mercredi 16 décembre 2020

EZECHIEL 36

 V 1 à 15 : message aux montagnes d’Israël

Ce n’est pas la première fois qu’Ezéchiel reçoit un message spécifique de son Dieu destiné aux montagnes d’Israël. Au chapitre 6 déjà, Ezéchiel avait prophétisé contre elles pour le rôle qu’elles jouaient dans le dérèglement idolâtrique de la nation. Les montagnes, les collines, les cours d’eaux et les arbres verts du pays étaient les hauts lieux sur lesquels se rendaient tous ceux qui cherchaient auprès des faux dieux secours ou bienfaits divers. La dévastation et le jugement leur furent alors promis en vue de leur purification. Les montagnes d’Israël n’étaient pour rien dans la colère dont elles furent l’objet. Elles étaient un don de Dieu avec le pays promis et légué aux pères. Solidaires du péché de la nation, elles ont été livrées aux peuples qui furent les instruments du châtiment d’Israël. Dès lors, la terre d’Israël ne lui appartint plus. Elle fut la propriété des peuplades qui l’avaient conquise. Sa captivité était pour eux, Edom en particulier, comme une revanche qui faisait leur fierté. « L’histoire d’Israël est bel et bien finie, pensaient-ils. Le pays qui a été promis aux hébreux a changé de main. C’est à nous que sont désormais les montagnes d’Israël. »

Si, pour un temps, le bien donné au peuple de Dieu peut lui être volé, il ne peut le rester pour toujours. La vocation des montagnes et des collines d’Israël n’est pas de donner leurs fruits pour les autres peuples, mais à Israël seul, l’élu de Dieu. La terre d’Israël n’est pas une terre qui peut changer de main indéfiniment, au gré de la volonté des nations. Elle est le pays que Dieu a destiné à son peuple. Toute prétention d’une autre nation à ravir à Jacob ce que Dieu lui a légué ne peut que provoquer sa colère et sa jalousie. Car Dieu est et reste l’époux d’Israël. Si sa colère l’a dépouillé du présent qui fut le sien au jour de son élection, sa grâce le lui restituera au jour de sa restauration. Oui ! Les montagnes et les collines d’Israël produiront encore leurs fruits pour lui. Les villes et les contrées dévastées et inhabitées ne resteront pas à jamais à l’abandon. Elles seront à nouveau peuplées de milliers d’hommes et d’animaux. Les champs laissés en jachère seront encore ensemencés et leurs productions nourriront une population nouvelle et nombreuse. Israël n’aura plus à souffrir des humiliations des autres peuples, ni à vivre dans la crainte. Car l’Eternel lui-même, dans sa fidélité, y veillera. En ce temps, les Israélites reconnaîtront que l’Eternel est bien leur Dieu !

LE MESSAGE DU PROPHETE RECAPITULE

V 16 à 36 : Historique du parcours d’Israël

La parcours d’une nation, quelle qu’elle soit, n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat des choix qu’elle a fait au cours de son histoire. Dans le cadre des nations, les peuples qui occupent un territoire n’ont pas toujours la possibilité de déterminer eux-mêmes ce que sera leur destin. Conquis par une puissance puis par une autre, ils se trouvent occupés, démantelés, dispersés au point de ne plus savoir eux-mêmes qui ils sont. Il en est tout autrement d’Israël. Descendant de Sem, le fils de Noé, Israël est un peuple qui ne s’appartient pas. Dès sa naissance, il a été choisi et mis à part pour Dieu. Esclave en Egypte, Israël aurait pu ne jamais voir le jour, si Dieu ne l’avait racheté à main forte et à bras étendu. Arrivé à Canaan, le pays que Dieu lui avait promis, il aurait pu périr sur place si Dieu n’avait défait avec puissance les nations qui occupaient son territoire. Israël existe par Dieu et pour Dieu. Aussi toute son histoire gravite-t-elle autour de sa relation avec Dieu. L’attitude d’Israël à l’égard de son Dieu est la clé d’interprétation de tout ce qui s’est produit pour lui et qui, aujourd’hui et demain, lui arrivera encore.

