mardi 8 septembre 2020

EZECHIEL 23

La mission première du porteur de la parole de Dieu est d’amener les destinataires de son message à prendre conscience du poids qu’ont pour Dieu les mots qu’il lui commande de dire. Le péché est un acte de rébellion et de désobéissance envers Dieu. Mais, s’il en a vaguement conscience, le pécheur ne mesure pas la blessure, l’offense qu’il représente pour son Créateur. Aussi Dieu doit-il user d’un autre langage pour le lui faire comprendre : celui de la parabole ou de l’illustration. Dans l’illustration, le message reste le même. Mais la tournure qu’il prend le rend soudainement plus efficace. Ce qui était abstrait devient concret. Ce qui affecte Dieu devient personnel et nous permet de nous identifier à lui. Ezéchiel est, parmi tous les prophètes, l’un de ceux qui a le plus, par la volonté de Dieu, utilisé le média de l’illustration pour faire comprendre le message qu’il était appelé à transmettre de sa part. Il est le précurseur de Jésus qui utilisera le procédé de manière récurrente pour enseigner la foule et ses disciples. « Jésus illustre. Il emploie un langage qu’on peut voir, dit Stuart Olyott[1]. » Que Dieu nous donne de l’imiter afin de rendre familières à nos auditeurs les vérités que nous voulons leur communiquer !

Si les illustrations choisies par Jésus ne heurtent pas la morale, celle que Dieu donne ici à Ezéchiel tient le haut du pavé en ce qui concerne la crudité du langage. Je ne connais aucun prédicateur qui ait choisi de parler de ce texte, si ce n’est pour y faire allusion dans ses grandes lignes. Le but évident de Dieu par ce texte est de choquer. Le peuple de Dieu doit comprendre à quel point sa conduite est scandaleuse. Aussi c’est par une histoire au ton vulgaire que Dieu s’adresse à lui, afin que, par la bassesse des menées de ses protagonistes, il voit à quel point sa façon d’agir est infâme à son égard.

V 1 à 4 : le cadre familial de l’histoire 

Le récit se passe dans le cadre d’une famille. Il est parlé d’une mère qui a enfanté deux filles. A peine formées, ces deux filles n’ont qu’une idée en tête : trouver des hommes avec qui elles puissent flirter. Le scénarii de l’histoire se déroule en Egypte. Les deux jeunes filles désireuses de s’offrir au premier venu, ne tarderont pas à être exaucées. Sans aller jusqu’à la relation sexuelle, Ohola l’aînée, puis Oholiba, la cadette se laisseront tour à tour caresser et peloter les seins pour leur plaisir et celui de leurs galants. Nous sommes ici dans l’époque de la jeunesse, de l’adolescence de ses deux filles.

Il n’est pas difficile, au vu des détails de l’histoire, de saisir de quoi Dieu veut parler ici. Il nous en donne lui-même l’explication. Ohola correspond dans le réel à Samarie, la capitale d’Israël. Oholiba, c’est Jérusalem, la capitale de Juda. La prostitution à laquelle se donnent les deux sœurs évoque l’idolâtrie dont elle se sont rendus coupables dès l’Egypte.

V 5 à 10 : les turpitudes d’Ohola 

Parce qu’elle est l’aînée des deux filles, Ohola porte une responsabilité particulière quant au déshonneur que seront pour leur famille les voies empruntées par les deux sœurs. L’aîné(e) d’une famille est, par nature, celui ou celle qui influence le plus la fratrie de laquelle il ou elle fait partie. L’aîné(e) est le modèle, celui (ou celle) qui ouvre la marche et invite ses frères et sœurs par son exemple à le suivre. Même si ce principe n’a rien d’absolu, si le modèle que donne l’aîné(e) est bon, il y a plus de chance que ceux qui viennent après lui (ou elle), empruntent des voies ressemblantes à celles qu’il (ou elle) a suivi. De manière évidente, dans l’histoire racontée ici par l’Eternel à Ezéchiel, Ohola est celle qui a entraîné Oholiba, sa petite sœur, dans les dérèglements impurs qui ont marqué leur jeunesse. 

