurs qui frappent les croyants, les méprise en tant qu’élus. « Regardez ces croyants qui se disent les bien-aimés de Dieu ! Ils ne sont pas différents des autres hommes. Eux aussi connaissent la détresse, le malheur, le deuil, la maladie. Ils ne sont pas plus épargnés que les autres. » L’argument est facile et commode. Il offre à ceux qui ont décidé de ne pas reconnaître le témoignage historique de Dieu parmi les siens, la justification qui leur permet de poursuivre dans la même voie. Le jugement des Moabites montre qu’ils ne s’en tireront pas à si bon compte. Le temps viendra où ils devront eux aussi faire face à ce Dieu dont ils ne veulent pas. Avec le peuple de Dieu, ils reconnaîtront, par le jugement qui les frappera, que Dieu est bien Dieu.

V 12 à 14 : sur Edom

Mentionné ici avec les deux autres peuples liés par le sang à Israël, Edom sera plus tard encore l’objet d’une prophétie détaillée d’Ezéchiel : ch 35. Comme il en est pour Ammon et Moab, l’acte d’accusation dressé contre Edom par l’Eternel est précis. Tous les trois sont unis par la même hostilité contre leur frère de sang. Mais celle-ci a pour chacun une nuance différente. La motivation principale qui a mû la réaction d’Edom au jour de la faiblesse d’Israël fut la vengeance. Alors que des inconnus pillaient le pays, dit Abdias qui consacre toute sa prophétie à Edom, les Edomites se comportèrent comme eux. Ils agissaient envers Israël comme s’il n’y avait entre eux aucun lien, aucune affinité familiale : cf Abdias 1,10-11. Edom, en ce temps, ne pensa qu’à une chose : assouvir sa vengeance contre son frère. Comme il n’en avait pas seul les moyens, il saisit l’occasion que lui offrait la conquête babylonienne pour se joindre aux ennemis de son frère. Pour quelle raison Edom nourrissait-il un tel ressentiment envers Israël ? Celui-ci provenait-il du lointain souvenir du vol de la bénédiction paternelle dont fut victime Esaü par Jacob ? Jacob avait certes, avec l’aide de sa mère Rébecca, agi par ruse pour spolier son frère de celle-ci. Mais ce n’était qu’après qu’Esaü ait démontré son mépris pour les avantages que lui conférait son droit d’aînesse qu’il avait vendu pour un plat de lentilles : Genèse 25,29 à 31 ; 27. Des siècles plus tard, les lentilles succulentes n’étaient toujours pas digérées.

La vengeance, dit un proverbe, est un plat qui se mange froid. Oui ! Il est rare que, immédiatement après une blessure, une victime parvienne à faire payer à l’auteur d’un méfait sa souffrance. Des mois, des années peuvent passer avant qu’elle ait l’opportunité d’agir. Dans cette attente, la vengeance se nourrit. Elle mûrit, même si, en façade, il semble que l’affaire soit enterrée. La vengeance, dit l’Ecriture, n’est jamais de Dieu. Car c’est à lui qu’elle appartient. C’est à lui de faire justice et de payer à chacun le salaire que ses actes méritent : Romains 12,19 ; Hébreux 10,30. Pour avoir voulu se venger d’un affront que son père Esaü a cherché, Edom va subir à son tour la vengeance de son frère. Alors qu’Ammon et Moab seront jugés par une puissance étrangère, c’est d’Israël qu’il croyait mort qu’il recevra son châtiment. Au temps où Ezéchiel énonça sa prophétie, sa réalisation paraissait hors de sens. Elle s’accomplira pourtant des siècles plus tard, au temps de Maccabées. Les Edomites, appelés aussi Iduméens, seront alors assimilés à Israël. Après la destruction de Jérusalem par les Romains en 70 ap J-C, l’Idumée et les Iduméens ont disparu de l’histoire.

