V 1 à 16 :
complainte sur l’Egypte
Après celle sur Juda : Ezéchiel 19, et sur Tyr : Ezéchiel 27, c’est la 3ème complainte qu’Ezéchiel
entonne dans son livre. Elle touche cette fois-ci l’Egypte. Les complaintes
d’Ezéchiel ont toutes le même but. Après avoir établi les actes d’accusation
qui légitiment le jugement à venir de Dieu sur les entités qui en sont l’objet,
la complainte résume de manière poétique et imagée la vision qu’a Dieu de leurs
parcours et les effets que leur ruine produit sur leur entourage. Il n’y a rien
qui n’ait déjà été dit par les paroles prophétiques qu’a délivré Ezéchiel dans
le contenu de sa complainte sur l’Egypte. La complainte souligne d’abord
l’impression de puissance que donnait le pays des Pharaons sur les autres
peuples. L’Egypte est comparée à une lionne, symbole de royauté et de noblesse,
ou à un crocodile, animal réputé terrifiant. L’idée principale évoquée ici est
que, parmi tous les royaumes qui composaient les empires, l’Egypte paraissait
l’un de ceux contre lesquels il valait mieux réfléchir à deux fois avant de l’attaquer.
Peu d’animaux dans la savane ont une envergure suffisante pour oser défier le
lion et, dans les fleuves, le crocodile. Pourtant, au jour où Dieu jugera
l’Egypte, elle ne pourra rien contre les peuples violents qu’il va dépêcher
contre elles pour la détruire. L’Egypte ne sera plus l’Egypte. Délogée de sa
place, sa foule bruyante et ses richesses seront dispersées parmi les nations
et feront le bonheur de celles-ci. Les oiseaux du ciel et les bêtes de la terre
s’abattront sur le cadavre de l’Egypte et se repaîtront de ses chairs. Jour de
joie pour certains, le jour de la ruine de l’Egypte sera pour d’autres synonyme
de deuil et de terreur. Car, si l’Egypte n’a pu tenir face à Nebucadnetsar,
comment eux le pourraient-ils ?
La complainte d’Ezéchiel n’est
pas vraiment de lui. Elle est, selon son propre commentaire, la reprise du
chant entonné par les filles des nations à la chute de l’Egypte : v 16. Elle témoigne du ressenti de celles-ci à cette
nouvelle stupéfiante. Tant que l’équilibre des forces prévaut, la paix et la
sécurité de chacun est à peu près assurée. Mais que se produit-il le jour où
une puissance nouvelle et agressive entreprend de bousculer le fragile
équilibre des nations ? Tout est alors chamboulé. La tranquillité
apparente disparaît pour faire place à la crainte. Les médias du monde
s’affolent et l’angoisse monte parmi les nations. Le scénario décrit ici par
Ezéchiel se répète. Le croyant sait cependant que le bouleversement des peuples
n’est pas le produit du hasard. Il est l’œuvre de la main de Dieu qui, en son
temps, ébranle tout ce qui peut l’être pour que seul subsiste
l’inébranlable : Hébreux 12,27. Dans
l’ordre final des choses, le chaos précède l’ordre, l’effondrement et le
jugement des empires humains, l’établissement du royaume éternel de Dieu. Que
notre cœur ne soit pas, comme celui des autres, inquiets à l’écoute des
nouvelles qui nous parviennent du monde. Il existe un trône de gloire éminent
depuis le début : c’est là que se trouve notre sanctuaire : Jérémie 17,12.
V 17 à 32 :
L’Egypte comme les autres
La complainte qu’entonne Ezéchiel
sur l’Egypte n’est pas un chant de réjouissance. C’est une plainte, une
lamentation. La ruine, la destruction d’un peuple n’est jamais une bonne
nouvelle. C’est la fin d’une nation qui a eu ses heures de gloire, mais qui,
par ses péchés, a amené la colère de Dieu sur elle. Un temps portée aux nues,
l’Egypte brisée rejoint les empires qui, avant elle, se sont endormis dans les
profondeurs de la terre. Comme eux, elle s’est crue forte, invincible,
éternelle. Elle est accueillie dans le séjour des morts par tous ceux qui, déjà
là, sont revenus de cette illusion. Lieu d’attente des trépassés, le séjour des
morts est un lieu de nivellement. Plus personne ici ne peut se vanter d’être
grand ou plus grand que les autres. Tous sont réduits à néant. La gloire
passée, l’effroi que l’un ou l’autre a pu inspirer, n’existent plus. Ensemble,
côte à côte, les guerriers des empires gisent les uns à côté des autres,
célébrant par leur mort la gloire de celui qui les a tués… avant que celui-ci
les rejoigne à son tour. Aujourd’hui, c’est le tour de l’Egypte.
