jeudi 26 novembre 2020

EZECHIEL 33

 

A.      Ezéchiel, la sentinelle de Dieu : v 1 à 20

 

V 1 à 6 : cas de figure

 Après la vision que reçut Ezéchiel de la gloire de Dieu (Ch 1), celui-ci lui assigna la mission qui serait la sienne auprès du peuple (Ch 2). Habité par l’Esprit, Ezéchiel avait la charge de délivrer au peuple de Dieu les messages qu’il recevait de la part de son Dieu. Qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, les gens de Juda sauraient qu’il y a parmi eux un prophète dépêché par Dieu pour les avertir : Ezéchiel 2,5. Jusqu’à ce chapitre, le livre d’Ezéchiel témoigne de la fidélité avec laquelle le prophète s’est acquitté de sa mission. Mises à part quelques rares touches, les messages du prophète sonnaient comme des avertissements sévères envers le peuple de Dieu. L’heure n’est plus à la repentance, mais à la préparation du jugement qui va s’abattre sur le reste qui subsiste encore en Juda.

 La partie que nous abordons du livre d’Ezéchiel est davantage porteuse d’espoir. Dieu, dit l’apôtre Paul, ne se repent pas de ses dons et de son appel : Romains 11,29. A cause du caractère irrévocable de celui-ci, il y a un espoir pour Israël. En introduction de cette nouvelle tranche du livre d’Ezéchiel, l’Eternel précise à nouveau quelle est la fonction première d’Ezéchiel. Il la présente sous la forme d’un cas de figure qui permet d’identifier avec précision la responsabilité qui repose sur chacun dans ce qui advient au peuple en entier. L’image utilisée est celle de la sentinelle.

 Le rôle que jouait une sentinelle en temps de guerre était connu de tous. La sentinelle était en quelque sorte la gardienne du salut de la communauté. Placée sur un point élevé, un rempart ou une tour de guet, elle avait comme office principal de prévenir des dangers qui guettaient la cité. La sentinelle devait avoir l’œil ouvert. Elle ne pouvait se permettre de sommeiller, d’être nonchalante, distraite ou de se donner à autre chose que ce pour quoi elle occupait son poste. Si importante que soit la fonction qu’occupait la sentinelle, sa responsabilité se limitait cependant au fait de prévenir ceux qui étaient sous sa protection des périls qui pointaient à l’horizon. Sa mission accomplie, la réaction de ceux qu’elle avait avertis n’était plus de son ressort. Si un citoyen, ayant entendu le son de la trompette émis par la sentinelle, ne le prenait pas au sérieux, celle-ci était dégagée de sa responsabilité. Si, à l’inverse, la sentinelle ne faisait pas son travail, le citoyen mourrait certes à cause de ses fautes (nous sommes toujours ici dans un contexte de jugement). Mais Dieu demanderait aussi compte à la sentinelle pour son manquement à son devoir et sa négligence.

V 7 à 9 : Ezéchiel sentinelle

Le rôle que joue une sentinelle dans la sauvegarde d’un peuple rappelé, Dieu réaffirme à Ezéchiel la vocation qui est la sienne :  cf Ezéchiel 3,16 à 21. Il est, par sa fonction de prophète, la sentinelle qu’il a donnée à Juda pour son bien. Désormais, tout le devenir du peuple est lié à l’attitude qu’il adoptera à l’égard des signaux et des avertissements émis par lui. La caractéristique première de la sentinelle qu’est Ezéchiel est de voir d’avance le danger qui, au loin, menace le peuple. En tant que sentinelle et prophète, Ezéchiel est un visionnaire. Alors que, dans la ville, chacun est occupé à ses propres affaires, le regard de la sentinelle se porte vers l’horizon. De toutes les directions que son point de vue élevé lui permet d’embrasser, elle est la première qui discerne de quel endroit surgit le péril qui menace la cité. La sentinelle n’est pas seulement la gardienne de la cité, mais encore de la vie de chacun à l’intérieur de ses murs. Ezéchiel est une sorte de voyant pour tous, mais aussi pour chaque personne. Les messages que Dieu lui ordonne d’adresser ne sont pas que généraux. Ils sont individualisés. Aussi Ezéchiel ne doit-il pas craindre la confrontation directe et personnelle avec des individus : elle fait partie de son mandat. Ezéchiel n’est pas seulement un censeur. Il doit se souvenir que le but premier de son action est le salut de ceux qu’il prévient, non leur jugement. Si le méchant averti se laisse convaincre et change de conduite, il vivra. S’il passe outre la parole qu’il reçoit, il mourra. La responsabilité d’Ezéchiel ne sera à charge contre lui que s’il n’a pas rempli avec fidélité sa fonction.