V 15 à 17 : les philistins

Comme pour Edom, c’est pour leur volonté de vengeance contre Israël qu’à leur tour les Philistins vont connaître le jugement de Dieu. Aussi loin que l’Ecriture remonte dans le temps, ce peuple apparaît comme l’ennemi irréductible du peuple de Dieu. Malgré les nombreuses batailles qui opposèrent les deux peuples, Dieu refusa cependant de les détruire. Les Philistins, à cause de leur hargne perpétuelle contre Israël, lui servirent d’instrument de châtiment. Quand Israël se détournait de lui, l’Eternel le livrait la plupart du temps entre les mains des Philistins : Juges 10,7 ; 13,1. Puis, lorsqu’Israël revenait à lui, il suscitait un juge, tel Samson, qui combattait avec vigueur les Philistins et les obligeait à retourner dans leur territoire. Animés d’un tel esprit contre Israël, les Philistins ne purent que se réjouir du malheur qui lui arrivait au travers de Babyloniens. S’il pouvait contribuer à sa destruction, il n’allait certainement pas s’en priver. Ils devront apprendre que le Dieu des cieux, qui juge son peuple, est un souverain impartial. A ses yeux, tout péché encourt sa condamnation. La haine qui anime les Philistins contre Israël appelle sur eux le jugement au même titre que l’idolâtrie commise au sein de son peuple. Le jugement d’Israël a pour but, non de donner à ses ennemis l’occasion d’assouvir leur vengeance contre lui, mais de les avertir. Si Dieu peut être sévère à l’extrême contre le peuple qu’il a racheté, à combien plus forte raison le sera-t-il envers les nations qui méprisent son Nom et son témoignage. Que les peuples qui, aujourd’hui, sont animés du même état d’esprit que les Philistins l’apprennent ! Les vengeances de Dieu surpassent en fureur celles de l’homme. Malheur à ceux qui en sont l’objet !

 

 

jeudi 17 septembre 2020

EZECHIEL 24

V 1 et 2 : une date à retenir

Il y a, dans l’histoire de toute nation, des dates marquantes. Les jours que ces dates nous invitent à retenir ne sont pas comme les autres. Ils représentent un tournant dans l’histoire du pays concerné. Ainsi en est-il pour la France du 14 juillet 1789, jour de la prise de la prison de la Bastille. Cette date marque pour la France un avant et un après. Elle est, selon la tradition historiographique, considérée comme la première intervention d’ampleur du peuple parisien dans le cours de la Révolution et dans la vie politique française[1]. Les dates décisives de l’histoire d’un pays sont toujours attachées à des lieux ou des localités précises. La ville de Saint-Quentin, à proximité de laquelle j’habite, en fait partie. Le 10 août 1557, la ville fut prise, après une résistance héroïque menée par l’Amiral protestant Gaspard de Coligny, par les Espagnols qui massacrèrent les vaincus. L’hécatombe fut telle qu’elle suscita une prise de conscience salutaire au souverain d’Espagne sur les malheurs qu’entraîne la guerre sur les populations.[2]

Il en est de l’histoire du peuple de Dieu comme de celle de toutes les nations. Son parcours est marqué par des dates qui sont autant de bornes destinées à en évoquer le souvenir. La première date qu’Israël ne devait jamais oublier est celle de sa sortie d’Egypte. Elle est sa date de naissance, le jour qui marque sa fondation en tant que nation. Ce jour, appelé à être évoqué, devait rappeler à Israël qu’il n’existe que grâce à la rédemption que Dieu a opéré pour lui avec puissance, gloire et magnificence. Il célébrait la Pâque de l’Eternel, jour du salut et de la délivrance. La date que Dieu demande ici à Ezéchiel d’inscrire pour souvenir n’a pas le même écho. Elle a pour but de rappeler au peuple, pour les décennies à venir, le jour où le roi de Babylone a débuté le siège de Jérusalem. Ce jour n’est pas un jour heureux, dont on se plaît à raviver le souvenir. C’est un jour funèbre qui marque le début de la fin de l’existence de la nation, l’antinomique même de la date précédente. La raison pour laquelle Dieu demande à Ezéchiel de noter cette date est facile à comprendre. L’Eternel veut, par ce souvenir, qu’Israël garde la mémoire de la ruine à laquelle ont conduit sa désobéissance et son idolâtrie récurrentes. Ce jour doit ne plus être oublié car, s’il est retenu, il peut être salutaire pour l’avenir. Le but de ce rappel douloureux est que l’histoire ne se répète pas. Le peuple de Dieu peut-il apprendre de ses fautes ? C’est ce à quoi Dieu, dans sa grâce, travaille. Puissent les jours mauvais de notre histoire personnelle comme communautaire être des balises salvatrices pour l’avenir !

V 3 à 14 : parabole de la marmite rouillée

Devenu dur d’oreille, le peuple de Juda a besoin qu’on utilise pour communiquer avec lui un langage qui lui parle. La parabole servant ce but, l’Eternel demande à Ezéchiel de lui en fournir une nouvelle qui souligne une fois de plus la raison pour laquelle le jugement si sévère de Dieu va le frapper. Cette parabole est la dernière qui lui sera adressée. Elle sert de conclusion à tout le discours tenu par Ezéchiel depuis le début du livre. Jusque-là, le prophète a traité la situation contemporaine du peuple auquel il appartient. Par les premières visions, il l’a averti du drame irrémédiable qui l’attend à cause de son idolâtrie et de ses abominations. La gloire de Dieu allait sortir du temple et quitter le pays. Ensuite, il a établi par les faits ce qui vaut à Dieu une telle décision. Partout, dans la pays et dans Jérusalem, le sang est versé. La maison de Dieu est profanée. L’Eternel a beau chercher : il n’a pas trouvé un homme qui se tienne sur la brèche pour faire barrage à la colère qui vient. Tous, princes, prophètes, sacrificateurs sont corrompus. Une date est désormais posée : celle du siège de la ville par le roi de Babylone. Elle inaugure le processus qui va mettre fin à l’existence du royaume.