Il est très difficile quand, dès la jeunesse, on s’adonne au vice, de changer de voie lorsqu’on entre dans l’âge adulte. Habituée à la pratique du flirt du temps de ses jeunes années, Ohola ne fit avec le temps que s’enfoncer toujours plus dans l’impureté. Finie l’époque où ses galants se contentaient de lui caresser les seins. Ohola pratique maintenant la prostitution. Elle se donne sans réserve à ceux qui se proposent à devenir ses amants, ses voisins assyriens. Séduite par leur apparence, elle va tomber sans résistance entre leurs mains et adopter du même coup leurs idoles. C’est d’eux que Dieu va lui donner son salaire. Faite prisonnière, elle va devenir le jouet de leur haine qui va les conduire à massacrer ses fils et ses filles et à la laisser exsangue. 

Par le récit des turpitudes d’Ohola, Dieu met le doigt sur la cause de la situation du royaume d’Israël au temps d’Ezéchiel. Sa disparition, l’exil de sa population ne sont dues qu’à une seule chose : sa passion idolâtre, son infidélité envers le Dieu de son salut. Son histoire a valeur d’exemple pour tous, pour Juda, sa petite sœur, mais aussi pour nous l’Israël de Dieu : Galates 6,16.

V 11 à 21 : les turpitudes d’Oholiba 

La logique aurait voulu qu’Oholiba, voyant ce qui était arrivé à sa grande sœur Ohola, se reprenne et mette fin à ses prostitutions. Il n’en fut rien. Au contraire ! Oholiba ne se contentera pas d’imiter sa sœur. Elle ira plus loin qu’elle dans ses dérèglements. Comme si ses turpitudes aves ses voisins assyriens ne suffisaient pas, Oholiba va s’éprendre des Babyloniens qu’elle ne connaît pas. Séduite par le portrait, les représentations qu’elle en a vu, il lui suffira d’un regard pour éveiller en elle le désir de s’unir à eux. Les Babyloniens n’auront pas besoin de la chercher, c’est elle qui dépêchera auprès d’eux des messagers pour qu’ils partagent le lit de ses amours. Ezéchiel, en guise d’avertissement pour nous, met le doigt sur le mobile qui pousse Oholiba à nourrir la passion qui l’anime. Oholiba vit encore et toujours dans le souvenir des premiers flirts qu’elle a connus en Egypte. C’est ce plaisir qui, la 1ère fois, s’est éveillé à ce moment-là qu’elle cherche et recherche encore. Il a ouvert en elle une brèche qui, sans cesse, s’élargit. Il a allumé un feu insatiable qui ne cesse de la consumer toujours plus. La passion d’Oholiba lui fait perdre toute mesure et toute raison. Ne jugeant que sur les apparences, elle en vient à tomber entre les mains d’amants pervers qui ne voient en elle qu’une femelle avec qui, tels des animaux, ils peuvent assouvir leurs instincts sexuels primaires. Plus elle se donne, plus Oholiba s’avilit.

La description que nous fait Ezéchiel des turpitudes d’Oholiba et de ce qui les motive, témoigne mieux que tous les commentaires sur le sujet, du danger que représente l’éveil des passions de la jeunesse. La jeunesse est le temps des premières expériences décisives de la vie. Les marques qu’elles impriment sont indélébiles. Elles orientent chez certains de manière définitive la direction que va prendre leur existence. Elles inscrivent au fond des cœurs le goût des choses pour lesquelles l’adulte va ensuite se passionner. Les adultes que nous sommes ne sont en fait souvent que les grands enfants que nous avons été. C’est notre vécu en Egypte qui fait que, plus tard, nous allons chercher la compagnie des Assyriens, puis des Babyloniens. Heureux le jeune qui, tel Timothée dès son enfance, a baigné dans un climat de foi, de crainte de Dieu et de connaissance des Ecritures : 2 Timothée 1,5 ; 3,15. L’éducation reçue ne fait certes pas tout. Mais elle n’est jamais perdue. Si elle trouve, dès la jeunesse, un cœur réceptif aux choses de Dieu, elle le préservera de bien des vices et lui donnera d’entrer dans la vie d’adulte avec les bonnes orientations.