V 10 et 11 : les motivations divines

Alors que, jusque-là, les messages d’Ezéchiel témoignaient du caractère impénitent d’Israël, il apparaît ici que le ton change. C’est que le temps a passé. Les prophéties d’Ezéchiel se sont accomplies. La gloire de Dieu a quitté le temple établi à Jérusalem. La menace de la déportation à Babylone du reste qui était en Juda s’est réalisée. Le peuple a pris la mesure de l’exactitude des annonces d’Ezéchiel et de tous les prophètes qui l’ont précédé. Dans l’état dans lequel se trouvent les exilés, l’esprit frondeur a fait place à la résignation, voire au découragement. Dans l’humiliation, les yeux de chacun se sont ouverts. La communauté comprend à quel point son péché est grand, ses transgressions nombreuses. Elle désespère d’un avenir possible pour elle.

S’il ne lui a pas épargné le châtiment, le Seigneur tient à consoler son peuple. Tout ce qui est arrivé à Israël n’avait pas pour but de le détruire, mais de le conduire à la contrition à cause de ses fautes. Même si Israël peut être rangé dans la catégorie des méchants, il n’est pas dans le plaisir de Dieu de le voir mourir. Les pensées de Dieu pour son peuple sont des pensées de salut, d’espérance. Il suffit à Israël de changer de conduite, de renoncer aux pratiques qui ont provoqué le courroux de Dieu pour être au bénéfice de sa faveur. Après avoir été incrédule quant aux avertissements que Dieu lui a donnés pour qu’il échappe au jugement, il ne faudrait pas qu’Israël le soit maintenant quant aux promesses de sa grâce. Le projet de Dieu n’est pas la destruction de son peuple, mais sa restauration. C’est là la tonalité qu’Ezéchiel va donner à ses prophéties à partir d’ici et jusqu’à la fin de son livre.

V 12 à 16 : cas de jurisprudence

Le rôle d’Ezéchiel, en tant que sentinelle de Dieu auprès de son peuple, est d’avertir le méchant du jugement qui l’attend suite à ses actions mauvaises, afin de l’inciter à y renoncer et à faire le bien. Comme il vient de le préciser, Dieu ne prend pas plaisir à la mort du méchant. Ce qu’il souhaite au plus profond de lui, c’est son salut. L’intention de Dieu précisée, il reste à définir les principes qui guident ses sentences dans l’application de sa justice envers chacun. C’est ce qu’Ezéchiel énonce ici au travers de divers cas qui fondent la jurisprudence divine.

Sur quelle base Dieu déclare-t-il qu’une personne est juste ? La réponse est, dans tous les cas évoqués, la même. Le juste n’est pas celui qui, un certain temps, à mené une vie bonne, conforme aux exigences de la loi. Le juste est celui qui a persévéré jusqu’à la fin dans cette disposition. Si un juste venait à commettre le mal après avoir pratiqué le droit et la justice, ce qu’il a été dans le passé ne peut couvrir le mal qui a suivi. Le statut de juste requiert de celui à qui il est attribué une constance dans la pratique du bien. Il en est du juste comme de celui qui, sur le plan légal, paie un loyer au propriétaire de son appartement. Tous les mois où il a été fidèle dans ses règlements ne peuvent justifier ou compenser ceux où, soudain, il ne s’est plus acquitté de ce qu’il devait. Si le juste est celui qui persévère dans une conduite que Dieu approuve, qu’en est-il du méchant ? Peut-il un jour être reconnu comme juste ? Oui, répond Ezéchiel ! Si, après avoir commis le mal, le méchant renonce à sa mauvaise conduite, s’il se met à faire le bien, il ne sera pas sanctionné pour son passé mauvais. Son changement d’attitude et de comportement lui vaudra le pardon de Dieu et la grâce d’être déclaré juste.

