vendredi 13 novembre 2020

EZECHIEL 32

 

V 1 à 16 : complainte sur l’Egypte

Après celle sur Juda : Ezéchiel 19, et sur Tyr : Ezéchiel 27, c’est la 3ème complainte qu’Ezéchiel entonne dans son livre. Elle touche cette fois-ci l’Egypte. Les complaintes d’Ezéchiel ont toutes le même but. Après avoir établi les actes d’accusation qui légitiment le jugement à venir de Dieu sur les entités qui en sont l’objet, la complainte résume de manière poétique et imagée la vision qu’a Dieu de leurs parcours et les effets que leur ruine produit sur leur entourage. Il n’y a rien qui n’ait déjà été dit par les paroles prophétiques qu’a délivré Ezéchiel dans le contenu de sa complainte sur l’Egypte. La complainte souligne d’abord l’impression de puissance que donnait le pays des Pharaons sur les autres peuples. L’Egypte est comparée à une lionne, symbole de royauté et de noblesse, ou à un crocodile, animal réputé terrifiant. L’idée principale évoquée ici est que, parmi tous les royaumes qui composaient les empires, l’Egypte paraissait l’un de ceux contre lesquels il valait mieux réfléchir à deux fois avant de l’attaquer. Peu d’animaux dans la savane ont une envergure suffisante pour oser défier le lion et, dans les fleuves, le crocodile. Pourtant, au jour où Dieu jugera l’Egypte, elle ne pourra rien contre les peuples violents qu’il va dépêcher contre elles pour la détruire. L’Egypte ne sera plus l’Egypte. Délogée de sa place, sa foule bruyante et ses richesses seront dispersées parmi les nations et feront le bonheur de celles-ci. Les oiseaux du ciel et les bêtes de la terre s’abattront sur le cadavre de l’Egypte et se repaîtront de ses chairs. Jour de joie pour certains, le jour de la ruine de l’Egypte sera pour d’autres synonyme de deuil et de terreur. Car, si l’Egypte n’a pu tenir face à Nebucadnetsar, comment eux le pourraient-ils ?

La complainte d’Ezéchiel n’est pas vraiment de lui. Elle est, selon son propre commentaire, la reprise du chant entonné par les filles des nations à la chute de l’Egypte : v 16. Elle témoigne du ressenti de celles-ci à cette nouvelle stupéfiante. Tant que l’équilibre des forces prévaut, la paix et la sécurité de chacun est à peu près assurée. Mais que se produit-il le jour où une puissance nouvelle et agressive entreprend de bousculer le fragile équilibre des nations ? Tout est alors chamboulé. La tranquillité apparente disparaît pour faire place à la crainte. Les médias du monde s’affolent et l’angoisse monte parmi les nations. Le scénario décrit ici par Ezéchiel se répète. Le croyant sait cependant que le bouleversement des peuples n’est pas le produit du hasard. Il est l’œuvre de la main de Dieu qui, en son temps, ébranle tout ce qui peut l’être pour que seul subsiste l’inébranlable : Hébreux 12,27. Dans l’ordre final des choses, le chaos précède l’ordre, l’effondrement et le jugement des empires humains, l’établissement du royaume éternel de Dieu. Que notre cœur ne soit pas, comme celui des autres, inquiets à l’écoute des nouvelles qui nous parviennent du monde. Il existe un trône de gloire éminent depuis le début : c’est là que se trouve notre sanctuaire : Jérémie 17,12.

V 17 à 32 : L’Egypte comme les autres

La complainte qu’entonne Ezéchiel sur l’Egypte n’est pas un chant de réjouissance. C’est une plainte, une lamentation. La ruine, la destruction d’un peuple n’est jamais une bonne nouvelle. C’est la fin d’une nation qui a eu ses heures de gloire, mais qui, par ses péchés, a amené la colère de Dieu sur elle. Un temps portée aux nues, l’Egypte brisée rejoint les empires qui, avant elle, se sont endormis dans les profondeurs de la terre. Comme eux, elle s’est crue forte, invincible, éternelle. Elle est accueillie dans le séjour des morts par tous ceux qui, déjà là, sont revenus de cette illusion. Lieu d’attente des trépassés, le séjour des morts est un lieu de nivellement. Plus personne ici ne peut se vanter d’être grand ou plus grand que les autres. Tous sont réduits à néant. La gloire passée, l’effroi que l’un ou l’autre a pu inspirer, n’existent plus. Ensemble, côte à côte, les guerriers des empires gisent les uns à côté des autres, célébrant par leur mort la gloire de celui qui les a tués… avant que celui-ci les rejoigne à son tour. Aujourd’hui, c’est le tour de l’Egypte.

