samedi 29 août 2020

EZECHIEL 22

 

V 1 à 12 : les crimes des habitants de Jérusalem

Le jugement que Dieu décide et prononce sur un groupe, une nation ou un individu n’a rien d’arbitraire. Il n’est pas l’expression de sa part d’un mouvement d’humeur ou d’un caprice de monarque contrarié. C’est un jugement qui repose entièrement et uniquement sur des faits. Aussi, pour le justifier, l’Eternel demande-t-il à Ezéchiel de dresser la liste des crimes, exactions et vices qui, dans la ville de Jérusalem, sont devenus pratique courante au point d’attirer sa colère.

Jérusalem est d’abord une ville peuplée de criminels. Le péché de Caïn, le premier meurtrier de l’histoire, y est pratiqué à grande échelle. Dans sa folie, l’aîné des fils d’Adam chercha à dissimuler son crime. Mais la terre, qui avait reçu le sang de son frère, témoigna contre lui devant Dieu : Genèse 4,10. Il en est de même pour la capitale de Juda. Les crimes commis ne sont peut-être pas tous connus. Mais aucune goutte de sang versée n’est inaperçue de Dieu.

Jérusalem est ensuite une ville idolâtre. Dans les maisons, à tous les coins de rue, le regard de Dieu est offusqué par la vue des entités auxquelles les hommes de Juda se fient pour leur salut. Le peuple de Dieu a complètement oublié son Dieu. Il ne s’en souvient que pour s’abuser lui-même en se persuadant qu’à cause de sa fidélité, il ne saurait l’abandonner. Mais, mis à part ce vain espoir auquel il s’accroche, il ne se soucie ni de lui, de ses lois ou de sa volonté. Il se fabrique une spiritualité à la carte qui n’exige de sa part ni affliction pour ses péchés, ni repentance, ni obéissance. Parce que ce peuple se moque de son Dieu, Dieu agira contre lui de manière à ce qu’il soit un sujet de risée et de moquerie pour les nations environnantes.

Jérusalem, ses dirigeants en premier, est une ville qui profane tout ce qui, aux yeux de Dieu, est sacré. En son sein, on ne respecte ni Dieu, ni son prochain. Les enfants méprisent les parents, les faibles, l’étranger, l’orphelin, la veuve, sont maltraités. Les jours de sabbats, réservés à Dieu, sont profanés. Chacun y mène ses activités comme bon lui semble. Plus personne n’a une parole fiable, sûre. Partout, ce ne sont dans les rapports humains que médisance et calomnies. Des pratiques impures et scandaleuses se commettent au sein des familles. Le beau-père couche avec sa bru, le frère viole sa sœur, on trompe sa femme avec celle de son prochain. Il n’y a plus de justice. Des jugement favorables sont rendus envers les coupables qui les monnayent à coup de pots-de-vin. Le bénévolat, le service gratuit et généreux de son prochain n’existent plus. Tout est affaire de profit et d’intérêts.

« A quoi bon vous frapper encore, se demandait l’Eternel au temps d’Esaïe ? Vous multipliez vos révoltes. La tête entière est malade et tout le cœur est souffrant. De la plante des pieds jusqu’à la tête, rien n’est en bon état : ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives qui n’ont été ni pansées, ni bandées, ni désinfectées : Esaïe 1,5-6. » Le constat établi par Esaïe à l’époque est aussi celui qu’Ezéchiel fait en son temps. Quand la correction ne produit aucun fruit, que reste-t-il à Dieu, si ce n’est le jugement ?

V 13 à 22 : le feu consumant de Dieu

A la lecture de la sévérité des jugements annoncés contre Jérusalem et les Ammonites dans le chapitre précédent, le lecteur pétri du relativisme ambiant de notre société ne peut qu’être outré. Où est le Dieu de miséricorde et de grâce dont nous parle l’Ecriture ? Comment Dieu peut-il se montrer si impitoyable dans sa colère ? Comment ici encore peut-il être si radical dans les châtiments qu’il se propose de mettre en œuvre contre son peuple ? La sévérité du jugement de Dieu tient à une seule cause : la passion jalouse que ce même Dieu a pour le bien, la pureté, la vérité et le respect de tout ce qui, à ses yeux, porte la marque du sacré. Si nous sommes un tant soit peu heurté par les arrêts de la justice de Dieu envers son peuple rebelle, que dirons-nous au regard de la croix ? Ici, ce n’est pas un impie, un idolâtre, un adultère que Dieu juge avec la plus extrême sévérité ! C’est le Fils, son Fils, sa joie infinie, qui faisait l’objet de son affection éternelle. Il le fait pour nous, à cause de nous, pour ne pas avoir à nous traiter selon ce que sa justice exige. Le feu de sa colère l’a consumé pour que nous vivions et que nous ne soyons pas détruits.

