V 1 à 15 : message aux montagnes d’Israël
Ce n’est pas la première fois
qu’Ezéchiel reçoit un message spécifique de son Dieu destiné aux montagnes d’Israël.
Au chapitre 6 déjà, Ezéchiel avait prophétisé contre elles pour le rôle
qu’elles jouaient dans le dérèglement idolâtrique de la nation. Les montagnes,
les collines, les cours d’eaux et les arbres verts du pays étaient les hauts
lieux sur lesquels se rendaient tous ceux qui cherchaient auprès des faux dieux
secours ou bienfaits divers. La dévastation et le jugement leur furent alors promis
en vue de leur purification. Les montagnes d’Israël n’étaient pour rien dans la
colère dont elles furent l’objet. Elles étaient un don de Dieu avec le pays
promis et légué aux pères. Solidaires du péché de la nation, elles ont été
livrées aux peuples qui furent les instruments du châtiment d’Israël. Dès lors,
la terre d’Israël ne lui appartint plus. Elle fut la propriété des peuplades
qui l’avaient conquise. Sa captivité était pour eux, Edom en particulier, comme
une revanche qui faisait leur fierté. « L’histoire d’Israël est bel et
bien finie, pensaient-ils. Le pays qui a été promis aux hébreux a changé de
main. C’est à nous que sont désormais les montagnes d’Israël. »
Si, pour un temps, le bien donné
au peuple de Dieu peut lui être volé, il ne peut le rester pour toujours. La
vocation des montagnes et des collines d’Israël n’est pas de donner leurs
fruits pour les autres peuples, mais à Israël seul, l’élu de Dieu. La terre
d’Israël n’est pas une terre qui peut changer de main indéfiniment, au gré de
la volonté des nations. Elle est le pays que Dieu a destiné à son peuple. Toute
prétention d’une autre nation à ravir à Jacob ce que Dieu lui a légué ne peut
que provoquer sa colère et sa jalousie. Car Dieu est et reste l’époux d’Israël.
Si sa colère l’a dépouillé du présent qui fut le sien au jour de son élection,
sa grâce le lui restituera au jour de sa restauration. Oui ! Les montagnes
et les collines d’Israël produiront encore leurs fruits pour lui. Les villes et
les contrées dévastées et inhabitées ne resteront pas à jamais à l’abandon.
Elles seront à nouveau peuplées de milliers d’hommes et d’animaux. Les champs
laissés en jachère seront encore ensemencés et leurs productions nourriront une
population nouvelle et nombreuse. Israël n’aura plus à souffrir des
humiliations des autres peuples, ni à vivre dans la crainte. Car l’Eternel
lui-même, dans sa fidélité, y veillera. En ce temps, les Israélites
reconnaîtront que l’Eternel est bien leur Dieu !
LE MESSAGE DU PROPHETE RECAPITULE
V 16 à 36 :
Historique du parcours d’Israël
La parcours d’une nation, quelle
qu’elle soit, n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat des choix
qu’elle a fait au cours de son histoire. Dans le cadre des nations, les peuples
qui occupent un territoire n’ont pas toujours la possibilité de déterminer
eux-mêmes ce que sera leur destin. Conquis par une puissance puis par une
autre, ils se trouvent occupés, démantelés, dispersés au point de ne plus
savoir eux-mêmes qui ils sont. Il en est tout autrement d’Israël. Descendant de
Sem, le fils de Noé, Israël est un peuple qui ne s’appartient pas. Dès sa
naissance, il a été choisi et mis à part pour Dieu. Esclave en Egypte, Israël
aurait pu ne jamais voir le jour, si Dieu ne l’avait racheté à main forte et à
bras étendu. Arrivé à Canaan, le pays que Dieu lui avait promis, il aurait pu
périr sur place si Dieu n’avait défait avec puissance les nations qui
occupaient son territoire. Israël existe par Dieu et pour Dieu. Aussi toute son
histoire gravite-t-elle autour de sa relation avec Dieu. L’attitude d’Israël à
l’égard de son Dieu est la clé d’interprétation de tout ce qui s’est produit
pour lui et qui, aujourd’hui et demain, lui arrivera encore.