La parabole que donne Ezéchiel a pour objet principal une marmite rouillée. Dans cette marmite, l’Eternel demande que soient mis les meilleurs morceaux de viande d’un mouton dans de l’eau. Puis il ordonne que la marmite soit chauffée avec son contenu, de manière à ce que le tout soit bouilli. Pour se faire, Ezéchiel doit préparer un grand bûcher qui dynamise le feu avec fureur. Au bout d’un temps, le prophète est invité à retirer les morceaux cuits, tout en laissant la marmite vide chauffer au point que le métal rougisse. Après toutes ces opérations, un constat est fait. Malgré tous les efforts fournis pour détacher la rouille de la marmite, rien n’y a fait. Celle-ci reste comme elle était au départ. L’Eternel ne se contente pas de fournir l’illustration de la parabole. Il en donne aussi le sens à Ezéchiel. Le message que délivre le prophète tient lieu de verdict définitif. Il clôt le ministère du prophète pour les hommes qui sont encore à Jérusalem et annonce la fin du temps de la patience de Dieu à leur égard.

De quoi témoigne la parabole que Dieu a donné à Ezéchiel ? Quel message, en guise de conclusion de l’action de Dieu parmi son peuple, apporte-t-elle ? Elle est de la part de l’Eternel un constat d’échec. Choisi par Dieu, Israël a été au bénéfice, comme nul autre peuple, de grâces et de bienfaits extraordinaires. Des nations ont été chassées devant lui pour qu’il occupe leurs territoires. Dieu a manifesté à maints égards sa puissance en leur faveur. Il leur a donné sa loi, ses promesses. Il est venu habiter parmi eux dans le temple que David a préparé et Salomon a construit. Les meilleurs morceaux mis dans la marmite pour être bouillis en sont le symbole. Mais, depuis le début, un mal incurable pourrit la relation d’Israël avec son Dieu. Une idolâtrie rampante habite le cœur du peuple de Dieu. Tout au long de leur histoire, Israël et Juda ont été à ce sujet l’objet de mesures correctrices de sa part.  Tous les moyens que Dieu a à sa disposition ont été utilisés pour éradiquer ce mal. La colère de Dieu s’est exercée contre les idolâtres. Des rois, tel Josias, se sont élevés pour profaner les hauts lieux sur lesquels le peuple rendait un culte à ses faux dieux. Des prophètes ont été envoyés pour dénoncer le crime, les injustices, la corruption et les péchés commis par les élites du peuple. Mais rien n’y a fait. Dieu a alors retiré sa main protectrice. Des peuples étrangers sont venus de loin pour châtier le peuple de Dieu. Mais celui-ci n’a pas trouvé mieux à faire que d’adopter leurs divinités pour se prostituer à elles. L’Eternel doit en faire le constat. Aucune mesure prise contre Israël n’a le pouvoir de le guérir de sa corruption. Celle-ci est tissée au plus profond de son être. Aussi l’Eternel renonce-t-il à vouloir purifier Israël. Le feu qui va s’abattre sur Jérusalem est le feu de son jugement. Le cœur d’Israël ne peut être changé, guéri, amélioré. Il ne sera nouveau que lorsque Dieu lui-même opérera en lui une circoncision qui en changera la nature : Deutéronome 30,6 ; Ezéchiel 11,18 à 20. Le vécu d’Israël, et la conclusion à laquelle son périple avec Dieu aboutit ici, impose une nécessité : celle de la venue du Messie par qui Israël sera sauvé, non seulement de la colère, mais du mal qui la provoque : le péché inscrit au fond de son être.

V 15 à 24 : Ezéchiel, un signe

Par la parabole de la marmite rouillée, l’Eternel prodigue aux auditeurs d’Ezéchiel l’explication du pourquoi de la sévérité du jugement qui allait consumer Jérusalem jusqu’à la destruction. Mais que signifiait ce jugement pour eux ? Quelle douleur, quel effet aurait-il dans leur âme ? Quelle affliction provoquerait en eux la profanation de leur lieu de culte historique, le temple de Jérusalem ? Pour le savoir, il fallait au peuple plus qu’une illustration, une démonstration. C’est par Ezéchiel, son serviteur, que Dieu va la leur fournir.

