V 1 à 9 :
L’Assyrie, un précédent
C’est au Pharaon que l’Eternel
ordonne à Ezéchiel d’adresser la prophétie funeste dont son pays, l’Egypte, est
l’objet. Ezéchiel a-t-il eu l’occasion de lui faire parvenir par un moyen ou un
autre le texte de ses annonces ? Nous ne le savons pas, comme nous ne
savons pas non plus comment le souverain d’Egypte aurait réagi à leur lecture.
Il se peut que, à l’écoute de cette communication, le Pharaon reste incrédule.
L’Egypte n’est-elle pas un empire qui a traversé les siècles ? Qui ne
connait et ne craint la puissance de ses Pharaons ? Il n’est pas né,
aurait pu se dire le souverain d’Egypte, celui qui abattra sa puissance et la
ruinera !
Prévenant la réaction sceptique
du Pharaon, l’Eternel l’appelle à plonger ses regards dans l’histoire pour les
porter sur le sort qui arriva à une puissance glorieuse ancienne, totalement défaite
au jour où Ezéchiel parle : l’Assyrie. Si le Pharaon a du mal à croire à
l’actualité de la sombre prophétie qu’Ezéchiel lui adresse, qu’il se souvienne
qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce qui a été est ce qui sera, et ce
qui s’est fait est ce qui se fera : Ecclésiaste
1,9. La parole que Dieu donne à ses prophètes est une parole pour le
futur. Mais ce qui donne sa crédibilité est ce qui s’st produit dans le passé.
« Les ruines des anciens Empires témoignent toutes que le pouvoir ne tient
que tant que Dieu n’y met pas fin.[1] »
Si, quelque part dans le monde, la preuve a été donnée que ce que prédit la
Parole s’est réalisée, notre incrédulité à son égard n’a aucune justification.
Qu’était l’Assyrie ? Ce
n’est pas la première fois que, pour illustrer le caractère flamboyant d’une
gloire, l’Ecriture utilise l’image de l’arbre. « Outre leur valeur
commerciale, certains arbres étaient prisés pour leur signification
symbolique, en raison de leur taille majestueuse, de l’impression de solidité
ou de pérennité qu’ils donnaient.[2] »
Le premier qui se servira des arbres pour illustrer ce que Dieu voulait qu’il
transmette à son peuple sera Jotham, le fils de Gédéon : Juges 9,7 à 15. L’image sera reprise ensuite dans le
livre de Daniel : Daniel 3,21 à 4,13, puis
par Jésus dans les Evangiles : Matthieu 13,31-32.
L’Assyrie, rappelle Ezéchiel, était autrefois un arbre magnifique, tel un cèdre
du Liban. Arbre à la ramure impressionnante et au feuillage persistant, le
cèdre du Liban pouvait atteindre la taille de 35 mètres de hauteur et vivre
plus de 500 ans. Les conditions de la longévité du cèdre tenaient en partie à
sa proximité d’un point d’eau. L’Assyrie était un tel arbre. Idéalement placée,
elle bénéficiait d’un apport constant de richesses qui faisait d’elle une
puissance inégalée, un arbre dont la cime surpassait celle des autres. A cause
de son envergure, le cèdre qu’était l’Assyrie abritait dans ses branchages les
nids de nombreuses espèces d’oiseaux du ciel, un foisonnement de vie
collatérale sans égal. La majesté de l’arbre ne tenait pas qu’à sa ramure
exceptionnelle. Le cèdre la devait à ses racines immenses qui en assuraient la
stabilité. Qui connaissait l’Assyrie au temps de sa gloire en était
certain : rien ne pouvait ébranler sa puissance ! Et pourtant… !
V 10 à 14 :
l’orgueil précède la chute
Il n’est pas nécessaire de
chercher loin pour trouver la cause de la chute des puissances et des empires
du passé. Que ce soit Tyr, l’Assyrie ou, plus tard Babylone, le péché qui
attire, comme la foudre sur le paratonnerre, la colère de Dieu, est toujours le
même : l’orgueil. L’orgueil, rappelle Paul, est le premier des péchés,
celui du diable : 1 Timothée 3,6. Au
commencement de la création, l’orgueil n’existait pas. Chacun savait que la
gloire, les capacités, la beauté qui le caractérisaient, étaient dues à son
Créateur. L’orgueil entra dans la création au jour où, le premier, celui qui
allait devenir le diable, voulut détourner à son profit ce qui revenait à Dieu.