Il se trouve que, depuis la
fenêtre de mon bureau, j’ai une vue imprenable sur le cimetière de ma localité.
Aux côtés de tombes ordinaires, se trouvent dressés de magnifiques monuments
funéraires ressemblant, avec leurs colonnes de marbre ou de granit, à de petits
temples, témoins de la richesse et de la gloire passées de leurs occupants. Ces
magnifiques tombeaux se distinguent des autres par leurs ors et leur
décoration. Malgré leur aspect impressionnant, ils ne sont pourtant rien de
plus que les autres. Ils rappellent à chacun que, face à la mort, les grands de
ce monde n’ont pas plus de pouvoir que les autres. La visite que fait Ezéchiel
à l’Egypte du cimetière des empires est semblable à celle que ferait faire un
guide du cimetière de ma ville à un moribond. La tournée des tombes est
porteuse d’un message implacable. Peu importe ce que l’un ou l’autre fut hier.
La réalité qui s’impose aujourd’hui est que chacun en est réduit au même état.
Il n’est plus que souvenir et poussière. Laissons-nous guider par
Ezéchiel dans la visite du cimetière des empires. Rendons-nous avec
l’Egypte aux différentes tombes qui s’y trouvent ! Dans l’ordre, nous y
rencontrons :
a.
L’Assyrie
Ce n’est pas la première fois
qu’Ezéchiel évoque la gloire passée de ce peuple. Tout le chapitre précédent
lui est consacré. L’Assyrie occupe à elle seule une grande place dans le
cimetière des empires. Aux côtés de la tombe de son souverain, sont disposés
les multiples sépulcres de ses valeureux guerriers. A la simple évocation de
leurs noms (Sanchérib, Assurbanipal Esar-Haddon…), les peuples tremblaient.
Mais aujourd’hui, l’Assyrie n’est plus rien. Le gourdin de Dieu est brisé à
jamais : Esaïe 10, 5 à 27. Après avoir été
l’instrument de la colère de Dieu, le peuple assyrien, incirconcis de cœur, l’a
subie à son tour.
b.
Elam (la Perse)
C’est le chapitre 49 du livre de
Jérémie qui parle le mieux du jugement qui frappera Elam. Comme les Hébreux,
Elam est un peuple issu de Sem, le fils de Noé : Genèse
10,22. Associés aux Mèdes, les Elamites formeront ensemble l’empire
perse : Esaïe 21,2, qui aura à sa tête
plusieurs rois jouant un rôle important dans la destinée d’Israël au temps de
l’exil : Cyrus, Darius, Assuérus… Esther, jeune réfugiée juive, deviendra,
par le choix de Dieu, reine de Perse. Elle sauvera en son temps son peuple d’un
génocide fomenté par Haman, favori du roi et descendant d’Agag. Dans sa
prophétie, Jérémie annonce la ruine d’Elam et sa dispersion parmi tous les
peuples : Jérémie 49,36. Elam cependant
n’est pas voué à la disparition définitive. Après son exil, l’Eternel promet de
faire revenir les déportés d’Elam dans leur pays pour former à nouveau une
nation. Cette nation est l’Iran actuel, puissance incontournable de l’Orient.
Comme il en est de la prophétie
de Jérémie, celle d’Ezéchiel est une vision de l’avenir. Au temps où elle est
écrite, ce sont les Babyloniens qui sont la puissance majeure qui domine le
monde. L’empire perse se formera après lui. Comme les autres prophètes,
Ezéchiel ne parle pas de réalités qui touchent à son temps seulement. Il est un
visionnaire doté d’un regard qui embrasse l’histoire. Les tombes des peuples
dont il parle après Elam témoignent davantage encore de cette connaissance anticipée
de l’histoire qu’a Ezéchiel.
c.
