V 1 à 4 :
portrait des mauvais bergers
La figure du berger est, sans nul
doute, celle que la Bible affectionne le plus pour décrire le rôle et la
mission de ceux que Dieu place à la tête des peuples pour les conduire. La
mission du berger auprès de son troupeau est double. Elle est en premier
d’assurer sa sécurité face aux prédateurs, puis de veiller à ce que les brebis
qui sont à sa charge ne manquent de rien. Dans sa relation avec ses brebis, le
berger a quelque chose de plus qu’un chef d’entreprise. Jésus dit qu’il connait
chacune d’elles par son nom : Jean 10,3. Les
brebis ne sont pas pour le berger une masse uniforme et indistincte. Il a une
relation personnelle avec chacune. Il connait celles qui sont facilement
effrayées, celles qui sont têtues et ont un penchant pour l’indépendance. Il
discerne parmi toutes celles qui sont malades, affaiblies… Chaque brebis compte
à ses yeux, au point que si l’une s’égare, dit encore Jésus, il délaisse pour
un temps le reste du troupeau pour se mettre à sa recherche : Luc 15,4.
Ce n’est pas un hasard si David,
le roi selon le cœur de Dieu, était berger avant de monter sur le trône
d’Israël. Le métier qui était le sien avant d’être l’élu de Dieu devait lui
servir de modèle pour la fonction qui l’attendait. David était un berger
modèle. Pour rien au monde, il n’aurait laissé une brebis périr dans la gueule
d’un prédateur cf 1 Samuel 17,34-35. David était
prêt à risquer sa propre vie pour le salut d’une seule de ses bêtes. Il est
l’exemple de ce que devait être les rois après lui.
Si certains des rois qui ont
succédé à David ont marché sur ses traces, un grand nombre se sont révélés être
des bergers indignes de ce nom. Ils n’ont pas vu dans le troupeau qui leur
était confié des brebis dont il devait prendre soin, mais une source de profit
qui servirait en priorité leur intérêt. Certes, les bergers, qui passaient des
jours entiers à paître leurs troupeaux, ne le faisaient pas pour rien. En
échange de leurs bons soins, les brebis leur fournissaient lait, viande et
laine. La fierté du berger était d’avoir un troupeau en bonne santé. Les bergers
d’Israël, dont Ezéchiel fait ici le procès, n’en avait cure. Tout ce qui les
intéressait était de tirer le maximum de bénéfices de leurs animaux. La preuve
de leur cupidité n’apparaissait pas dans leur façon d’agir envers les
meilleures brebis, mais surtout envers les plus faibles. S’ils mangeaient la
graisse et la viande des plus dodues, les plus faibles, les malades n’étaient
l’objet d’aucune de leur attention. Qu’une brebis s’égare leur importait peu.
Peut-être déplorait-il le manque de revenu que cette perte représentait, mais
ils n’allaient pas risquer leurs vies pour la retrouver. Il n’y a dans le cœur
des mauvais bergers aucune affection pour les brebis. Dureté et violence
étaient les maîtres mots de leur comportement à leur égard.
Les prophètes qui ont précédé ou
suivi Ezéchiel ont souvent dénoncé la manière d’agir des mauvais rois d’Israël
et de Juda. Ils ont dénoncé avec vigueur leurs exactions envers les plus
faibles : la veuve, l’orphelin, le pauvre ou l’étranger : Esaïe 1,17.23 ; Jérémie 7,6 ; 22,3 ; Ezéchiel
22,7 ; Malachie 3,5 : Zacharie 7,10. Jacques, dans sa lettre,
accuse les riches des derniers jours des mêmes spoliations : Jacques 4,1 à 5. Pierre, quant à lui, invite les
anciens des Eglises à veiller à la façon dont ils s’occupent des âmes qui leur
sont confiés. « Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde,
non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu ; non pour un gain
sordide, mais avec dévouement ; non comme dominant sur ceux qui vous sont échus
en partage, mais en étant les modèles du troupeau. Et lorsque le souverain pasteur paraîtra,
vous obtiendrez la couronne incorruptible de la gloire : 1 Pierre 5,2 à 4. » Au-dessus des rois, des
chefs, des bergers siège le souverain Pasteur de tous. C’est à lui que chacun
devra rendre compte de la façon dont il a assumé sa fonction. Que la crainte de
son nom soit un stimulant pour chacun à bien faire son travail !