Pour l’heure, ce feu est réservé à Jérusalem. L’intensité de ce feu, comme déjà dit, n’a rien de capricieux. Il n’est pas le fruit de l’impulsion colérique d’un Dieu incapable de se contrôler dans ses émotions. Il est l’expression de l’indignation de Dieu, de sa passion jalouse pour tout ce qui est vrai, juste, noble, pur. Il est le feu que provoque la vue du péché dans le cœur très saint de Dieu. Il est la manifestation de la haine radicale de Dieu pour le mensonge, la trahison, l’impureté, l’idolâtrie qui est une usurpation de la gloire qui lui est due au profit d’entités qui sont des impostures. Le jugement du peuple de Dieu n’a pas valeur de destruction. Il a pour but la purification. Il est semblable à celui que pratique le fondeur qui utilise le feu pour séparer ce qui est vil de ce qui est précieux dans les métaux qu’il chauffe à blanc. Il est, lorsque l’impiété est à son comble, le seul moyen que Dieu dispose pour que, revenu de ses égarements, le peuple voit de nouveau qui est Dieu et Le reconnaisse pour ce qu’Il est ! Courbons-nous devant le Dieu saint ! Haïssons le mal qu’il hait et nous le connaîtrons comme un Dieu plein de bonté et de tendresse !

V 23 à 29 : le péché des chefs

Chaque été, dans plusieurs endroits du monde, des incendies majeurs se déclarent, ravageant tout sur leur passage. Ceux qui les combattent savent qu’un seul élément est capable des les endiguer ou d’atténuer leurs effets : l’eau. C’est pourquoi, outre les moyens humains engagés pour éteindre le feu, tous tournent leurs regards vers les cieux dans l’attente de la pluie bienfaisante qui mettra fin à la furie des flammes dévastatrices. Au temps de la colère de Dieu, les prophètes, les prêtres et les chefs du peuple sont ce qu’est l’eau pour la lutte contre les incendies. Malheureusement, Ezéchiel doit en faire le triste constat. Parmi les responsables politiques et religieux de la ville, il ne se trouve personne pour être cette source d’apaisement, de consolation et de salut pour le peuple. Au lieu d’être les porteurs de la parole de Dieu, les prophètes ne songent qu’à tirer profit de la situation pour eux-mêmes. Leur parole qui devrait apporter la vie, sème la mort. Tout ce qui compte à leurs yeux, en ces temps troublés, est de s’enrichir en exploitant la crédulité de ceux qui les écoutent. Les prophètes prétendent parler au nom de Dieu, alors qu’ils n’ont reçu de lui aucun message. Leur objectif n’est plus, comme le veut leur vocation, de dénoncer le péché, l’iniquité, pour appeler le peuple à la repentance, au retour à Dieu. Au contraire ! Ils ferment les yeux sur les exactions commises par les dignitaires et parmi le peuple. Ils dissimulent ce qui est laid, dégradé et qui demande à être restauré en le recouvrant d’un crépi illusoire. Au nom de Dieu, les prophètes relativisent la gravité de la situation. Ils rassurent et raniment l’espoir d’une issue heureuse à la situation, séduisant et trompant les âmes sur ce qui, en réalité, les attend. Du côté des prêtres, Ezéchiel fait la même expertise. Enseignants de la loi, les prêtres ont pour mission d’aider le peuple à tendre vers la sainteté. C’est à eux que l’on s’attend pour expliciter les commandements de Dieu. Par leur enseignement, les prêtres travaillent à aiguiser le discernement des simples. Il les aide à distinguer entre ce qui est pur et ne l’est pas, ce qui est vil, méprisable et ce qui est noble, digne de louange. Mais les prêtres ont démissionné. Ils sont, eux, les gardiens du respect de la loi, les premiers qui la profanent. A leur suite, les chefs politiques se conduisent parmi le peuple, comme des prédateurs. Au lieu d’être les protecteurs des faibles, ils versent le sang, pratiquent le meurtre ciblé pour en tirer des profits malhonnêtes. Que peut-on attendre d’un peuple dont les chefs, à tous niveaux, sont corrompus, si ce n’est l’exaction, la violence, le vol ou la rapine ?