C’est tôt le matin que l’Eternel avertit son serviteur du malheur qui allait le frapper dans la journée même : la perte de celle qui faisait la joie de son cœur, sa femme. Il est probable en son temps qu’Ezéchiel ne puisse compter que sur les doigts d’une main les personnes qui lui étaient précieuses. Parmi elles, son épouse occupait la première place. Elle était les délices de ses yeux, une source permanente de réconfort, un soutien indéfectible. L’Eternel dit pas quelle sera la cause du décès de la femme d’Ezéchiel. Ce qu’il précise au prophète, c’est la façon selon laquelle il devra se comporter à la nouvelle de ce choc. Bien qu’affligé au plus profond de lui-même, Ezéchiel devait s’abstenir de réagir selon la coutume de son temps face au deuil d’un proche. Il ne devait élever ni pleurs bruyants, ni lamentations et n’adopter aucune tenue appropriée à la situation. Il ne devait aussi accepter aucune consolation venant d’autrui. L’état qu’Ezéchiel devait simuler était un état de sidération.

Ce que l’Eternel avait annoncé le matin se produisit le soir. Brutalement, la femme d’Ezéchiel expira. Le prophète se comporta à cette nouvelle comme l’Eternel le lui avait demandé. Jusque dans son malheur le plus intime, Ezéchiel ne s’appartenait pas. Il était un signe, un présage entre les mains de Dieu à destination de son peuple. Avec Paul, Ezéchiel aurait pu dire qu’il ne vivait plus lui-même, mais que c’était Dieu qui vivait à travers lui : cf Galates 2,20. Les circonstances de vie d’Ezéchiel n’étaient pas arrangées pour répondre à sa satisfaction, mais au dessein de Dieu pour son peuple. Le bonheur présent d’Ezéchiel lui était précieux. Mais, aux yeux de Dieu, il comptait moins que l’utilisation qu’il pouvait faire du deuil qui allait le frapper.

Il se peut que, bien-aimés de Dieu, nous pensions que Dieu s’honorerait en nous gratifiant d’une vie qui respire la joie, le bonheur, la prospérité. Ezéchiel nous rappelle que la vie qui honore Dieu est celle qui sert ses desseins. Dieu a de multiples messages à faire passer à son peuple comme au monde. Nous sommes les médias qu’il utilise dans ce but. Le prophète de Dieu n’est pas que le porte-voix de Dieu. Il est un signe parmi ses frères, un présage. Le malheur, les souffrances qui lui arrivent précèdent celles qui vont arriver à ses frères. Que Dieu ouvre nos cœurs de manière à ce que nous soyons réceptifs au message qu’il nous fait parvenir par la douleur que connaissent nos frères.

V 25 à 27 : ce jour-là

La perte de sa femme fut pour Ezéchiel si douloureuse qu’elle le plongea dans un état de sidération qui le rendit muet. Lui, le prophète de Dieu, le porteur de ses oracles, n’avait plus rien à dire. Enfermé dans sa souffrance, Ezéchiel n’exprimait plus aucune parole. Cet état dans lequel il se trouvait n’échappait pas à Dieu. Il était à la fois voulu et contrôlé par lui. Le mutisme d’Ezéchiel faisait partie de la mission que Dieu lui avait assigné d’être un signe pour ses contemporains. Il devait durer aussi longtemps que ce que le deuil d’Ezéchiel annonçait n’était pas réalisé. Au jour où Jérusalem perdrait son temple, ses fils et ses filles, Ezéchiel retrouverait l’usage de la parole. Ce jour-là, chacun comprendrait alors que c’est l’Eternel qui parlait et que c’était lui qui était à l’origine du malheur total qui frappait Juda.

La correspondance parfaite entre le calendrier de Dieu et le vécu personnel du prophète témoigne une fois de plus à quel point celui-ci ne s’appartient plus. Si cette réalité peut effrayer, elle est aussi rassurante. Dans son état de sidération, Ezéchiel était plongé dans une détresse qui devait lui paraître au-dessus de ses forces. Job ou Jérémie, dans leur douleur, avait encore la force de se répandre en plaintes et lamentations devant Dieu. Ezéchiel était si abattu qu’il ne le pouvait pas. Les moments de ténèbres dans lesquels il se trouvait n’étaient pas hors de portée de la garde de Dieu. Ils étaient sous contrôle au même titre que ceux au cours desquels, saisi par l’Esprit, Ezéchiel délivrait la parole que Dieu lui révélait. La souveraineté de Dieu s’exerce la nuit comme le jour. C’est pourquoi les psalmistes le louent pour sa fidélité au temps de l’obscurité. Dieu est celui qui ordonne et décide de tout, aussi bien sur le plan de l’histoire des peuples, de l’Eglise ou de la vie personnelle des siens. Que cette réalité, maintes fois démontrée dans sa Parole, donne à ceux qui passent par quelque affliction, la consolation et le repos dont ils ont besoin.



