mardi 29 septembre 2020

EZECHIEL 26

 

SUR TYR : Ezéchiel 26,1 à 28,17

V 1 à 6 : procès de Tyr et sentence

Nous avons assisté dans le chapitre précédent au procès des nations voisines d’Israël. Ces nations faisaient partie du premier cercle des pays limitrophes au peuple élu. Ils étaient dans l’Ecriture les ennemis récurrents des Hébreux depuis leur naissance en tant que nation. Avec le procès de Tyr, Ezéchiel élargit la sphère des pays concernés par le jugement de Dieu. Le lien avec Israël demeure cependant. En effet, c’est en raison de sa réaction à la chute de Jérusalem que l’Eternel, après les 4 nations citées auparavant, s’en prend ici à Tyr.

La portion qu’Ezéchiel consacre à Tyr dépasse de loin celle qui concerne les nations voisines d’Israël. Bien que géographiquement plus éloignée qu’elles de Jérusalem, la ville phénicienne n’est pas étrangère à l’histoire d’Israël. Hiram, le roi de Tyr, était un ami de David. C’est lui qui fournira au suzerain israélite le ouvriers et le bois qui lui permettront de construire son palais et, plus tard, le temple de Salomon : 2 Samuel 5,11 ; 1 Rois 5,15 à 24 ; 7,13 à 47. Après Hiram, un autre roi contribuera, de manière négative cette fois, au devenir d’Israël. Il s’agit d’Ethbaal 1er, roi de Sidon qui s’empara de Tyr et qui maria sa fille Jézabel au roi Achab. Le couple idolâtre et perfide sera l’un des pires que le royaume aura à sa tête : 1 Rois 16,31. Ville située sur la côte méditerranéenne dans ce qui est aujourd’hui le Liban, Tyr, profitait de sa position idéale pour s’adonner au commerce maritime avec de nombreuses nations. Ces échanges en faisaient l’une des cités les plus riches de l’Antiquité : Psaume 45,12, convoitées par de multiples conquérants : les Assyriens, Nebucadnetsar, Alexandre le Grand…

Si une cité n’avait pas à se plaindre quant à l’aisance et à la prospérité dont elle jouissait, c’était Tyr. Il se trouve pourtant que celle-ci n’en avait jamais assez. Comme il en est de la plupart des riches, Tyr ne se satisfaisait pas de son rang. Elle voulait être la ville phare, le centre d’attraction n°1 du commerce mondial. C’est pourquoi la prise et la chute de Jérusalem eurent pour elle l’effet d’une bonne nouvelle. Jalouse de son statut de « porte des peuples », Tyr comprit que Jérusalem détruite lui vaudrait un afflux de nouveaux clients et de nouvelles richesses. Elle n’eut pas la sagesse de voir le revers de cette médaille, à savoir que son prestige en faisait un objet de convoitise plus alléchant encore. Tyr ne jouira pas longtemps de son élévation. Après Jérusalem, elle aussi connaîtra la destruction. Il ne sera pas le fait d’un seul peuple mais de plusieurs nations. Les murailles de Tyr, derrière lesquelles elles se sentait en sécurité, seront démolies. Le rocher qui la portait sera mis à nu : v 4.

Le malheur qui atteindra Tyr ne la concerne pas uniquement. Tyr est ici le symbole de toutes les puissances qui, par leur commerce, cherchent à occuper la première place dans le cortège des nations. La chute de Tyr nous parle du malheur qui attend tous ceux qui font de Mammon leur dieu. Comme pour elle, la ruine est au bout de leur chemin : cf : la chute de la ville de Babylone : Apocalypse 18. Les vestiges de la ruine de Tyr sont une confirmation de la validité de l’enseignement de Jésus sur les richesses. « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur : Matthieu 6,19 à 21.

V 7 à 14 : conquête de Tyr par Nebucadnetsar

Avant que les prophètes n’apparaissent, le Seigneur avait indiqué dans la loi par quel critère seraient reconnus ceux qu’il avait réellement mandatés. Si ce que le prophète annonce ne se produit pas, c’est la preuve que ce n’est pas Dieu qui l’inspire, mais que celui-ci parle de son propre chef : Deutéronome 18,12. Pour être vérifiable, la prophétie se doit d’être précise, sans ambiguïté. Le texte qui la supporte doit être fait de mots simples, de descriptions claires, détaillées qui ne prêtent à aucune interprétation multiple. Tous les prophètes bibliques peuvent être examinées sous cet angle. Aucun ne faillit. Ezéchiel en est ici un exemple.