Il se trouve que, depuis la fenêtre de mon bureau, j’ai une vue imprenable sur le cimetière de ma localité. Aux côtés de tombes ordinaires, se trouvent dressés de magnifiques monuments funéraires ressemblant, avec leurs colonnes de marbre ou de granit, à de petits temples, témoins de la richesse et de la gloire passées de leurs occupants. Ces magnifiques tombeaux se distinguent des autres par leurs ors et leur décoration. Malgré leur aspect impressionnant, ils ne sont pourtant rien de plus que les autres. Ils rappellent à chacun que, face à la mort, les grands de ce monde n’ont pas plus de pouvoir que les autres. La visite que fait Ezéchiel à l’Egypte du cimetière des empires est semblable à celle que ferait faire un guide du cimetière de ma ville à un moribond. La tournée des tombes est porteuse d’un message implacable. Peu importe ce que l’un ou l’autre fut hier. La réalité qui s’impose aujourd’hui est que chacun en est réduit au même état. Il n’est plus que souvenir et poussière. Laissons-nous guider par Ezéchiel dans la visite du cimetière des empires. Rendons-nous avec l’Egypte aux différentes tombes qui s’y trouvent ! Dans l’ordre, nous y rencontrons :

a.       L’Assyrie

Ce n’est pas la première fois qu’Ezéchiel évoque la gloire passée de ce peuple. Tout le chapitre précédent lui est consacré. L’Assyrie occupe à elle seule une grande place dans le cimetière des empires. Aux côtés de la tombe de son souverain, sont disposés les multiples sépulcres de ses valeureux guerriers. A la simple évocation de leurs noms (Sanchérib, Assurbanipal Esar-Haddon…), les peuples tremblaient. Mais aujourd’hui, l’Assyrie n’est plus rien. Le gourdin de Dieu est brisé à jamais : Esaïe 10, 5 à 27. Après avoir été l’instrument de la colère de Dieu, le peuple assyrien, incirconcis de cœur, l’a subie à son tour.

b.       Elam (la Perse)

C’est le chapitre 49 du livre de Jérémie qui parle le mieux du jugement qui frappera Elam. Comme les Hébreux, Elam est un peuple issu de Sem, le fils de Noé : Genèse 10,22. Associés aux Mèdes, les Elamites formeront ensemble l’empire perse : Esaïe 21,2, qui aura à sa tête plusieurs rois jouant un rôle important dans la destinée d’Israël au temps de l’exil : Cyrus, Darius, Assuérus… Esther, jeune réfugiée juive, deviendra, par le choix de Dieu, reine de Perse. Elle sauvera en son temps son peuple d’un génocide fomenté par Haman, favori du roi et descendant d’Agag. Dans sa prophétie, Jérémie annonce la ruine d’Elam et sa dispersion parmi tous les peuples : Jérémie 49,36. Elam cependant n’est pas voué à la disparition définitive. Après son exil, l’Eternel promet de faire revenir les déportés d’Elam dans leur pays pour former à nouveau une nation. Cette nation est l’Iran actuel, puissance incontournable de l’Orient.