[1]https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_la_Bastille#:~:text=Bien%20que%20d%C3%A9corr%C3%A9l%C3%A9e%20de%20la,nouvelle%20se%20r%C3%A9pand%20dans%20Paris.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Saint-Quentin_(1557)

mardi 8 septembre 2020

EZECHIEL 23

La mission première du porteur de la parole de Dieu est d’amener les destinataires de son message à prendre conscience du poids qu’ont pour Dieu les mots qu’il lui commande de dire. Le péché est un acte de rébellion et de désobéissance envers Dieu. Mais, s’il en a vaguement conscience, le pécheur ne mesure pas la blessure, l’offense qu’il représente pour son Créateur. Aussi Dieu doit-il user d’un autre langage pour le lui faire comprendre : celui de la parabole ou de l’illustration. Dans l’illustration, le message reste le même. Mais la tournure qu’il prend le rend soudainement plus efficace. Ce qui était abstrait devient concret. Ce qui affecte Dieu devient personnel et nous permet de nous identifier à lui. Ezéchiel est, parmi tous les prophètes, l’un de ceux qui a le plus, par la volonté de Dieu, utilisé le média de l’illustration pour faire comprendre le message qu’il était appelé à transmettre de sa part. Il est le précurseur de Jésus qui utilisera le procédé de manière récurrente pour enseigner la foule et ses disciples. « Jésus illustre. Il emploie un langage qu’on peut voir, dit Stuart Olyott[1]. » Que Dieu nous donne de l’imiter afin de rendre familières à nos auditeurs les vérités que nous voulons leur communiquer !

Si les illustrations choisies par Jésus ne heurtent pas la morale, celle que Dieu donne ici à Ezéchiel tient le haut du pavé en ce qui concerne la crudité du langage. Je ne connais aucun prédicateur qui ait choisi de parler de ce texte, si ce n’est pour y faire allusion dans ses grandes lignes. Le but évident de Dieu par ce texte est de choquer. Le peuple de Dieu doit comprendre à quel point sa conduite est scandaleuse. Aussi c’est par une histoire au ton vulgaire que Dieu s’adresse à lui, afin que, par la bassesse des menées de ses protagonistes, il voit à quel point sa façon d’agir est infâme à son égard.

V 1 à 4 : le cadre familial de l’histoire 

Le récit se passe dans le cadre d’une famille. Il est parlé d’une mère qui a enfanté deux filles. A peine formées, ces deux filles n’ont qu’une idée en tête : trouver des hommes avec qui elles puissent flirter. Le scénarii de l’histoire se déroule en Egypte. Les deux jeunes filles désireuses de s’offrir au premier venu, ne tarderont pas à être exaucées. Sans aller jusqu’à la relation sexuelle, Ohola l’aînée, puis Oholiba, la cadette se laisseront tour à tour caresser et peloter les seins pour leur plaisir et celui de leurs galants. Nous sommes ici dans l’époque de la jeunesse, de l’adolescence de ses deux filles.

Il n’est pas difficile, au vu des détails de l’histoire, de saisir de quoi Dieu veut parler ici. Il nous en donne lui-même l’explication. Ohola correspond dans le réel à Samarie, la capitale d’Israël. Oholiba, c’est Jérusalem, la capitale de Juda. La prostitution à laquelle se donnent les deux sœurs évoque l’idolâtrie dont elle se sont rendus coupables dès l’Egypte.

V 5 à 10 : les turpitudes d’Ohola 

Parce qu’elle est l’aînée des deux filles, Ohola porte une responsabilité particulière quant au déshonneur que seront pour leur famille les voies empruntées par les deux sœurs. L’aîné(e) d’une famille est, par nature, celui ou celle qui influence le plus la fratrie de laquelle il ou elle fait partie. L’aîné(e) est le modèle, celui (ou celle) qui ouvre la marche et invite ses frères et sœurs par son exemple à le suivre. Même si ce principe n’a rien d’absolu, si le modèle que donne l’aîné(e) est bon, il y a plus de chance que ceux qui viennent après lui (ou elle), empruntent des voies ressemblantes à celles qu’il (ou elle) a suivi. De manière évidente, dans l’histoire racontée ici par l’Eternel à Ezéchiel, Ohola est celle qui a entraîné Oholiba, sa petite sœur, dans les dérèglements impurs qui ont marqué leur jeunesse. 