 V 22 à 35 : le jugement d’Oholiba

Outre le fait qu’en multipliant ses prostitutions, elle tombe entre les mains d’amants qui se conduisent à son égard comme des bêtes, Oholiba ne peut échapper à la récolte de ce qu’elle sème. Oholiba vit de nombreuses relations sexuelles, mais elle ne connaît pas l’amour. A peine a-t-elle copulé avec sa nouvelle conquête qu’elle s’en lasse. Elle n’a alors qu’une idée en tête : s’en détacher pour trouver un nouveau partenaire. Sans s’en rendre compte, Oholiba, par ses actions, multiplie les rancœurs contre elle. Les amants délaissés ne songent qu’à une seule chose : se venger. C’est par cette vengeance cumulée contre elle, dit son Dieu, qu’il assouvira sa jalousie. Ce qui est advenu à Ohola, sa grande sœur, se prépare aussi pour elle. La coupe amère que dut boire Samarie quelques décennies avant elle, va maintenant être bue par Jérusalem. On entendra en son sein les mêmes cris, les mêmes gémissements. On y verra les mêmes douleurs. Ses adversaires éconduits, coalisés contre elle, seront sans pitié. Jérusalem la belle va être massacrée, dévastée. Le charme qu’elle exerçait envers ses amants sera définitivement rompu. Après Samarie, c’est la déportation, l’exil qui attend ses habitants.

Sur le plan historique, c’est autour de l’an 586 avant Jésus-Christ que la conquête de Jérusalem se fera par l’armée néo-babylonienne. Composée essentiellement de Chaldéens, cette armée incluait dans ses rangs des éléments de tous les peuples conquis par Nabuchodonosor. C’est pourquoi le jugement de Juda ne fut pas l’œuvre unique des Chaldéens, mais aussi de tous ceux avec qui Juda, dans son idolâtrie, s’était prostitué. Le but du jugement qui frappe Juda n’est pas pour Dieu d’assouvir sa fureur contre elle. Il est, dit Ezéchiel, de guérir une fois pour toutes celui-ci de l’inclinaison de son cœur au vice depuis l’Egypte, le temps de sa jeunesse. L’amertume du châtiment est la seule potion capable de briser la puissance d’attraction qu’exerçait jusque-là sur lui les idoles des peuples environnants. Par lui, Dieu agit pour ôter dans le cœur de Juda le goût pour les faux dieux qui, dès sa jeunesse, l’a corrompu et rendu infidèle. C’est là aussi le moyen que Dieu emploie pour nous, lorsqu’il nous fait passer par les ténèbres du désespoir. Il y a dans le jardin de notre cœur des chardons qui ne se déracinent que si la terre est complètement retournée. L’homme peut désirer y mettre fin, mais, à un certain niveau, seul Dieu a le pouvoir d’extirper ses mauvaises plantes. Qui fait devant lui l’anamnèse sérieuse de sa vie comprendra que les corrections dont il a été l’objet étaient le seul moyen de le délivrer des passions vivaces enracinées dans son être depuis sa jeunesse. Dieu nous aime. Il nous veut pour ses fils. Il nous a choisis, élus comme ce fut le cas aussi pour Israël. Ce que Dieu veut maintenant, c’est notre sanctification : 1 Thessaloniciens 4,3, c’est-à-dire notre configuration à la ressemblance de Jésus-Christ : Romains 8,29. Dieu chérit trop l’image de son Fils pour se satisfaire d’une pâle copie de ce qu’il est. Il a pour but d’achever son œuvre et y mettra les moyens qu’il faut. Que son Esprit trouve en moi un cœur disposé à ce travail !

V 36 à 44 : crimes des deux sœurs

Le langage de la parabole est utile pour illustrer les vérités que l’on cherche à transmettre à nos auditeurs. Mais il ne dit pas tout. Lorsqu’il s’agit de dénoncer le péché, le moment vient d’appeler les choses par leurs noms. Le pécheur doit savoir précisément ce qu’on lui reproche. Il doit connaître avec exactitude l’appellation des fautes pour lesquelles la justice de Dieu le condamne. C’est une nécessité pour deux raisons. La première est que le péché n’est identifiable à la conscience que lorsqu’il s’incarne dans des actes mauvais. C’est la raison pour laquelle Dieu nous a donné la loi qui détaille la manière avec laquelle le péché se manifeste dans nos relations avec Dieu et notre prochain. « Je n’ai connu le péché, dit Paul, que par l’intermédiaire de la loi. En effet, je n’aurais pas su ce qu’est la convoitise si la loi n’avait pas dit : Tu ne convoiteras pas. Saisissant l’occasion offerte par ce commandement, le péché a produit en moi toutes sortes de désirs. En effet, sans loi le péché est mort : Romains 7,7-8. » La seconde raison touche à la confession. Confesser son péché, c’est appeler sa faute du nom que Dieu lui donne, sans détour ni excuse. Pour que le pécheur confesse son péché, il faut qu’il saisisse la nature du délit qui est cause de contentieux entre Dieu et lui. David dit à Dieu : « Je t’ai fait connaître mon péché, je n’ai pas caché ma faute. J’ai dit : J’avouerai mes transgressions à l’Eternel, et tu as pardonné mon péché : Psaume 32,5. » Dieu ne pardonne que des péchés. Ce n’est que si la faute est reconnue qu’elle peut être remise. Il y a donc nécessité de la nommer.