Au point où Ezéchiel est parvenu
dans sa prophétie, et avant d’ouvrir les pages qui traitent du futur d’Israël,
Ezéchiel tient par un résumé à dresser l’historique de la nation :
V 16 à 19 : de
l’installation à Canaan à l’exil
Toute la responsabilité des
déboires qui menèrent Israël à la perte de son territoire lui incombe. Installé
sur une terre sur laquelle il avait tout pour prospérer, Israël a été du fait
de sa corruption la cause de sa ruine. La conduite des Israélites a été telle à
l’égard de Dieu et de leurs prochains qu’elle en est devenue insupportable. A
la vue des injustices, du sang répandu, des souillures multiples, la faveur de
Dieu s’est muée en colère contre Israël. Puisque le peuple élu n’a pas su apprécier
la grâce qui lui était faite, Dieu a décidé de lui ôter les bénédictions qui
lui étaient liées. Israël retournera à ce qu’il était, un peuple privé de
terre, esclave des autres nations, dispersé et disséminé dans de multiples
pays. La dissolution de la nation aurait pu être complète si Dieu, dans sa souveraineté,
n’avait préservé l’identité d’Israël. Car Israël exilé reste Israël, un peuple
à part possédant son livre, son Dieu et sa culture. Par le mystère de la
providence divine, Israël n’existe plus en tant que nation, mais toujours en
tant que peuple mis à part, identifiable parmi tous. « C’est ici
qu’apparaît une des principales énigmes de l’histoire. Les lois qui gouvernent
l’existence de beaucoup d’autres peuples sont en partie explicables par la
philosophie de l’histoire. Le développement d’Israël échappe à toute tentative
d’explication. Il est le peuple de Dieu en dépit de tout et son Dieu est un
Dieu qui se dérobe et se cache : Esaïe 45,15. Chaque Juif est un mystère
errant. »[1]
V 20 à 24 : la
cause de la survie d’Israël
Exilés parmi les nations, les Israélites ne furent pas tranquilles pour autant. Connus comme le peuple de Dieu, ils devinrent parmi elles un sujet de moquerie et d’opprobre pour son nom. « Est-ce là, se disaient-elles, le peuple du grand Dieu, Celui qui se prétend comme l’Unique ? Si c’était le cas, ne le sauverait-il pas ? » Jésus a traduit en termes sans équivoque la condition dans laquelle se trouve le peuple de Dieu lorsqu’il a perdu ce qui donne sens à son existence. « Vous êtes le sel de la terre, dira-t-il à ses disciples. Mais si le seul perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors et piétiné par les hommes : Matthieu 5,13. » De quelle fierté pouvait encore se prévaloir Israël en exil, peuple sans terre, sans culte, sans témoignage ?
S’il y a un espoir possible pour Israël, il ne se trouve pas en lui, mais en Dieu. Le nom d’Israël est à jamais lié à celui de Dieu. Aussi ce qui le touche atteint inévitablement sa gloire et sa réputation. Parce que Dieu a choisi Israël pour se révéler au monde, il ne peut indéfiniment le laisser être la risée des peuples. A cause de sa sainteté, parce qu’il est le Dieu tout autre, distinct de tous, il y a encore un avenir pour Israël. Certes, le contrat d’alliance qui liait Dieu à Israël a été rompu. Dans ce traité, Dieu s’engageait à être le Dieu d’Israël si celui-ci obéissait à ses lois. Israël a failli et récolté ce que prévoyaient les clauses du contrat dans une telle situation. Pour autant, Dieu ne se trouve pas prisonnier de la désobéissance d’Israël. Il a pour sa part respecté la partie du contrat qui le concernait. De son côté, le lien qui le lie à Israël n’est pas rompu. Puisque l’accord bilatéral entre lui et Israël, qui était le fondement de la première alliance, n’a pas fonctionné, Dieu va désormais s’en passer. C’est sur la base de son propre honneur que l’Eternel, le Dieu d’Israël, va agir pour accomplir le dessein qu’il avait en vue par son élection. Si la désobéissance d’Israël a été cause de déshonneur pour Dieu, sa restauration va magnifier son nom au-delà de tout. Les nations qui se sont moquées d’Israël du temps de son exil devront le reconnaître : le retour de la nation juive dans sa terre n’est dû qu’à une chose : la miséricorde de son Dieu. Oui, ce Dieu n’est pas comme les autres. Il est saint ! Il n’a pas besoin de trouver dans les êtres avec qui il se lie les raisons de son attachement. Il possède en lui-même tout ce dont il a besoin. C’est en vertu de ce qu’il est, non de ce que nous sommes, qu’il fait des siens son peuple !