Au regard de la jurisprudence énoncée ici, on peut conclure qu’il existe deux dangers différents auxquels sont exposés le juste et le méchant. Le danger du juste est de se croire tellement en sécurité à cause de sa justice qu’il en vient à baisser sa garde. Sûr de lui, le juste se relâche. Il commence à entrer dans des compromis et, de glissades en glissades, il en vient à commettre ouvertement le mal. Arrivé à ce stade, le juste a perdu son statut. Si exemplaire a-t-il été dans le passé, tout ce qui a fait sa réputation de juste est annulé. Le danger du méchant est autre. Celui-ci peut se penser si irrécupérable qu’il ne se donne pas la peine de s’amender. Le méchant a besoin d’entendre que Dieu est prêt à lui pardonner ses méfaits s’il prend la décision de renoncer à ses injustices. Dieu attend du juste qu’il reste ferme et vigilant sur sa conduite. Il attend du méchant qu’il se détourne du mal et s’en repente.

La jurisprudence énoncée ici a-t-elle cours dans la Nouvelle Alliance. La Nouvelle Alliance est fondée sur le postulat qu’il n’y a pas de juste devant Dieu : Romains 3,10. Tous donc doivent se repentir pour être justifié par Christ. Justifiés, les croyants en Christ sont appelés à une vie juste et sainte. La grâce dont ils sont l’objet n’a pas pour unique but d’effacer leurs transgressions. Elle les enseigne à renoncer à un mode de vie impie, aux convoitises du monde et à vivre dans le temps présent conformément à la sagesse, la justice et la piété : Tite 2,12. Le croyant véritable, né de nouveau en Jésus-Christ, ne perd pas son salut et sa justice en péchant. Mais il doit savoir que la désobéissance l’expose au châtiment de Dieu qui, dans des cas extrêmes, peut aller jusqu’à la mort : Hébreux 12,4 à 11 ; 1 Corinthiens 11,30 ; Actes 5,1 à 11. Le bien ou le mal que l’on fait, en tant qu’enfant de Dieu, n’est pas sans incidence sur notre parcours. Dieu peut rétablir dans sa communion tout croyant qui pèche, s’il se repent. Mais l’Ecriture nous avertit de ne pas abuser de cette doctrine. Dieu reste pour nous un Dieu trois fois saint qui, s’il est notre Père plein de miséricorde, mérite notre plus grand respect et notre plus grande dévotion. Servons-le donc avec reconnaissance et dans la crainte de ce qu’il est !