Après la parabole, le temps est venu pour Ezéchiel d’énoncer les crimes par lesquels les deux sœurs, Ohola et Oholiba, ont péché devant Dieu. Le premier mentionné est l’adultère, un autre mot pour désigner l’idolâtrie à laquelle se sont données Samarie et Jérusalem. Tout péché quel qu’il soit est un crime envers Dieu. Mais le détail que donne la loi pour chacun d’eux témoigne qu’il y a des degrés dans les fautes commises. L’idolâtrie pratiquée par les deux sœurs est d’une extrême gravité. Quatre choses en témoignent. La première est que, par idolâtrie, Samarie et Jérusalem en sont venues à offrir en sacrifice à des faux dieux leurs propres enfants. La seconde est qu’elles ont commis ses actes tout en gardant de manière formelle le culte qu’elles rendaient à l’Eternel. Elles ont ajouté à l’infanticide la laideur de l’hypocrisie religieuse. La 3ème est qu’elles ont fait preuve d’une volonté déterminée dans leur passion idolâtre. Elles ne sont pas tombées dans des pièges tendus, mais ont fait elles-mêmes la démarche de connaître d’autres dieux en dépêchant des messagers auprès des nations qui pratiquaient ces cultes interdits pour qu’elles viennent les importer en Israël. La dernière est que Samarie et Jérusalem n’ont pas hésité à utiliser l’huile et le parfum réservés au culte rendu à Dieu pour l’introduire dans leurs dévotions abominables. Les deux sœurs se sont tant dévoyées que leur réputation n’est plus à faire. De partout, on accourt comme on le ferait pour deux prostituées qui s’offrent à qui veut. Le temps des turpitudes de Samarie et Jérusalem a assez duré. Celui de mettre fin à leurs crimes est venu.

V 45 à 49 : verdict et jugement

Jusqu’où ira le péché du peuple de Dieu ? Débordera-t-il au point que rien n’échappe à sa salissure ? S’il y a un temps où le péché paraît triompher, il est impossible, à cause de Dieu, que cet état perdure à jamais. Dans la folie de leur turpitudes, Ohola et Oholiba restent sous le contrôle de la majesté divine. C’est à lui qu’appartient le droit et le jugement. Comme il en est des criminels qui comparaissent devant un tribunal, l’heure sonne pour les deux sœurs de payer pour leurs impuretés et leurs infidélités à Dieu. Le jugement qui les attend ne sera tempéré par aucune pitié. Il sera à la mesure de la gravité de leurs fautes et de leur responsabilité. Car Samarie et Jérusalem ne sont pas des villes comme les autres. Elles sont les capitales d’un pays qui, au départ, était le don de la grâce de Dieu à son peuple. Elles abritaient en leur sein une nation qui a connu Dieu, qui a reçu de lui la loi, les alliances, le culte, des promesses… : cf Romains 9,4. Les peuples qui vont être les instruments du jugement d’Israël et Juda sont, par nature, étrangers aux grâces reçues par les deux royaumes. Mais, au regard de leurs fautes, ils sont justes. Israël et Juda ne sont pas châtiés avec excès, mais selon ce qu’ils méritent. Leurs péchés récurrents ont obligé la gloire de Dieu à quitter le pays. Il sera vidé de ses habitants qui périront sur place par l’épée. Le jugement qui frappera Juda et Israël ne sera pas utile qu’à eux. Il est un exemple destiné à frapper les esprits de tout peuple qui, ayant connu la grâce de Dieu, serait tenté de les imiter dans leur apostasie. Il a comme objet d’inspirer la crainte et l’effroi. « Tous ces faits leur sont arrivés, dit Paul, pour servir d’exemples, et ils ont été écrits pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des temps. Ainsi donc, que celui qui croit être debout fasse attention à ne pas tomber ! : 1 Corinthiens 10,11-12. » Le pardon que Dieu nous octroie ne nous est donné pour favoriser l’impiété, mais pour susciter en nous la juste crainte de son nom : Psaume 130,4. Que, par sa grâce, nous ne l’oubliions jamais !



[1] Prêcher comme Jésus : Stuart Olyott : Editions Europress 

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