V 5 et 6 :
l’état du troupeau
Il en est des peuples comme d’une
famille. Lorsque les parents des enfants remplissent correctement leurs
fonctions, en se montrant aimant et attentionnés, ceux-ci ont de bonnes chances
de se développer de façon saine. Mais qu’ils viennent à boire, se tromper ou
être violent, alors les enfants ne tardent pas à mal tourner. Ne trouvant ni l’affection,
ni la sécurité dont ils ont besoin à la maison, ils vont la chercher ailleurs.
Ils deviennent la proie facile de prédateurs qui les entraînent dans toutes
sortes de travers et de dérèglements. Devenus adultes, ils reproduisent à leur
tour, si ce n’est la grâce de Dieu, le modèle parental qu’ils ont reçu. Si le
peuple de Juda en est là où il se trouve, dit Ezéchiel, la faute première en
revient aux mauvais bergers qui étaient à sa tête.
L’état d’un troupeau en dit long
sur le sérieux ou non du berger qui en a la charge. Sous la conduite d’un
pasteur fidèle, le troupeau vit dans la cohésion. Livrées à elles-mêmes sans
direction ni attention, les brebis se dispersent et s’éparpillent dans toutes
les directions. L’ours de la montagne ou le loup n’ont alors aucune peine à en
faire leur menu. Sans défense aucune, elles sont sans force pour leur échapper.
Si les tribus d’Israël ont été disséminées, exilées loin de leur pays, la
responsabilité première en revient, dit Ezéchiel, aux rois infidèles qui étaient
à leur tête. Ni l’Assyrie, ni le roi de Babylone n’auraient pu rendre captif le
peuple de Dieu si les souverains qui se sont succédé avaient tous ressembler à
David ou Ezéchias. En son temps, Sanchérib avait fait le siège de Jérusalem.
Son armée en surnombre aurait pu facilement venir à bout de la résistance des
Judéens. Mais Dieu était là pour soutenir son fidèle serviteur : 2 Chroniques 32. Le peuple de Dieu n’est livré à ses
adversaires que lorsque la digue censée le protéger est elle-même abattue.
Les pasteurs ne sont pas
responsables de tous les péchés qui se commettent dans les églises. Cependant,
il est bon, lorsque des troubles se produisent et que la désobéissance à Dieu
s’installe, qu’ils s’interrogent. Les brebis ont-elles reçu tous les soins dont
elles avaient besoin ? Ont-elles été nourries par le lait et la nourriture
solide de la parole ? Les bergers ont-ils été des modèles dans leurs vies
et leur piété ? L’unité du troupeau a-t-elle été un objectif auquel ils
ont travaillé ? La discipline a-t-elle été exercée avec fermeté lorsqu’il
le fallait ? Que Dieu donne à ses serviteurs le sentiment de leur devoir
et de leur redevabilité envers leur Seigneur !
V 7 à 10 :
sanction des bergers infidèles
Y-a-t-il pire sort que celui d’un
troupeau mené par un mauvais berger ? Sous la conduite d’un bon pasteur,
les brebis n’ont à vivre aucune inquiétude. Qu’un danger se présente pour
elles, le berger saura y faire face. Elles savent toutes qu’il est là pour
elles, pour leur protection et leur soin. Les brebis sont en paix, parce que le
berger est là pour leur bien. Avant d’être une fonction, être berger est une
question de cœur. Lorsque celui-ci ne bat plus pour le troupeau, les brebis se
retrouvent sans défense. Au lieu d’être sous l’aile du berger, elles se
transforment en proies, devenant la nourriture des bêtes sauvages… si ce n’est
celle des bergers eux-mêmes. Aveuglés par leur égoïsme, les bergers ont oublié
une chose. C’est que le troupeau qui leur est confié ne leur appartient pas.
Ils n’en sont que les gardiens. Dieu est son véritable propriétaire. Aussi
va-t-il leur en retirer la garde. Malgré leur vulnérabilité, les brebis
survivront. Les bergers, quant à eux, se verront privés de leurs gains et de
leurs charges.