Il est très difficile quand, dès la jeunesse, on s’adonne au vice, de changer de voie lorsqu’on entre dans l’âge adulte. Habituée à la pratique du flirt du temps de ses jeunes années, Ohola ne fit avec le temps que s’enfoncer toujours plus dans l’impureté. Finie l’époque où ses galants se contentaient de lui caresser les seins. Ohola pratique maintenant la prostitution. Elle se donne sans réserve à ceux qui se proposent à devenir ses amants, ses voisins assyriens. Séduite par leur apparence, elle va tomber sans résistance entre leurs mains et adopter du même coup leurs idoles. C’est d’eux que Dieu va lui donner son salaire. Faite prisonnière, elle va devenir le jouet de leur haine qui va les conduire à massacrer ses fils et ses filles et à la laisser exsangue. 

Par le récit des turpitudes d’Ohola, Dieu met le doigt sur la cause de la situation du royaume d’Israël au temps d’Ezéchiel. Sa disparition, l’exil de sa population ne sont dues qu’à une seule chose : sa passion idolâtre, son infidélité envers le Dieu de son salut. Son histoire a valeur d’exemple pour tous, pour Juda, sa petite sœur, mais aussi pour nous l’Israël de Dieu : Galates 6,16.

V 11 à 21 : les turpitudes d’Oholiba 

La logique aurait voulu qu’Oholiba, voyant ce qui était arrivé à sa grande sœur Ohola, se reprenne et mette fin à ses prostitutions. Il n’en fut rien. Au contraire ! Oholiba ne se contentera pas d’imiter sa sœur. Elle ira plus loin qu’elle dans ses dérèglements. Comme si ses turpitudes aves ses voisins assyriens ne suffisaient pas, Oholiba va s’éprendre des Babyloniens qu’elle ne connaît pas. Séduite par le portrait, les représentations qu’elle en a vu, il lui suffira d’un regard pour éveiller en elle le désir de s’unir à eux. Les Babyloniens n’auront pas besoin de la chercher, c’est elle qui dépêchera auprès d’eux des messagers pour qu’ils partagent le lit de ses amours. Ezéchiel, en guise d’avertissement pour nous, met le doigt sur le mobile qui pousse Oholiba à nourrir la passion qui l’anime. Oholiba vit encore et toujours dans le souvenir des premiers flirts qu’elle a connus en Egypte. C’est ce plaisir qui, la 1ère fois, s’est éveillé à ce moment-là qu’elle cherche et recherche encore. Il a ouvert en elle une brèche qui, sans cesse, s’élargit. Il a allumé un feu insatiable qui ne cesse de la consumer toujours plus. La passion d’Oholiba lui fait perdre toute mesure et toute raison. Ne jugeant que sur les apparences, elle en vient à tomber entre les mains d’amants pervers qui ne voient en elle qu’une femelle avec qui, tels des animaux, ils peuvent assouvir leurs instincts sexuels primaires. Plus elle se donne, plus Oholiba s’avilit.

La description que nous fait Ezéchiel des turpitudes d’Oholiba et de ce qui les motive, témoigne mieux que tous les commentaires sur le sujet, du danger que représente l’éveil des passions de la jeunesse. La jeunesse est le temps des premières expériences décisives de la vie. Les marques qu’elles impriment sont indélébiles. Elles orientent chez certains de manière définitive la direction que va prendre leur existence. Elles inscrivent au fond des cœurs le goût des choses pour lesquelles l’adulte va ensuite se passionner. Les adultes que nous sommes ne sont en fait souvent que les grands enfants que nous avons été. C’est notre vécu en Egypte qui fait que, plus tard, nous allons chercher la compagnie des Assyriens, puis des Babyloniens. Heureux le jeune qui, tel Timothée dès son enfance, a baigné dans un climat de foi, de crainte de Dieu et de connaissance des Ecritures : 2 Timothée 1,5 ; 3,15. L’éducation reçue ne fait certes pas tout. Mais elle n’est jamais perdue. Si elle trouve, dès la jeunesse, un cœur réceptif aux choses de Dieu, elle le préservera de bien des vices et lui donnera d’entrer dans la vie d’adulte avec les bonnes orientations.