V 30 et 31 : avis de recherche

Bien que la situation soit extrême, elle n’est pas perdue pour autant. Il suffit à Dieu de trouver un homme parmi tout le peuple qui se tienne sur la brèche et construise un mur pour que le jugement soit endigué. C’est ici l’avis de recherche que Dieu émet. Alors que les anges étaient en route pour consumer Sodome, nous nous souvenons que Dieu ne put se résoudre à juger la ville sans en référer à son ami Abraham. Dès qu’il en eut connaissance, celui-ci intercéda pour la ville condamnée. Dieu écouta Abraham. Il consentit à l’épargner s’il trouvait dix justes en son sein : Genèse 18,32. Ce témoignage ancien nous atteste que ce n’est jamais par plaisir que Dieu déverse sa colère et fait périr des hommes. Il doit s’y résoudre parce qu’il n’y a plus rien qui, en travers de son chemin, peut la détourner. Ce témoignage ancien atteste également qu’il n’y a pas une égalité de proportion entre ce qui fait pencher la balance du côté de la grâce ou de la colère. Dieu annonce ici qu’il ne cherche pas une foule, mais un homme, un seul dont la piété ait suffisamment de poids pour incliner son cœur à la clémence.

L’avis de recherche de Dieu énoncé ici nous rappelle que ce n’est pas à cause de la justice et de la piété d’une majorité que le monde subsiste. Le sursis que connaît le monde au sujet de son jugement tient à la minorité des saints qui intercèdent et plaident devant Dieu pour lui.

« Telle est la signification des hommes pieux dans le monde. Dans le jugement, ils sont les agents de chaque nouveau commencement et témoignent de l’unité du plan salvateur. C’est à travers ce petit troupeau que le grand salut manifeste sa cohérence et sa continuité organiques. Ce sont eux seuls, les insignifiants de la terre, qui sont l’humain fondement d’une rédemption rendue ainsi possible. Sans eux, chaque élément de la révélation tomberait en pièces. Facteurs apparemment superflus dans les affaires du monde, ils sont, en fait, les co-ouvriers de Dieu à travers qui le monde est déterminé quant à sa continuation et à son organisation finale. Leur marche avec Dieu sauve l’avenir du monde. Ils sont les vrais porteurs de l’histoire en général et, dans l’Ecriture, les véhicules de la chronologie du monde.[1] »

Ce qui est vrai pour les peuples l’est aussi pour l’Eglise. L’Eglise est dans ce monde la colonne et l’appui de la vérité : 1 Timothée 3,15. Elle ne subsiste localement que si elle remplit ce rôle. Le chandelier qu’elle représente peut, s’il n’exerce plus sa fonction, s’éteindre ou disparaître : Apocalypse 2,5. Dieu veut faire de nous des maçons qui élèvent des murailles. Il nous donne la mission d’ériger des barrières de protection contre sa juste colère contre le péché. Il ne s’agit pas pour nous seulement de prier, mais de poser des fondements, de sécuriser le peuple de Dieu en lui apprenant à se tenir dans la justice, la vérité et la sainteté. Il veut que là où se trouvent des brèches nous agissions pour les colmater. Il s’agit de fermer les ouvertures qui donnent à la colère de Dieu l’opportunité légitime de sévir. Il nous appelle ensemble à nous juger de manière à ce qu’il ne soit pas contraint de le faire : 1 Corinthiens 5,12-13 ; 11,30 à 32. Qu’à l’exemple de Jésus, animé d’un zèle passionné pour la maison de Dieu, nous exercions avec fermeté notre ministère de gardien de la maison de Dieu afin d’y ôter les scandales qui en font la honte : Jean 2,13 à 17.



[1] Erich Sauer : L’aube de la rédemption : Editions « La voix de l’Evangile »

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