lundi 24 août 2020

EZECHIEL 21

 

V 1 à 4 : destruction de la forêt du sud

Prophète de l’Eternel, Ezéchiel est appelé une nouvelle fois à adresser de sa part un message à son peuple. Par l’intelligence que Dieu lui donne, le prophète reçoit des visions qui dépassent largement le cadre du présent dans lequel il se situe. Mais celui-ci n’aurait que peu de crédibilité s’il ne parlait à ses contemporains que de temps éloignés qui ne le concernent pas. Le vrai prophète a, non seulement une parole pour l’avenir, mais aussi un message pour l’aujourd’hui. Tel était Ezéchiel, mais aussi Esaïe, Jérémie, Zacharie, Joël… dont le ministère était marqué du sceau de l’Eternel par ce double volet.

Le message dont est porteur ici Ezéchiel n’est pas ambigu. Il est clairement ciblé. Il s’adresse à la forêt qui se trouve près du Néguev, dans le territoire de Juda. La terminologie employée par Ezéchiel pour s’adresser à ce qui reste d’Israël ne relève pas du hasard. Comparée au reste du territoire, abandonné, déjà livré au roi de Babylone, la forêt verdoyante de Juda fait figure d’îlot de vie. Elle est le symbole de ce qui tient encore et résiste à la puissance conquérante et destructrice de l’ennemi. Ezéchiel le dit : les jours de Juda sont désormais comptés. Un incendie majeur va se déclarer au sein de la forêt verdoyante et la réduire en cendres. Le feu sera si virulent qu’aucun arbre, qu’il soit encore vert où déjà sec, n’y survivra. La forêt était faite d’arbres majestueux, centenaires, à l’ombre desquels grandissaient de jeunes pousses prometteuses. Le ravage de la futaie sera total, consternant tant les habitants du pays que tous, sans en douter, comprendront que seul l’Eternel pouvait en être l’auteur.

Même si l’on adhère à la vérité de la souveraineté absolue de Dieu sur toutes choses, certains malheurs nous font dire que leur cause est due à une certaine malchance. Si tel comportement avait été un tant soit peu différent, les choses se seraient passées autrement. A d’autres occasions, la calamité est si grande et l’impuissance de l’homme si manifeste que la même conclusion est tirée par tous : nous n’avons pas affaire ici à quelque chose d’humain, mais de divin. Le temps alors n’est plus à la discussion, mais à l’écoute. Quel message Dieu veut-il nous faire passer ?

V 5 : signe d’apostasie

La radicalité et la précision de l’annonce d’Ezéchiel au sujet de la destruction par le feu de la forêt du sud du pays, bien qu’effrayante, ne tombaient pas pour les Israélites qui l’entendirent sur un sol vierge. La dévastation n’avait-elle pas déjà atteint la majeure partie du territoire ? Dix des douze tribus d’Israël n’étaient-elles déjà pas parties en captivité ? Malgré ces évidences, Ezéchiel ne fut pas cru. On le prit pour un affabulateur. « Ezéchiel raconte des histoires, disait-on ! Il veut nous effrayer. Ce qu’il nous prophétise ne se produira pas ! Comment Dieu permettrait-il que le reste du pays qu’il a donné à son peuple disparaisse ? »

La réaction des contemporains d’Ezéchiel rejoint celle que l’on rencontre ailleurs dans l’Ecriture. Plus le temps du jugement se fait proche, plus il suscite à son annonce l’incrédulité de la majorité. « Sachez avant tout, prévient l’apôtre Pierre, que dans les derniers jours viendront des moqueurs pleins de raillerie. Ces hommes vivront en suivant leurs propres désirs et diront : « Où est la promesse de son retour ? En effet, depuis que nos ancêtres sont morts, tout reste dans le même état qu’au début de la créations ? » : 2 Pierre 3,3-4. » L’incrédulité foncière des moqueurs, face à l’imminence du malheur qui les attend, n’est pas le fait du hasard. Elle résulte, selon Paul, d’un aveuglement dû au refus de la vérité : 2 Thessaloniciens 2,10 à 12. C’est un signe récurrent de l’apostasie qui a gagné les cœurs !