 V 22 à 35 : le jugement d’Oholiba

Outre le fait qu’en multipliant ses prostitutions, elle tombe entre les mains d’amants qui se conduisent à son égard comme des bêtes, Oholiba ne peut échapper à la récolte de ce qu’elle sème. Oholiba vit de nombreuses relations sexuelles, mais elle ne connaît pas l’amour. A peine a-t-elle copulé avec sa nouvelle conquête qu’elle s’en lasse. Elle n’a alors qu’une idée en tête : s’en détacher pour trouver un nouveau partenaire. Sans s’en rendre compte, Oholiba, par ses actions, multiplie les rancœurs contre elle. Les amants délaissés ne songent qu’à une seule chose : se venger. C’est par cette vengeance cumulée contre elle, dit son Dieu, qu’il assouvira sa jalousie. Ce qui est advenu à Ohola, sa grande sœur, se prépare aussi pour elle. La coupe amère que dut boire Samarie quelques décennies avant elle, va maintenant être bue par Jérusalem. On entendra en son sein les mêmes cris, les mêmes gémissements. On y verra les mêmes douleurs. Ses adversaires éconduits, coalisés contre elle, seront sans pitié. Jérusalem la belle va être massacrée, dévastée. Le charme qu’elle exerçait envers ses amants sera définitivement rompu. Après Samarie, c’est la déportation, l’exil qui attend ses habitants.

Sur le plan historique, c’est autour de l’an 586 avant Jésus-Christ que la conquête de Jérusalem se fera par l’armée néo-babylonienne. Composée essentiellement de Chaldéens, cette armée incluait dans ses rangs des éléments de tous les peuples conquis par Nabuchodonosor. C’est pourquoi le jugement de Juda ne fut pas l’œuvre unique des Chaldéens, mais aussi de tous ceux avec qui Juda, dans son idolâtrie, s’était prostitué. Le but du jugement qui frappe Juda n’est pas pour Dieu d’assouvir sa fureur contre elle. Il est, dit Ezéchiel, de guérir une fois pour toutes celui-ci de l’inclinaison de son cœur au vice depuis l’Egypte, le temps de sa jeunesse. L’amertume du châtiment est la seule potion capable de briser la puissance d’attraction qu’exerçait jusque-là sur lui les idoles des peuples environnants. Par lui, Dieu agit pour ôter dans le cœur de Juda le goût pour les faux dieux qui, dès sa jeunesse, l’a corrompu et rendu infidèle. C’est là aussi le moyen que Dieu emploie pour nous, lorsqu’il nous fait passer par les ténèbres du désespoir. Il y a dans le jardin de notre cœur des chardons qui ne se déracinent que si la terre est complètement retournée. L’homme peut désirer y mettre fin, mais, à un certain niveau, seul Dieu a le pouvoir d’extirper ses mauvaises plantes. Qui fait devant lui l’anamnèse sérieuse de sa vie comprendra que les corrections dont il a été l’objet étaient le seul moyen de le délivrer des passions vivaces enracinées dans son être depuis sa jeunesse. Dieu nous aime. Il nous veut pour ses fils. Il nous a choisis, élus comme ce fut le cas aussi pour Israël. Ce que Dieu veut maintenant, c’est notre sanctification : 1 Thessaloniciens 4,3, c’est-à-dire notre configuration à la ressemblance de Jésus-Christ : Romains 8,29. Dieu chérit trop l’image de son Fils pour se satisfaire d’une pâle copie de ce qu’il est. Il a pour but d’achever son œuvre et y mettra les moyens qu’il faut. Que son Esprit trouve en moi un cœur disposé à ce travail !

V 36 à 44 : crimes des deux sœurs

Le langage de la parabole est utile pour illustrer les vérités que l’on cherche à transmettre à nos auditeurs. Mais il ne dit pas tout. Lorsqu’il s’agit de dénoncer le péché, le moment vient d’appeler les choses par leurs noms. Le pécheur doit savoir précisément ce qu’on lui reproche. Il doit connaître avec exactitude l’appellation des fautes pour lesquelles la justice de Dieu le condamne. C’est une nécessité pour deux raisons. La première est que le péché n’est identifiable à la conscience que lorsqu’il s’incarne dans des actes mauvais. C’est la raison pour laquelle Dieu nous a donné la loi qui détaille la manière avec laquelle le péché se manifeste dans nos relations avec Dieu et notre prochain. « Je n’ai connu le péché, dit Paul, que par l’intermédiaire de la loi. En effet, je n’aurais pas su ce qu’est la convoitise si la loi n’avait pas dit : Tu ne convoiteras pas. Saisissant l’occasion offerte par ce commandement, le péché a produit en moi toutes sortes de désirs. En effet, sans loi le péché est mort : Romains 7,7-8. » La seconde raison touche à la confession. Confesser son péché, c’est appeler sa faute du nom que Dieu lui donne, sans détour ni excuse. Pour que le pécheur confesse son péché, il faut qu’il saisisse la nature du délit qui est cause de contentieux entre Dieu et lui. David dit à Dieu : « Je t’ai fait connaître mon péché, je n’ai pas caché ma faute. J’ai dit : J’avouerai mes transgressions à l’Eternel, et tu as pardonné mon péché : Psaume 32,5. » Dieu ne pardonne que des péchés. Ce n’est que si la faute est reconnue qu’elle peut être remise. Il y a donc nécessité de la nommer.