V 25 à 28 : renouveau dans les cœurs
La sainteté de Dieu est l’attribut qui exprime sa différence avec tout autre être. Parce que Dieu est saint, il est impossible de le classer dans une quelconque catégorie rassemblant d’autres entités. La sainteté de Dieu témoigne de son exclusivité et de sa pleine suffisance. Parce que Dieu se suffit à lui-même, toute alliance avec lui qui nécessite une contribution humaine est bancale. Le récit récapitulatif que fait Ezéchiel de l’histoire d’Israël l’atteste. Le renouveau d’Israël, s’il doit avoir lieu, ne peut plus se faire sur cette base. Il ne doit pas reposer sur un accord bilatéral, mais sur l’engagement unilatéral de Dieu envers lui. C’est ce que prédit ici le prophète. Si Israël a un avenir, il n’en est plus ni la cause, ni le centre. Ceux-ci sont désormais en Dieu. C’est à cause de ce que Dieu est et de ce qu’il fera pour Israël que celui-ci vivra, marchera avec lui et se tiendra debout parmi les nations. Les richesses de la grâce dont Israël sera l’objet manifestera au monde l’originalité sainte de son Dieu. De manière prophétique, Ezéchiel en fait ici l’énumération.
La grâce dont Israël va bénéficier débute par sa purification.
Sans elle, aucune départ n’est possible ni dans la vie des nations, ni dans
celle des personnes. La purification d’un cœur, d’une vie est entièrement
l’œuvre de Dieu. Pour chacun, le Nouveau Testament affirme qu’elle se fait par
la vertu du sang versé par Jésus pour les péchés : 1 Jean 1,9. La purification d’Israël passe par sa conversion à
Jésus-Christ, le Messie qui lui a été envoyé. Elle précède la régénération,
cette opération divine qui consiste en une chirurgie salvatrice. Par son
Esprit, Dieu ôte le cœur de pierre qui se trouve en chacun pour lui donner un
cœur de chair. Une vie nouvelle ne peut procéder que d’un cœur et d’un esprit
nouveaux. Cette naissance nouvelle ne peut se faire que par l’Esprit : Jean 3,3 à 5. Régénéré, le cœur jadis rebelle est
désormais disposé à l’obéissance. Nul n’est besoin pour l’exciter au bien de le
menacer, le conjurer ou le pousser à la mortification de la chair. Les
commandements de Dieu, ses préceptes, ses règles font la joie du cœur nouveau.
Le renouveau des cœurs opéré, celui du pays peut suivre. Il ne servirait en
effet à rien pour Israël de retrouver sa terre si ce qui l’a conduit à en être
exilé n’est guéri.
V 29 à 36 : renouveau du pays
Dès l’appel d’Abraham, le pays que Dieu réserve à ses descendants fait partie des bénédictions afférentes à l’alliance qu’il scelle avec lui. Sorti d’Egypte, sa maison de servitude, Israël entre à Canaan, pays où coulent le lait et le miel : Exode 3,8. La terre qu’Israël reçoit en partage est l’expression concrète des richesses que Dieu réserve à son peuple s’il marche dans ses voies. « Tu respecteras les commandements de l’Eternel, ton Dieu, dit Moïse, pour marcher dans ses voies et pour le craindre. En effet, l’Eternel, ton Dieu, va te faire entrer dans un bon pays. C’est un pays de cours d’eau, de sources et de lacs qui jaillissent dans les vallées et les montagnes ; un pays de blé, d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers ; un pays d’oliviers et de miel ; un pays où tu mangeras du pain avec abondance, où tu ne manqueras de rien ; un pays dont les pierres sont du fer et où tu pourras extraire le cuivre des montagnes : Deutéronome 8,6 à 9. » Le revers de cette médaille est que le pays ne fournira ses productions à ses habitants que tant qu’ils resteront attachés à leur Dieu. La loi que Dieu a donnée à Israël le stipule clairement. « Si tu n’obéis pas à l’Eternel, ton Dieu, en respectant et mettant en pratique tous ses commandements et toutes ses prescriptions… tu seras maudit dans la ville et dans les champs. Ta corbeille et ta huche