V 6 à 22 : l’épée du carnage

Nous ne savons pas si l’incendie de la forêt du sud s’est réellement passé. Ce qui est certain est que la réalité qu’il figurait, la destruction du royaume de Juda, s’est accomplie. Moqué, Ezéchiel aurait pu en rester là. Puisque le peuple ne veut pas entendre ce que l’Eternel veut lui dire, qu’il se débrouille avec lui ! Sous l’inspiration de son Dieu, le prophète va reprendre la parole. Il va se faire plus direct. Puisque l’annonce figurée du désastre qui vient ne bouleverse pas les cœurs, Ezéchiel va ôter l’enrobage sous lequel il a présenté son message pour parler crûment. Ce n’est pas à l’incendie d’une forêt auquel le peuple doit s’attendre, mais au carnage du reste qui se trouve à Jérusalem. Car le temps de la patience de Dieu envers Juda est arrivé à son terme. L’épée aiguisée de Dieu est sortie de son fourreau. Placée dans la main du tueur (Babylone), elle ne fera pas de quartier. Elle frappera tout ce qui se trouvera sur son chemin, le juste comme le méchant, le prince comme le manant. Le sceptre de bois qui se trouve dans la main du roi ne lui sera d’aucune utilité. L’épée de fer brisera le bois. Après le temple, c’est le trône royal qui sera abattu, dernier vestige de la gloire du royaume. Porteur de ce message de jugement, Ezéchiel ne le délivre pas froidement. Une fois de plus, le prophète est le premier que la parole qu’il est chargé de délivrer, remue. Ezéchiel gémit. Plié en deux, rempli d’amertume, il souffre d’avance la souffrance que va connaître son peuple. L’incarnation de la parole reçue qu’exprime le prophète n’est pas feinte. Elle est voulue par Dieu pour donner plus de poids et de crédit aux mots qui en forment le contenu. Elle prélude celle qui se manifestera plus tard en Jésus, témoin en chair et en os de la volonté de réconciliation de Dieu avec les hommes.

L’unité visible vécue par Ezéchiel avec son message nous interroge. La parole de Dieu n’est-elle pour nous qu’une matière d’étude ou affecte-t-elle nos âmes au plus profond d’elles-mêmes ? Si oui, ceux qui nous écoutent s’en aperçoivent-ils ? Nous sentent-ils remués jusqu’au tréfonds de notre être lorsque nous leur parlons du jugement qui vient et de la perdition qui s’ensuit : cf Actes 24,25 ? Sommes-nous à l’écoute de Dieu ? Comprenons-nous que le temps actuel de paix ne durera pas, que le jour vient où le terme de la patience de Dieu envers les nations rebelles sera atteint ? Nous préparons-nous en vue de cette échéance ? Visite-nous, ô Dieu, et que nos cœurs soient tout entiers pénétrés par la pensée de Ta gloire !

V 23 à 28 : divination inspirée…

Alors que le peuple continue à se berner d’illusions, Ezéchiel est invité par l’Eternel à visualiser ce qui se passe du côté du roi de Babylone. Placé depuis son quartier général à un carrefour, le roi de Babylone est dans l’expectative. Entre deux directions, il ne sait vers où aller pour lancer ses expéditions guerrières. L’une des voies possibles le conduit à Jérusalem, l’autre vers Rabba, la capitale des Ammonites. Indécis, le souverain fait appel, selon sa pratique courante, à la divination et consulte ses idoles. Il veut se laisser guider dans ses choix par les présages les meilleurs. Or, ceux-ci sont formels. Ils indiquent que c’est à Jérusalem que le roi de Babylone doit se rendre. La flèche étiquetée du nom de Jérusalem, prise par la main droite, l’atteste. Pour autant, le peuple continue à réfuter les prédictions d’Ezéchiel. « Le roi de Babylone, pense-t-il, peut consulter qui il veut et avoir pour lui tous les présages indicatifs de la volonté de ses dieux. Le peuple de Juda a pour lui en gage le serment prêté par l’Eternel lui-même envers eux, le serment des serments. Il n’y a donc aucun lieu de craindre l’invasion du roi de Babylone. »

La révélation par Ezéchiel de ce qui se passe chez le roi de Babylone est didactique pour le peuple de Dieu de bien des manières. Le premier enseignement qu’il devrait apprendre de lui est, qu’au lieu de se fier à son propre jugement, le peuple de Dieu ferait bien lui aussi de consulter son Dieu. Certes, le roi de Babylone questionne des dieux qui n’en sont point. Mais il a l’humilité de reconnaître que l’issue de la bataille ne lui appartient pas, mais à eux. Juda, qui a oublié les termes de l’alliance qui le lie à son Dieu, agit à l’opposé avec suffisance. Il ne se souvient pas que l’appui de son Dieu ne lui est pas acquis, mais est conditionné par son obéissance à ses lois. Le second enseignement qu’il peut apprendre ici touche à l’intelligence que le peuple de Dieu devrait avoir de la situation globale dans laquelle il se trouve. Plutôt que de nier le danger, il devrait s’y préparer. La première cause de défaite dans une guerre tient souvent à la méconnaissance de son ennemi et à une surestimation de sa force. Dans le cas présent, la faute de Juda a pour cause son aveuglement spirituel, une présomption coupable qui a faussé dans son esprit la réalité de sa situation face à Dieu. Pour l’en guérir, Dieu ne pouvait faire qu’une chose : donner contre Juda la victoire au roi de Babylone. Il apprendra ainsi que, dans son péché, Dieu n’est plus avec lui, mais contre lui.