Parlant de Tyr et de la ruine qui l’attend, Ezéchiel ne fait pas dans l’à-peu-près. Non seulement il désigne celui qui causera sa perte nominalement, mais il décrit avec force détail comment se déroulera la conquête de la ville. C’est par Nebucadnetsar, le roi de Babylone, que Tyr va tomber. A la tête d’une armée nombreuse composée de soldats de diverses nations, le souverain babylonien va déferler comme une marée dans le territoire tyrien sans que nul de ses habitants n’échappe. Arrivé aux abords de la ville, il va en faire le siège en édifiant des remblais contre elle. L’histoire nous apprend que ce siège durera 13 ans, de 585 à 572 av J-C. Adossée à la mer, Tyr résistera un temps. Mais le jour viendra où les machines de guerre du roi de Babylone viendront à bout des tours et des murailles de la ville. Avec un fracas effrayant, les chevaux de l’armée piétineront les rues de la ville conquise terrorisant ses habitants. Selon l’histoire, la ville ne sera pas détruite à ce moment-là. Mais la prophétie d’Ezéchiel ne ment pas. Alexandre le Grand finira le travail commencé par Nebucadnetsar. Avec les débris de pierre et de bois qui résulteront du ravage de la campagne tyrienne par le roi de Babylone, le conquérant grec fabriquera une chaussée de 180 à 280 mètres de large dans la mer qui ouvrira la voie à ses armées pour faire tomber définitivement la ville : cf Ezéchiel 26,12. Tyr, l’orgueil du commerce maritime mondial, sera rasé. Même si le lieu restera habité, la ville ne sera jamais plus reconstruite. Il ne restera d’elle qu’un rocher nu sur lequel les pécheurs étendront leurs filets.

V 15 à 18 : la résonnance de la chute de Tyr parmi les nations

Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que l’Eternel en soit l’auteur, questionne le prophète Amos : Amos 3,6. Il n’est pas rare que le malheur qui arrive dans une ville provoque une onde de choc dont les répercussions s’étendent bien au-delà. Plus la ville où le malheur se produit est grande, réputée, plus ses effets se feront sentir loin. Dans la prophétie d’Ezéchiel qui nous occupe, le malheur dont il est question ne se limite pas à un quartier, une famille on quelques individus de la ville de Tyr. C’est de la ruine entière de la ville dont il est question. Son impact sur le monde environnant est semblable à ce qui se serait produit si, le 11 septembre 2001, ce n’était pas seulement les tours jumelles du World Trade Center qui se seraient écroulées, mais toute la ville de New-York.

Comment Dieu peut-il parler au monde ? De quelle manière agit-il pour rappeler aux nations que lui seul est Dieu ? S’il agit d’abord par sa parole et ses prophètes, c’est aussi par les malheurs qui se produisent çà et là qu’il se rappelle au bon souvenir des peuples. Tout malheur qui se produit n’a pas la même portée, ni les mêmes destinataires. Plus il est grand, plus il cherche à impacter la conscience d’un grand nombre. Un accident de la route qui ôte la vie à toute une famille n’a pas la même résonnance qu’un tremblement de terre qui détruit une ville. Que dire quand la ruine atteint une métropole comme Tyr, considérée par tous les peuples comme la ville phare du commerce mondial ?

Que cherche Dieu en frappant Tyr ? Quel message veut-il transmettre aux autres puissances qui lui sont dépendantes ou concurrentes ? Esaïe y répond. Le message est un message d’avertissement, un rappel pour tous qu’il y a un jour où chacun devra faire face au jugement de Dieu. « Car il y a un jour pour l’Eternel des armées contre tout homme orgueilleux et hautain, contre quiconque s’élève, afin qu’il soit abaissé ; contre tous les cèdres du Liban, hauts et élevés, et contre tous les chênes de Basan ; contre toutes les hautes montagnes, et contre toutes les collines élevées ; contre toutes les hautes tours, et contre toutes les murailles fortifiées ; contre tous les navires de Tarsis, et contre tout ce qui plaît à la vue. L’homme orgueilleux sera humilié, et le hautain sera abaissé : L’Eternel seul sera élevé ce jour-là. Toutes les idoles disparaîtront : Esaïe 2,12 à 18. » Le but de Dieu par le jugement est de rétablir la vérité au sujet de ce qui est digne de gloire et d’honneur, en détruisant ce qui est l’objet de l’idolâtrie des peuples. C’est pourquoi, malgré toute la puissance dont ils ont fait preuve à un moment donné, les empires, qu’ils soient d’ordre militaire ou économique, passent. « Je suis l’Eternel, c’est là mon nom ; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles, dit encore Esaïe : Esaïe 42,8. » Les hommes de ce monde qui glorifient la force brutale ou le pouvoir que donne l’argent doivent encore et toujours le réapprendre. C’est à Dieu qu’appartient la puissance et la gloire, car il est avant toutes choses et toutes choses ne subsistent que par lui.