C’est dans le cœur, au tréfonds de l’être, que nait ce dérèglement monstrueux
que représente l’orgueil. L’orgueil est l’expression brutale de la convoitise,
ce désir qui, à l’origine, poussa Satan à vouloir prendre la place de Dieu. Orgueil
et convoitise sont si inséparables qu’ils représentent ensemble le péché
premier commis dans l’univers, celui qui a ouvert aux autres la porte de
l’accès à l’âme : Jacques 1,14-15.
La fierté de l’Assyrie, comme celle
du roi de Tyr : Ezéchiel 28,1 à 5, est la
cause unique et suffisante de sa ruine. Parce que comme lui, elle se croyait
invincible, elle va connaître le brisement. Livrée entre les mains de celui que
Dieu a choisi comme le chef temporaire des nations, Nebucadnetsar, l’Assyrie
verra sa puissance abattue et ses richesses dispersées au profit des peuples de
la terre. La cause répétitive de chute des puissants de ce monde nous enseigne
la même leçon. Elle est que la grandeur s’accommode mal avec l’humilité.
« Alors que tu étais petit à tes propres yeux, dira Samuel à Saül, n’es-tu
pas devenu le chef des tribus d’Israël ? : 2
Samuel 15,17. » L’orgueil ne naît pas par hasard. Il procède
d’un changement de regard sur soi et sur la réalité. Alors que jusqu’alors on
savait que l’on était rien par soi-même et que l’on devait tout à Dieu, la
seconde proposition disparaît pour nous amener à croire que c’est à nous-mêmes
que l’on doit ce que l’on est. Seul le jugement, le fait d’être cassé par plus
grand que soi, a le pouvoir de ramener l’orgueilleux, a sa place. Cette
correction divine est la raison de l’élévation et de l’abaissement tour à tour
des puissances du monde. Constante de l’histoire, ce scénario sans cesse répété
témoigne de la vanité de l’homme et de son incapacité à apprendre de ses
échecs. La ruine de l’Assyrie aurait dû instruire l’Egypte et le Pharaon sur ce
qui les attend s’ils cultivent la même attitude. Mais elle ne sert de rien.
Chacun qui s’élève croit qu’il pourra faire mieux que ses prédécesseurs, et qu’il
échappera à la correction dont il a été l’objet. Cette simple pensée porte déjà en elle le germe qui détruira celui qui l'abrite. Le diagnostic du prophète
Jérémie se confirme de siècles en siècles : Le cœur est tortueux
plus que tout, et il est incurable : Jérémie 17,7.
Nul, sauf Dieu, n’a le pouvoir de le changer !
V 15 à 18 : descente
dans le séjour des morts
Il y a des disparitions qui, dans
le monde, causent plus d’émoi que d’autres. Le citoyen anodin qui s’en va suscite
tristesse et larmes dans le cœur de ses proches. Le reste du monde n’en est pas
perturbé. « C’est ici le sort de chacun, pense le commun des mortels. »
D’un autre ordre est la perturbation émotive que provoque l’extinction d’une
étoile de la sphère du spectacle. Saisie par la nouvelle, la foule des
admirateurs se presse autour de sa dépouille. On repasse dans sa mémoire ses
chansons, on visite sa filmographie, on s’arrache les souvenirs de son passage
ici-bas. La mort d’une célébrité revêt un caractère tragique d’une ampleur que
ne connaît pas celle d’un anonyme.
Il en est des stars de ce monde
comme des empires qui exercent leur domination dans le monde. Leur disparition
provoque, parmi les Etats qui leur sont affiliés comme parmi leurs adversaires,
un remous saisissant. « L’as-tu appris ? L’Assyrie, cette
puissance que l’on croyait éternelle, s’est effondrée ! Pas possible ! »
Partout dans le monde, la chute de l’empire assyrien fait trembler les cœurs
et verser des larmes. Un deuil est proclamé dans les pays qui lui sont proches.
Chez d’autres, qui ont péri avant lui ou souffert de sa tyrannie, elle éveille
une forme de consolation. « Nous autres qui n’étions rien, nous sommes
aussi passés par la mort. Maintenant, son tour est venu à lui aussi qui se
croyait si fort ! : cf Esaïe 14,16-17 ;
Ezéchiel 28,19 » Le précédent qu’est l’Assyrie devrait
enseigner l’Egypte et la préparer à ce qui l’attend. Elle aussi, malgré ses
dieux, sera précipité dans les profondeurs de la terre. Les entrailles du
séjour des morts s’émouvront à son arrivée. L’Egypte subira comme tous les
autres le sort réservé par Dieu à tous les incirconcis de cœur. Que la
disparition soudaine et définitive des gloires du passé donne aux nations arrogantes
de notre temps la sagesse que procure le sentiment de la faiblesse et de la
crainte de Dieu !
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