V 29 à 32 : jusqu’à la venue de Celui…

Si le jugement qui arrive sur Juda est le fait de l’Eternel, le royaume et ses dirigeants sont les premiers responsables de sa décision. Que ce soit Sédécias, le roi, ou le peuple, tous, malgré les multiples avertissements reçus, ne feront rien pour que la menace qui pèse sur eux soit ajournée. Chacun continue dans la voie mauvaise dans laquelle il se trouve. Les iniquités de tous se pratiquent au grand jour. On aperçoit dans le pays ni honte, ni l’amorce d’un début de changement d’état d’esprit, ni la moindre disposition à la repentance. C’est le péché pratiqué sans rougir, à la vue de tous, étalé au grand jour, qui attire invariablement le jugement de Dieu. L’iniquité à son comble (cf Genèse 15,16), le jugement devient la seule mesure qui peut rendre possible un nouveau commencement.

Parce qu’il est assis sur le trône de Juda, Sédécias, investi de plus par le roi de Babylone (2 Rois 24,17), porte une responsabilité particulière au sujet de ce qui va advenir. Sans lui, certes, le royaume n’aurait pas survécu. Mais ici, et avec lui, c’est le principe même de la royauté qui va être aboli. La royauté en Israël, souvenons-nous en, avait débuté avec Saül sur la demande expresse du peuple qui voulait être gouverné comme l’étaient toutes les nations : 1 Samuel 8,4. Samuel, le prophète, y était opposé. Il voyait dans la demande du peuple un rejet de la théocratie, système qui faisait de Dieu le souverain d’Israël. Ce n’est que sur l’ordre de Dieu qu’il y consentit, non sans avoir averti Israël des suites malheureuses inéluctables qu’engendrerait le nouveau système : 1 Samuel 8,6 à 18. En Sédécias, s’incarnent à la fois l’inévitable dérive auquel aboutit ce système et la nécessité d’y mettre fin. Désormais, annonce Ezéchiel, le trône de Juda sera vide. La tiare et la couronne seront ôtées de la tête de Sédécias pour ne plus être posée sur aucune autre… jusqu’à ce que vienne Celui à qui appartient le jugement qui les coiffera de nouveau. La prophétie d’Ezéchiel formulée ici ne sort pas du néant. Elle est la réitération de celle prédite par Jacob, le père de la nation : Genèse 49,10. C’est en Jésus-Christ, descendant de Juda, qu’elle s’accomplira : Matthieu 1,2. Lui seul sera à la fois le roi et le grand-prêtre d’Israël, sacerdoces tous deux perdus au temps d’Ezéchiel : Hébreux 7,14.

V 33 à 37 : prophétie au sujet des Ammonites

 Nebucadnetsar, conduit par les présages tirés de ses pratiques divinatoires, ayant choisi de s’attaquer à Juda en priorité, épargna les Ammonites. Pour autant, ceux-ci ne sont pas tirés d’affaire. Le jugement des fils d’Ammon, s’il est reporté, n’est pas annulé. L’heure vient où, après que Juda l’a été, les Ammonites passent à leur tour au fil de l’épée. Ils recevront, de par Dieu, le salaire que méritent leurs insultes à son égard. Si la justice de Dieu n’épargne pas son peuple élu, elle ne saurait être plus clémente envers les nations qui lui sont hostiles. C’est le cas des Ammonites qui, dès le début de l’histoire d’Israël, se sont positionnés comme ennemis de la nation nouvelle : Amos 1,13 à 15. La joie des fils d’Ammon à la vue de la destruction de Juda par les armées babyloniennes sera de courte durée : Ezéchiel 25,3. Selon l’historien Josèphe[1], 5 ans après Juda et la ruine de Jérusalem, Nebucadnersar lèvera ses armées contre les fils d’Ammon et fera de leur capitale un désert : Ezéchiel 25,5.

 Il arrive souvent que le monde se réjouisse des malheurs du peuple de Dieu. Il ne le devrait pas. Ceux-ci sonnent en effet comme un avertissement pour lui. Le jugement de Dieu commence souvent par sa propre maison : 1 Pierre 4,17. Mais il ne s’arrête pas là. Le malheur qui frappe les uns jusqu’à la mort est un appel de Dieu pour les autres à se repentir : cf Luc 13,1 à 5. Tôt ou tard, chacun a rendez-vous avec la justice de Dieu. Face au châtiment de Dieu, le peuple de Dieu peut garder espoir. Dans sa fidélité, Dieu lui fera grâce et le restaurera. Autre est la perspective qui attend les rebelles. Il n’y a pour eux ni salut, ni espérance quand la colère de Dieu se lève pour sévir contre eux.



[1] Antiquités Juives 10 : 9,7

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