V 17 à 20 : désaccord

Ezéchiel ayant exposé les principes qui guident les arrêts que Dieu prend dans sa justice au sujet de la conduite de chacun, des membres du peuple de Dieu lui firent part de leur mécontentement. Sans doute approuvait-il l’idée que le juste soit récompensé pour sa droiture et le bien qu’il fait. Mais que toute sa justice soie effacée pour une faute commise plus tard, ou que le méchant soit gracié de ses forfaits à cause d’une repentance tardive, ne passait pas. Les contestataires auraient préféré que Dieu pèse la conduite de chacun en fonction de la somme de bonnes choses et de mauvaises qu’il a faites. Selon le cas, aurait été déclaré juste celui qui démontrait dans sa vie que le bien qu’il avait fait surpassait le mal, et méchant l’inverse. Le temps dans lequel parle Ezéchiel ne connait pas encore dans sa plénitude le principe selon lequel la justification s’opère sur la base de la grâce. Mais il l’amorce et, déjà, la réaction des contemporains du prophète démontre le scandale qu’il représente pour ceux qui, s’appuyant sur leur propre justice, espèrent être agréés de Dieu. Pour autant, le Seigneur ne va pas, dans sa façon d’agir, contre ce sens commun de la justice. Oui, il tient compte de la conduite de chacun. Mais il ne le fait pas de manière comptable. Ce qui prévaut dans son jugement est la disposition de cœur dont font preuve les prévenus qui sont à la barre de son tribunal. Il n’est pas de la justice de Dieu de déclarer juste quelqu’un qui, ayant abandonné le chemin de la droiture, se rend soudainement coupable de malversations et de malhonnêteté. De même, il n’est pas équitable de traiter le méchant comme s’il l’était encore, alors qu’il a visiblement changé d’attitude et de comportement. La grâce de Dieu prévaut sur le nombre de forfaits commis lorsque, dans le cœur, elle rencontre une vraie repentance. La justice de Dieu ne peut être imputée à celui qui, ayant commencé à faire le bien, finit par s’en détourner. Dieu ne regarde pas à nos mérites ou nos démérites, mais aux dispositions qui se forment dans nos cœurs. En matière de jugement, il nous faut nous souvenir que ce n’est pas notre conception de la justice qui compte, mais celle de Dieu.

V 21 à 23 : annonce de la chute de Jérusalem

C’est la 5ème année de l’exil des captifs à Babylone qu’Ezéchiel reçut l’appel de Dieu d’être son prophète : Ezéchiel 1,2. En tant que tel, nous avons vu qu’Ezéchiel ne s’appartenait plus. Le prophète ne serait plus libre de ses mouvements. Esclave de Dieu, il ne devait parler que lorsque Dieu lui en donnait la capacité. Le reste du temps, Ezéchiel était muré dans le silence : Ezéchiel 3,26. Toute la prophétie d’Ezéchiel à destination de son peuple avait pour objet la chute et la fin de Jérusalem. Réduit à la seule existence de sa capitale, le royaume de Juda ne tenait qu’à un fil. La portion congrue d’Israël ne subsisterait que dans la mesure où le roi établi par le conquérant babylonien lui prêtait allégeance. Ce ne fut pas le cas. Cherchant secours auprès de l’Egypte, il travaillera à briser en vain le joug que l’Eternel a posé sur lui. Ce qui devait arriver arriva. Sept ans après qu’Ezéchiel reçut l’appel de Dieu, soit la 12ème année de l’exil, un rescapé enfui de Jérusalem annonça aux exilés que la ville était tombée. Comme l’avaient annoncé les prophètes, entre autres Jérémie et Ezéchiel, c’en était fini d’Israël.

La cible première de la prophétie d’Ezéchiel visant son peuple, la fin de Jérusalem ne justifiait plus qu’il reste dans le mutisme. Imposé par Dieu, celui-ci n’avait qu’un but : que les Israélites connaissent par ce signe qu’un prophète était au milieux d’eux : Ezéchiel 2,5. Israël n’existant plus en tant que nation, le ministère d’Ezéchiel pouvait s’orienter exclusivement vers les exilés. Il ne s’agit plus de prévenir le peuple de Dieu du danger de disparition qui le guette à cause de ses désobéissances, mais d’orienter ses regards vers son futur. C’est le sens de toute la section du livre du prophète dont ce chapitre fait partie. La fin de la capitale juive met fin aux contraintes que Dieu imposa à son serviteur pour le temps où le cœur de son message la concernait. La prophétie accomplie, une nouvelle étape débute pour Ezéchiel pour laquelle les anciennes mesures ne s’imposent plus.