L’Eternel accomplira à la lettre
la menace qu’il adresse ici aux mauvais bergers que furent les rois et les
prêtres d’Israël. Avant Ezéchiel, le prophète Osée avait prédit qu’un temps
viendrait au cours duquel le peuple de Dieu serait privé de la royauté et de la
sacrificature. « En effet, dit-il, les Israélites resteront longtemps
sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans éphod et sans théraphim.
Après cela, les Israélites reviendront. Ils rechercheront l’Eternel, leur Dieu,
et David, leur roi, et ils retourneront en tremblant vers l’Eternel et vers sa
bienveillance, dans l’avenir : Osée 3,4-5. »
Que chacun le sache ! Personne, dans l’œuvre de Dieu, n’est indispensable.
C’est par sa faveur que Dieu nous choisit pour mener, paître et guider son
peuple. Nous lui sommes redevables de la façon dont nous exerçons notre charge.
Le troupeau qu’il nous confie n’est pas le nôtre, mais le sien.
V 11 à 16 :
je serai leur berger
Les bergers que Dieu avait placé
à la tête du troupeau ayant failli à leur tâche, Dieu se propose lui-même de
les remplacer. Dans l’ordre normal des choses, le développement d’une œuvre va
de sa gestion par son créateur vers la délégation par secteurs d’activité à
d’autres personnes. La royauté mise en place en Israël au temps de Samuel
visait cet objectif. Mécontents du système théocratique dans lequel ils
vivaient, les Israélites demandèrent au juge qui les dirigeait un roi comme
toutes les autres nations. L’Eternel y consentit, tout en les avertissant de la
déception au-devant de laquelle ils allaient. Installé sur le trône, leur roi
n’allait pas les servir, mais se servir lui-même : cf 1 Samuel 8. La prévision donnée par Dieu s’est
confirmée. L’exil que va connaître le peuple de Dieu, sa dispersion parmi tous
les peuples sont la conséquence directe de la délégation d’autorité voulue par
le peuple au temps de Samuel. Non ! L’œuvre de Dieu ne sera jamais si bien
gérée que par Dieu lui-même. Il doit en tout temps en être la tête. Ses serviteurs
ne sont pas des chefs, mais des ouvriers qui collaborent avec lui. Tout renversement
de cet ordre ne peut qu’aboutir à l’échec.
Après avoir fait le procès des
bergers qui ont mené Israël, le plaidoyer divin modifie son sujet. Il passe du
« eux » au « je ». Il n’y aura désormais plus de roi à la
tête d’Israël. Tout ce qui va se produire pour ce peuple sera le fait de Dieu.
Après l’exil et la dispersion, le premier travail de Dieu sera de procéder au
rassemblement de ses brebis disséminées. Le mouvement de retour des Israélites
vers leur pays sera si massif qu’il ne s’expliquera que par l’action de Dieu.
Ce n’est pas à l’appel d’un homme que les Juifs prendront la décision de
revenir dans leur pays, mais en réponse à la voix de Dieu. Parallèlement à
l’alya, l’immigration des Juifs vers leur terre sainte, Israël connaîtra
une résurrection physique sans pareille. En tant que berger, Dieu ne les
conduira par vers un désert. Les brebis seront menées vers de riches pâturages.
Elles se reposeront dans un domaine agréable fait de cours d’eau et de hautes
montagnes. Dieu Lui-même veillera sur son troupeau pour qu’il ne manque de rien.
En tant que berger, il sera aussi le juge de ses brebis. Il agira envers elles
comme aucun roi ne l’aura fait avant lui, prenant soin des faibles et des
blessés et détruisant celles qui se seront enrichies aux dépens des autres. Que
le temps vienne, ô Dieu, où tu seras le berger reconnu d’Israël, ton
peuple !
V 17 à 24 :
tri sélectif
La restauration d’un état qui a
failli nécessite davantage que le retour à la condition qui a précédé sa ruine.