Après la parabole, le temps est venu pour Ezéchiel d’énoncer les crimes par lesquels les deux sœurs, Ohola et Oholiba, ont péché devant Dieu. Le premier mentionné est l’adultère, un autre mot pour désigner l’idolâtrie à laquelle se sont données Samarie et Jérusalem. Tout péché quel qu’il soit est un crime envers Dieu. Mais le détail que donne la loi pour chacun d’eux témoigne qu’il y a des degrés dans les fautes commises. L’idolâtrie pratiquée par les deux sœurs est d’une extrême gravité. Quatre choses en témoignent. La première est que, par idolâtrie, Samarie et Jérusalem en sont venues à offrir en sacrifice à des faux dieux leurs propres enfants. La seconde est qu’elles ont commis ses actes tout en gardant de manière formelle le culte qu’elles rendaient à l’Eternel. Elles ont ajouté à l’infanticide la laideur de l’hypocrisie religieuse. La 3ème est qu’elles ont fait preuve d’une volonté déterminée dans leur passion idolâtre. Elles ne sont pas tombées dans des pièges tendus, mais ont fait elles-mêmes la démarche de connaître d’autres dieux en dépêchant des messagers auprès des nations qui pratiquaient ces cultes interdits pour qu’elles viennent les importer en Israël. La dernière est que Samarie et Jérusalem n’ont pas hésité à utiliser l’huile et le parfum réservés au culte rendu à Dieu pour l’introduire dans leurs dévotions abominables. Les deux sœurs se sont tant dévoyées que leur réputation n’est plus à faire. De partout, on accourt comme on le ferait pour deux prostituées qui s’offrent à qui veut. Le temps des turpitudes de Samarie et Jérusalem a assez duré. Celui de mettre fin à leurs crimes est venu.

V 45 à 49 : verdict et jugement

Jusqu’où ira le péché du peuple de Dieu ? Débordera-t-il au point que rien n’échappe à sa salissure ? S’il y a un temps où le péché paraît triompher, il est impossible, à cause de Dieu, que cet état perdure à jamais. Dans la folie de leur turpitudes, Ohola et Oholiba restent sous le contrôle de la majesté divine. C’est à lui qu’appartient le droit et le jugement. Comme il en est des criminels qui comparaissent devant un tribunal, l’heure sonne pour les deux sœurs de payer pour leurs impuretés et leurs infidélités à Dieu. Le jugement qui les attend ne sera tempéré par aucune pitié. Il sera à la mesure de la gravité de leurs fautes et de leur responsabilité. Car Samarie et Jérusalem ne sont pas des villes comme les autres. Elles sont les capitales d’un pays qui, au départ, était le don de la grâce de Dieu à son peuple. Elles abritaient en leur sein une nation qui a connu Dieu, qui a reçu de lui la loi, les alliances, le culte, des promesses… : cf Romains 9,4. Les peuples qui vont être les instruments du jugement d’Israël et Juda sont, par nature, étrangers aux grâces reçues par les deux royaumes. Mais, au regard de leurs fautes, ils sont justes. Israël et Juda ne sont pas châtiés avec excès, mais selon ce qu’ils méritent. Leurs péchés récurrents ont obligé la gloire de Dieu à quitter le pays. Il sera vidé de ses habitants qui périront sur place par l’épée. Le jugement qui frappera Juda et Israël ne sera pas utile qu’à eux. Il est un exemple destiné à frapper les esprits de tout peuple qui, ayant connu la grâce de Dieu, serait tenté de les imiter dans leur apostasie. Il a comme objet d’inspirer la crainte et l’effroi. « Tous ces faits leur sont arrivés, dit Paul, pour servir d’exemples, et ils ont été écrits pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des temps. Ainsi donc, que celui qui croit être debout fasse attention à ne pas tomber ! : 1 Corinthiens 10,11-12. » Le pardon que Dieu nous octroie ne nous est donné pour favoriser l’impiété, mais pour susciter en nous la juste crainte de son nom : Psaume 130,4. Que, par sa grâce, nous ne l’oubliions jamais !



[1] Prêcher comme Jésus : Stuart Olyott : Editions Europress