Même si le serviteur de Dieu reste toute sa vie le doulos de Dieu, il ne vit pas toujours dans les mêmes conditions. Son sort est ajusté au service qui lui est demandé. Il est du plus haut point que chacun comprenne au cours du temps ce à quoi Dieu l’appelle. Le ministère n’est pas statique. Il évolue avec les nouvelles donnes que Dieu nous impose. Nous ne faisons pas à trente ans ce que nous ferons à cinquante, et au jour de la retraite ce que nous faisions avant. Comme les autres hommes, nous sommes aussi soumis aux bouleversements politiques et sociétaux du temps dans lequel nous vivons. L’irruption d’une guerre, d’une pandémie ou d’un régime autoritaire nous oblige à nous adapter. Le témoignage d’Ezéchiel nous rappelle que, si nous pouvons être surpris par les changements soudains qui se produisent dans notre environnement, Dieu ne l’est pas. Il saura en temps voulu nous équiper et nous faire entrer dans ce qu’il a prévu pour nous dans cette circonstance nouvelle.

V 24 à 29 : cause de la chute de Jérusalem

Tout a commencé pour Israël avec Abraham, ai-je dit en introduction de ce livre. Des siècles plus tard, Abraham, le père de la nation, reste la figure de référence des Israélites. N’est-il pas celui qui, dès l’origine, a reçu les promesses par lesquelles Israël est devenu le peuple élu de Dieu ? La terre qu’il occupe ne lui a-t-elle pas été donnée en héritage ? « Si Abraham, lorsqu’il était seul, a reçu le pays de la main de Dieu, à plus forte raison celui-ci nous appartient-il, nous, sa descendance nombreuse, pensent les Israélites qui errent dans les ruines du pays. » Dans l’ordre logique des choses, oui, il devrait en être ainsi. Encore faudrait-il, comme le dira Paul plus tard, que ceux qui se réclament d’Abraham marchent sur ses traces : cf Romains 4,12. Ceux-là sont les vrais fils d’Abraham, les Juifs qui méritent de porter ce nom. Mais ici, de loin, ce n’est pas le cas !

L’apôtre Paul et Ezéchiel n’ont pas vécu ensemble. Ils ne se sont pas parlé. Mais tous les deux sont sur la même ligne de pensée quant à la définition de ce qu’est un vrai fils d’Abraham. Le portrait que dresse Paul de l’hypocrisie des Juifs de son temps est, pour ainsi dire, le copier/coller de ce que dit Ezéchiel ici. « Vous vous dites les héritiers d’Abraham, dit le prophète aux Israélites errant dans les ruines dévastées de leur ville. Tout votre comportement témoigne que vous ne l’imitez en rien. L’une après l’autre, les prescriptions de la loi sont bafouées. Vous mangez le sang, vous commettez l’adultère, vous adorez des idoles, vous commettez des crimes… et vous posséderiez le pays ? Ce à quoi vous devez vous attendre est d’être consumé par la colère de Dieu. Ce n’est pas le relèvement qui est devant vous, mais la mort par l’épée, la peste et les bêtes sauvages. » « Toi qui de dis Juif, dira Paul, tu enseignes les autres, et tu ne t’enseignes pas toi-même ! Toi qui prêches de ne pas voler, tu voles ! Toi qui dis de ne pas commettre adultère, tu commets l’adultère ! Toi qui as les idoles en horreur, tu pilles les temples ! Toi qui places ta fierté dans la loi, tu déshonores Dieu en la transgressant ! : Romains 2,21 à 23. » Les deux hommes se rejoignent sur une vérité fondamentale de la foi : on ne peut revendiquer devant Dieu quoi que ce soit comme titre ou statut que dans la mesure où celui-ci correspond à la réalité de notre vécu.

L’hypocrisie que dénoncent Paul et Ezéchiel à propos des Juifs concerne aussi aux chrétiens, héritiers d’Abraham dans la foi. Non ! Il ne suffit pas de se déclarer tel pour prétendre jouir de la bénédiction divine attachée à ce titre. Encore faut-il prouver par sa vie l’évidence de ce statut. Dans l’absolu, dira Paul, seul le Seigneur connait ceux qui lui appartiennent. Mais quiconque prononce le Seigneur, qu’il s’éloigne de l’iniquité : 2 Timothée 2,19. En effet, dira Jésus aux Juifs de son temps, ceux qui me disent : « Seigneur, Seigneur ! » n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste : Matthieu 7,21. » L’hypocrite peut se tromper lui-même et les autres. Mais il ne trompera jamais Dieu !