Si des mesures ne sont pas prises pour réformer ce qui l’a provoqué, les mêmes
causes produiront les mêmes effets. Outre le fait que le troupeau de Dieu était
mené par de mauvais bergers, la raison de sa dispersion tenait aussi aux
violences et aux exactions qui se pratiquaient entre elles. Les boucs, les
béliers et les brebis grasses et vigoureuses spoliaient et maltraitaient les
plus faibles. Les forts abusaient de leur pouvoir et de leur santé au détriment
des faibles. Ils rendaient leur conditions de vie plus difficiles encore que ne
le faisaient les mauvais bergers. Il fallait non seulement que le troupeau soit
guidé autrement, mais qu’entre les brebis une discipline ferme et impartiale soit
exercée. C’est ce que promet de mettre en place le Seigneur à l’avenir pour le
bien du troupeau.
Pour se faire, un tri sélectif
radical s’opérera entre les brebis. Sous la conduite du fils de David, le
Christ, le Seigneur s’engage à ce que soit mis fin aux exactions commises dans
le passé contre les plus faibles. Il n’y aura plus dans le troupeau de Dieu de
brebis qui s’engraissent tandis que d’autres souffrent de la faim. Il n’y aura
plus qu’un seul berger qui veillera sur toutes et agira de manière à ce que
chacune soit traitée avec équité. Les brebis ne seront plus perçues par
quiconque comme un butin ou une source de profit. Elles seront considérées pour
ce qu’elles sont, des membres du troupeau bien-aimé du berger. Chacune d’elles
aura la même valeur, la même importance que sa voisine, qu’elle soit frêle,
fragile ou en bonne santé. Il n’y aura
pas dans le troupeau de séparation, de clans dus à des différences d’état entre
les brebis, mais un seul ensemble dans lequel chacune trouvera sa place et jouira
de l’estime des autres.
La réalisation de la promesse de
Dieu pour Israël est certaine. Nous la voyons concrétisée dans l’Evangile sous
la houlette de Jésus, le bon berger. Au temps de sa gouvernance, il n’y aura
plus de brebis éparses, mais un seul troupeau conduit par un seul berger :
Jean 10,16. Il n’est plus fait mention également
de tensions ou de divisions dues à des attitudes sectaires ou malveillantes
entre les brebis. La cohésion du troupeau est assurée par la soumission et l’écoute
de chacune à la voix du berger qui les conduit toutes vers de bons pâturages.
Que le jour vienne, ô Dieu, où tout Israël revienne à toi et reconnaisse en ton
Fils, le berger que tu lui donnes pour le conduire.
V 25 à 31 :
une alliance conclue
Outre le fait que le Seigneur se
propose lui-même dans l’avenir de mener et paître Israël, c’est par une alliance
unilatérale qu’il ratifie l’engagement qu’il prend à l’égard de son peuple.
Cette alliance lui garantit tout ce qu’Israël a perdu à cause de son péché et
qui lui était promis à l’entrée de Canaan : la paix, la sécurité et la
prospérité. Il n’y aura plus dans tout le pays aucun lieu, ni endroit hostile
pour les Israélites. Les brebis, on le sait, ne sont pas des animaux qui ont de
quoi se défendre. Seule dans le désert, perdue dans une forêt, une brebis ne
peut que finir dans la gueule d’un prédateur. Une telle situation ne pourra
plus dans l’avenir arriver pour personne en Israël. Le pays sera si sécurisé qu’aucune
nation étrangère ne se risquera à l’attaquer. L’alliance de paix et de
prospérité que Dieu contractera avec Israël ne touchera pas qu’à sa sécurité
intérieure. Elle s’étendra aux bienfaits que lui procurera en temps voulu la
nature. La pluie et le soleil, sous les coups de la colère de Dieu, peuvent se
changer en inondations ou sécheresses dévastatrices. De tels phénomènes,
visibles aujourd’hui sur toute la terre, n’auront plus lieu en Israël. Les pluies
tomberont avec mesure en temps voulu. La terre, les vergers, les jardins, sous
l’effet d’un climat propice, produiront fruits et légumes en abondance. Il n’y
aura personne dans le pays qui mourra de faim. Les Israélites dans leur
ensemble reconnaîtront alors que l’Eternel est leur Dieu et qu’il n’y a en a
point d’autre. Que ce jour vienne, ô Eternel, où tu feras comme jadis alliance
avec ton peuple sous la direction du fils de David, leur berger !
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