Méshec et Tubal
Dès la genèse, Méshec et Tubal apparaissent
comme des entités apparentées à un groupe de personnes qui deviendront pères de
nations proches l’une de l’autre. Méshec et Tubal sont des fils de Japhet, avec
Javan (père de la Grèce), et Magog dont Ezéchiel va largement parler un peu
plus loin : Ezéchiel 38 et 39. Au temps de
la splendeur de Tyr, Ezéchiel cite Javan, Méshec et Tubal parmi les nations
majeures qui commerçaient avec elle : Ezéchiel
27,13. C’est dire que ces peuples, sans être des empires au même titre
que l’Assyrie ou la Perse, étaient à l’époque où Ezéchiel écrit, des puissances
connues et réputées. Nous ne savons pas si la ruine qui a entraîné leur ensevelissement
aux côtés des autres puissances dans le cimetière des empires est due aux
conquêtes babyloniennes. Ce qui est certain est que, dans l’avenir, elles partageront
le sort de Gog, le dernier ennemi d’Israël, identifié comme leur prince : Ezéchiel 38,2.
La raison de la présence de tous
ces peuples dans le cimetière des empires est toujours la même, à quelque
nuance près. Ces puissances ont toutes marquées l’histoire par la terreur qu’elles
inspiraient. Le souvenir qu’elles ont laissé ne s’est pas effacé avec leur
mort. Leurs crimes les suivent dans leur tombe et, qui se souvient d’elles, n’a
qu’une envie : les maudire. Ils sont pour ceux qui ont souffert de leur
cruauté ce que les noms de Hitler ou de Staline, les grands tyrans du siècle
passé, évoquent pour nous aujourd’hui. Leur tombeau n’est pas un mémorial à
leur gloire, mais le témoignage de la justice de Dieu et de sa puissance. Ezéchiel
conduit ainsi l’Egypte de tombeau en tombeau pour qu’elle ouvre les yeux sur le
sort auquel elle n’échappera pas. Il lui reste quelques tombes à visiter avant
de se retrouver dans l’emplacement qui lui a été réservé.
d.
Edom
Le sort d’Edom a déjà été succinctement
traité par Ezéchiel : Ezéchiel 25,12 à 14. Frère
de sang d’Israël, Edom a été jugé par l’Eternel pour l’attitude dont il a fait
preuve à son égard au jour où Dieu l’a châtié. Edom (qui est Esaü) n’a aucune
pitié de son frère. Au contraire ! Profitant de la situation de faiblesse
dans laquelle il se trouvait, Edom s’est joint à ses adversaires pour assouvir
sa haine et sa vengeance contre lui. Il dort aujourd’hui à côté des empires
disparus dans leur nécropole.
e.
Les autres souverains
« Etc… » écrivons-nous
lorsqu’il s’agit d’abréger une liste répétitive de choses qui sont identiques.
C’est ce que fait ici Ezéchiel. Il pourrait avec l’Egypte s’arrêter à chaque
tombe qui se trouve dans le lieu qu’il visite. Les souverains de toutes les
parties du monde y sont présents : les Sidoniens, les rois du Nord. Chacun
d’eux, après avoir été, n’est plus. Réduits à rien, ils n’inspirent plus ni
crainte, ni frayeur. Si elle doit en tirer instruction, l’Egypte peut aussi se
consoler de cette visite funèbre. Elle n’est pas un cas unique. Son sort futur
est celui qui attend toute puissance au jour où le jugement de Dieu la visite.
Les cimetières ne sont pas seulement le lieu où reposent les morts. Ils sont
les porteurs d’un message qui s’adresse aux vivants. Ils les avertissent de ce
qui les attend sous peu et les invitent à se détourner de leurs crimes. Le
rendez-vous ultime de chaque être, de chaque nation, est fixé à la barre du
tribunal du Tout-Puissant. Chacun est appelé à s’y préparer dès aujourd’hui !
Que notre nom gravé sur la stèle de notre tombe évoque aux passants le souvenir
de notre réconciliation avec Dieu !
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