seront maudites. Tes enfants, le produit de ton sol, les portées de ton gros et de ton petit bétail, tout cela sera maudit… Tu répandras beaucoup de semence sur ton champ et tu feras une faible récolte car les sauterelles la dévoreront. Tu planteras des vignes, tu les cultiveras, et tu ne boiras pas de vin ni ne fera de récolte car les vers la mangeront. Tu auras des oliviers sur tout ton territoire et tu ne t’enduiras pas d’huile car tes olives tomberont… Les insectes prendront possession de tous les arbres et du produit de ton sol : Deutéronome 28,15.16.17,38 à 40.42. »
Sous l’ancienne alliance, l’état de la terre d’Israël épouse l’état du cœur du peuple de Dieu. Lorsque le peuple de Dieu obéit à son Dieu ou revient à lui, les bénédictions liées à sa terre lui sont données. Mais qu’il persiste dans la rébellion et l’idolâtrie et elles lui sont ôtées. Dans l’avenir, Ezéchiel l’annonce : il n’en sera plus ainsi. Israël purifié de ses impuretés, le pays sera l’objet à son tour de la faveur de Dieu. Dieu fera apparaître le blé et les arbres produiront avec abondance leurs fruits. Autrefois un désert, la terre dévastée sera de nouveau cultivée. A la vue du miracle de la renaissance de sa terre, les Israélites se prendront eux-mêmes en dégoût au souvenir de leur ancienne conduite. Ils comprendront alors à quel point eux-mêmes furent responsables de leur malheur. Devant le paradis que sera devenu Israël, les nations voisines qui l’ont jadis envahi ne pourront que le reconnaître. Ce n’est pas en vertu de ses mérites ou de sa valeur qu’Israël doit son élection, mais par le fait de la grâce de Dieu seule. Or, si c’est par grâce qu’Israël est sauvé, ne le peuvent-elles pas elles aussi sur le même fondement ?
V 37 et 38 : une relation rétablie
Comme l’avait annoncé la loi de Moïse, le péché d’Israël a entraîné l’exil du peuple et la malédiction sur le pays. Au-delà de ces fruits amers, le plus grave préjudice que connaît la communauté rebelle se trouve dans le refus de Dieu de se laisser consulter par elle. A trois reprises dans le livre d’Ezéchiel, l’Eternel le dit. Tant qu’Israël sera dans l’état d’esprit dans lequel il se trouve, il n’est pas question pour l’Eternel de les recevoir. Le Dieu saint ne peut tolérer que l’on se présente devant lui avec un cœur rempli de dévotion pour des idoles : Ezéchiel 14,3 ; 20,3.31. La rupture entre Dieu et son peuple est consommée. Le divorce est tel que déjà, au temps de Jérémie, l’Eternel interdit au prophète d’intercéder pour la communauté : Jérémie 7,16 ; 11,14 ; 14,11.
Outre le retour du peuple de Dieu dans sa terre restaurée, la
meilleure nouvelle que lui fait entendre son Dieu est qu’il se laissera de
nouveau consulter par eux. Par sa grâce, les nombreux griefs que l’Eternel
avait contre son peuple ont été effacés. Dieu ne voit plus son peuple pour ce
qu’il est dans sa nature. Lavé de ses impuretés, sanctifié par l’œuvre de son
Esprit, Israël est un peuple nouveau, différent, tout autre que ce qu’il fut
dans le passé. Dieu ne ressent plus de dégoût à son approche, mais un immense
plaisir qui se traduit par le désir d’exaucer ses demandes et ses souhaits. La
restauration de la nation sera entièrement l’œuvre de Dieu. Mais elle ne se
fera pas de façon unilatérale. Israël y participera par ses prières auxquelles
Dieu se plaira de répondre. Jour après jour, le peuple de Dieu renouvelé verra
la main bienveillante de Dieu agir en sa faveur. Des villes en ruine seront
rebâties et habitées par une populace nombreuse. La bénédiction de Dieu sera si
visible et évidente qu’Israël n’aura plus de doute. Il reconnaîtra pleinement
que l’Eternel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ses pères, est bien son
Dieu.
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