Comme il en est de la prophétie de Jérémie, celle d’Ezéchiel est une vision de l’avenir. Au temps où elle est écrite, ce sont les Babyloniens qui sont la puissance majeure qui domine le monde. L’empire perse se formera après lui. Comme les autres prophètes, Ezéchiel ne parle pas de réalités qui touchent à son temps seulement. Il est un visionnaire doté d’un regard qui embrasse l’histoire. Les tombes des peuples dont il parle après Elam témoignent davantage encore de cette connaissance anticipée de l’histoire qu’a Ezéchiel.

c.       Méshec et Tubal

Dès la genèse, Méshec et Tubal apparaissent comme des entités apparentées à un groupe de personnes qui deviendront pères de nations proches l’une de l’autre. Méshec et Tubal sont des fils de Japhet, avec Javan (père de la Grèce), et Magog dont Ezéchiel va largement parler un peu plus loin : Ezéchiel 38 et 39. Au temps de la splendeur de Tyr, Ezéchiel cite Javan, Méshec et Tubal parmi les nations majeures qui commerçaient avec elle : Ezéchiel 27,13. C’est dire que ces peuples, sans être des empires au même titre que l’Assyrie ou la Perse, étaient à l’époque où Ezéchiel écrit, des puissances connues et réputées. Nous ne savons pas si la ruine qui a entraîné leur ensevelissement aux côtés des autres puissances dans le cimetière des empires est due aux conquêtes babyloniennes. Ce qui est certain est que, dans l’avenir, elles partageront le sort de Gog, le dernier ennemi d’Israël, identifié comme leur prince : Ezéchiel 38,2.

La raison de la présence de tous ces peuples dans le cimetière des empires est toujours la même, à quelque nuance près. Ces puissances ont toutes marquées l’histoire par la terreur qu’elles inspiraient. Le souvenir qu’elles ont laissé ne s’est pas effacé avec leur mort. Leurs crimes les suivent dans leur tombe et, qui se souvient d’elles, n’a qu’une envie : les maudire. Ils sont pour ceux qui ont souffert de leur cruauté ce que les noms de Hitler ou de Staline, les grands tyrans du siècle passé, évoquent pour nous aujourd’hui. Leur tombeau n’est pas un mémorial à leur gloire, mais le témoignage de la justice de Dieu et de sa puissance. Ezéchiel conduit ainsi l’Egypte de tombeau en tombeau pour qu’elle ouvre les yeux sur le sort auquel elle n’échappera pas. Il lui reste quelques tombes à visiter avant de se retrouver dans l’emplacement qui lui a été réservé.

d.       Edom

Le sort d’Edom a déjà été succinctement traité par Ezéchiel : Ezéchiel 25,12 à 14. Frère de sang d’Israël, Edom a été jugé par l’Eternel pour l’attitude dont il a fait preuve à son égard au jour où Dieu l’a châtié. Edom (qui est Esaü) n’a aucune pitié de son frère. Au contraire ! Profitant de la situation de faiblesse dans laquelle il se trouvait, Edom s’est joint à ses adversaires pour assouvir sa haine et sa vengeance contre lui. Il dort aujourd’hui à côté des empires disparus dans leur nécropole.

e.       Les autres souverains

« Etc… » écrivons-nous lorsqu’il s’agit d’abréger une liste répétitive de choses qui sont identiques. C’est ce que fait ici Ezéchiel. Il pourrait avec l’Egypte s’arrêter à chaque tombe qui se trouve dans le lieu qu’il visite. Les souverains de toutes les parties du monde y sont présents : les Sidoniens, les rois du Nord. Chacun d’eux, après avoir été, n’est plus. Réduits à rien, ils n’inspirent plus ni crainte, ni frayeur. Si elle doit en tirer instruction, l’Egypte peut aussi se consoler de cette visite funèbre. Elle n’est pas un cas unique. Son sort futur est celui qui attend toute puissance au jour où le jugement de Dieu la visite. Les cimetières ne sont pas seulement le lieu où reposent les morts. Ils sont les porteurs d’un message qui s’adresse aux vivants. Ils les avertissent de ce qui les attend sous peu et les invitent à se détourner de leurs crimes. Le rendez-vous ultime de chaque être, de chaque nation, est fixé à la barre du tribunal du Tout-Puissant. Chacun est appelé à s’y préparer dès aujourd’hui ! Que notre nom gravé sur la stèle de notre tombe évoque aux passants le souvenir de notre réconciliation avec Dieu !

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