Bien que le texte d’Ezéchiel sur la chute de Tyr date de plusieurs siècles avant Jésus-Christ, la réalité et le message dont il est porteur restent actuels. La complainte entonnée par les nations au jour de la nouvelle de l’effondrement de Tyr est la même que celle que prononcent les peuples à la vue de l’embrasement de Babylone, la cité qui est la fierté et l’orgueil du monde des derniers jours : Apocalypse 18,19. « L’empire commercial de Tyr est particulièrement approprié pour symboliser l’un des aspects du monde : sa richesse ostentatoire. Les collines de Rome, les fleuves de Babylone et la mer de Tyr sont tous appelés à illustrer différents aspects de la Prostituée… Les marchandises de Tyr et les atours de la Prostituée sont étalés quotidiennement devant les yeux des hommes. Les sous-privilégiés les désirent, les privilégiés en veulent toujours plus : elle séduit toutes les nations.[1] » Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Depuis Babel, l’être humain devrait l’apprendre, mais il en est incapable. Générations après générations, les mêmes erreurs se renouvellent. La raison se trouve dans le cœur rebelle et hautain de l’homme qui, depuis le jardin d’Eden, cherche à égaler Dieu : Genèse 3,5. Ce désir de la créature de s’élever au-dessus de tout a contraint le Créateur, par son Fils, à s’abaisser en-dessous de tout. Il a pris sur lui la ruine que méritaient nos péchés, notre vanité et notre vantardise pour que le jugement de Dieu nous soit épargné. Quel la gloire lui en soit rendue à jamais !

V 19 à 21 : la ruine de Tyr

Aussi élevée soit Tyr, elle devrait se souvenir, à cause de nombreux précédents historiques, que la richesse et la grandeur ne sont nulle part une garantie de pérennité. D’autres avant elle, telle Ninive, se croyaient éternelles, mais sont devenues un désert. Le bruit de la vie qui animait leurs rues s’est mué en un silence de mort. Le brouhaha des échanges commerciaux, les cris et les chants qui saturaient l’air qu’on y respirait, se sont tus. Les maison luxueuses se sont transformées en ruines et le nom de ces cités n’est plus évoqué qu’au passé. Telle est la destinée qui attend à son tour Tyr, la gloire phénicienne. Il y a des temps où le châtiment de Dieu, parce qu’il n’est pas pour la mort, est appliqué avec mesure. Le but de Dieu n’est pas de détruire, mais de corriger. Mais lorsque la décision de Dieu est prise dans l’autre sens, il n’y a plus d’avenir. Les damnés de Dieu sont précipités dans un abîme duquel nul ne peut sortir. Ils sombrent dans les profondeurs de la terre qui referment ses entrailles sur eux pour toujours.

Quel nom porte le contentieux qui conduisit Tyr à être foudroyé par la colère de l’Eternel ? Un seul : la gloire. Toute la Bible, et le livre d’Ezéchiel en particulier, en fait son thème majeur. La gloire appartient à Dieu ! Elle ne sied pas à ce qui le déshonore. Si Israël passe par la captivité, l’exil, c’est pour une seule raison : que la gloire attachée au nom de Dieu, qui l’avait choisi pour le magnifier, soit sauvegardée ! Dieu ne jalouse rien de plus que sa gloire. La motivation qui a causé la ruine de Jérusalem est la même qui préside au jugement de Tyr. Tyr sera détruite pour que la gloire ne soit plus attachée à son nom, mais revienne à qui de droit : le pays des vivants. Le pays des vivants est le royaume de Dieu, le royaume de la vie. Il est le pays de l’avenir, celui sur lequel se reportera la gloire de tous les peuples et de toutes les nations : Apocalypse 21,24. En jugeant le monde, Dieu ne pense pas seulement à détruire. Il retire sa gloire de cette terre pour la transférer dans la nouvelle qui sera la demeure de ses rachetés. C’est sur elle que la beauté, la joie, la vie, les échanges s’y exprimeront sans réserve et à profusion. Car il y a une chose qui, dans cette nouvelle création, ne se trouvera plus : l’idolâtrie.



[1] Encyclopédie des difficultés biblique : l’Apocalypse : Editions Emmaüs : Alfred Kuen

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