V 30 à 33 : Ezéchiel chanteur

Quel prédicateur, appelé par Dieu et habité par sa parole, ne se réjouirait pas de voir les foules venir à lui pour entendre ses messages ? N’est-ce pas là le désir de chacun qui est serviteur de Dieu, le sujet de sa prière ? Ezéchiel, en apparence, fait partie de ses privilégiés. Reconnu comme prophète, il voit se déplacer de nombreux Israélites désireux d’écouter ce qu’il à dire. Assis religieusement à ses pieds, ils hochent avec satisfaction de la tête et témoignent de leur enthousiasme à l’ouïe de ses propos. Ils aiment le ton de sa voix, la justesse de ses mots, la précision de ses oracles. A la vue de ce spectacle, Ezéchiel aurait toutes les raisons d’être ravi. S’il devait rendre compte à d’autres du fruit de son travail, il ne pourrait que rendre grâces à Dieu. La parole est prêchée ! Des foules réceptives viennent l’écouter. Après qu’il a parlé, elles en redemandent. Que désirer de plus ?

Si Ezéchiel peut être trompé par ces signes visibles de ferveur parmi ses auditeurs, Dieu ne l’est pas. Au-delà du visible, Dieu voit l’invisible. Les expressions extérieures de l’engouement que suscitent un message ou un prédicateur ne lui suffisent pas. Elles peuvent, certes, être la manifestation d’une profonde adhésion du cœur à la parole prêchée. Mais elles ne peuvent être aussi que le fruit de l’excitation que provoque un spectacle qui charme les yeux ou les oreilles. Chacun d’entre nous le sait. Il nous est facile d’être remué par des choses de rien. Un film sentimental peut nous arracher des larmes, comme l’écoute d’une belle musique. Bien qu’inspiré et fidèle à la parole, Ezéchiel n’est pas pris au sérieux par ses auditeurs comme il le devrait. Ils se rendent certes nombreux auprès de lui. Mais, dit l’Eternel, son public ne diffère pas de celui qu’attire un auteur-compositeur doué pour le chant. Les Israélites ne viennent voir et écouter Ezéchiel que pour le spectacle et les sensations qu’il leur procure. Mais au fond d’eux-mêmes, ils n’ont nulle envie de mettre en pratique ce que ses messages ordonnent. Preuve en est par le fait qu’ils ne se détournent pas de leurs pratiques malhonnêtes.

Qu’êtes-vous allés voir au désert ? a demandé à trois reprises Jésus à ceux qui s’étaient rendus auprès de Jean-Baptiste : Matthieu 11,7 à 9. Cette question devrait se poser à chacun de nous qui se rend à un lieu de culte. A l’heure où le service dominical rendu à Dieu et la prédication de la parole se muent en shows en bien des endroits, les serviteurs de Dieu qui optent pour ce style devraient aussi s’interroger. Si, au temps d’Ezéchiel, alors qu’il n’y avait ni micro, ni spots, ni instruments de musique, ni power-point, ni mise en scène impressionnante, le risque était là que l’on vienne écouter un prophète pour le plaisir des sens, qu’en est-il aujourd’hui ? Ne devrions-nous pas, à l’heure où le sensationnel prévaut partout, davantage opter pour la sobriété et la simplicité ? Certes, le problème des motivations qui étaient dans les cœurs ne relevait pas d’Ezéchiel. Lui ne faisait que son travail avec fidélité devant Dieu et les hommes. Nous nous devons cependant de tout faire pour ne pas encourager ce qui favorise l’exaltation des sentiments par les sens. Le but de notre service ne sera jamais d’offrir un spectacle, comme si ceux qui viennent nous écouter doivent en avoir pour leur argent. Il nous faut veiller à sonder régulièrement les motivations des cœurs. Car, comme le dit Jésus, au final, heureux sont ceux qui, non seulement écoutent la parole de Dieu, mais qui la gardent : Luc 11,28.

 

 

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