Au point où Ezéchiel est parvenu dans sa prophétie, et avant d’ouvrir les pages qui traitent du futur d’Israël, Ezéchiel tient par un résumé à dresser l’historique de la nation :

V 16 à 19 : de l’installation à Canaan à l’exil

Toute la responsabilité des déboires qui menèrent Israël à la perte de son territoire lui incombe. Installé sur une terre sur laquelle il avait tout pour prospérer, Israël a été du fait de sa corruption la cause de sa ruine. La conduite des Israélites a été telle à l’égard de Dieu et de leurs prochains qu’elle en est devenue insupportable. A la vue des injustices, du sang répandu, des souillures multiples, la faveur de Dieu s’est muée en colère contre Israël. Puisque le peuple élu n’a pas su apprécier la grâce qui lui était faite, Dieu a décidé de lui ôter les bénédictions qui lui étaient liées. Israël retournera à ce qu’il était, un peuple privé de terre, esclave des autres nations, dispersé et disséminé dans de multiples pays. La dissolution de la nation aurait pu être complète si Dieu, dans sa souveraineté, n’avait préservé l’identité d’Israël. Car Israël exilé reste Israël, un peuple à part possédant son livre, son Dieu et sa culture. Par le mystère de la providence divine, Israël n’existe plus en tant que nation, mais toujours en tant que peuple mis à part, identifiable parmi tous. « C’est ici qu’apparaît une des principales énigmes de l’histoire. Les lois qui gouvernent l’existence de beaucoup d’autres peuples sont en partie explicables par la philosophie de l’histoire. Le développement d’Israël échappe à toute tentative d’explication. Il est le peuple de Dieu en dépit de tout et son Dieu est un Dieu qui se dérobe et se cache : Esaïe 45,15. Chaque Juif est un mystère errant. »[1]

V 20 à 24 : la cause de la survie d’Israël

Exilés parmi les nations, les Israélites ne furent pas tranquilles pour autant. Connus comme le peuple de Dieu, ils devinrent parmi elles un sujet de moquerie et d’opprobre pour son nom. « Est-ce là, se disaient-elles, le peuple du grand Dieu, Celui qui se prétend comme l’Unique ? Si c’était le cas, ne le sauverait-il pas ? » Jésus a traduit en termes sans équivoque la condition dans laquelle se trouve le peuple de Dieu lorsqu’il a perdu ce qui donne sens à son existence. « Vous êtes le sel de la terre, dira-t-il à ses disciples. Mais si le seul perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors et piétiné par les hommes : Matthieu 5,13. » De quelle fierté pouvait encore se prévaloir Israël en exil, peuple sans terre, sans culte, sans témoignage ?

S’il y a un espoir possible pour Israël, il ne se trouve pas en lui, mais en Dieu. Le nom d’Israël est à jamais lié à celui de Dieu. Aussi ce qui le touche atteint inévitablement sa gloire et sa réputation. Parce que Dieu a choisi Israël pour se révéler au monde, il ne peut indéfiniment le laisser être la risée des peuples. A cause de sa sainteté, parce qu’il est le Dieu tout autre, distinct de tous, il y a encore un avenir pour Israël. Certes, le contrat d’alliance qui liait Dieu à Israël a été rompu. Dans ce traité, Dieu s’engageait à être le Dieu d’Israël si celui-ci obéissait à ses lois. Israël a failli et récolté ce que prévoyaient les clauses du contrat dans une telle situation. Pour autant, Dieu ne se trouve pas prisonnier de la désobéissance d’Israël. Il a pour sa part respecté la partie du contrat qui le concernait. De son côté, le lien qui le lie à Israël n’est pas rompu. Puisque l’accord bilatéral entre lui et Israël, qui était le fondement de la première alliance, n’a pas fonctionné, Dieu va désormais s’en passer. C’est sur la base de son propre honneur que l’Eternel, le Dieu d’Israël, va agir pour accomplir le dessein qu’il avait en vue par son élection. Si la désobéissance d’Israël a été cause de déshonneur pour Dieu, sa restauration va magnifier son nom au-delà de tout. Les nations qui se sont moquées d’Israël du temps de son exil devront le reconnaître : le retour de la nation juive dans sa terre n’est dû qu’à une chose : la miséricorde de son Dieu. Oui, ce Dieu n’est pas comme les autres. Il est saint ! Il n’a pas besoin de trouver dans les êtres avec qui il se lie les raisons de son attachement. Il possède en lui-même tout ce dont il a besoin. C’est en vertu de ce qu’il est, non de ce que nous sommes, qu’il fait des siens son peuple !

V 25 à 28 : renouveau dans les cœurs

La sainteté de Dieu est l’attribut qui exprime sa différence avec tout autre être. Parce que Dieu est saint, il est impossible de le classer dans une quelconque catégorie rassemblant d’autres entités. La sainteté de Dieu témoigne de son exclusivité et de sa pleine suffisance. Parce que Dieu se suffit à lui-même, toute alliance avec lui qui nécessite une contribution humaine est bancale. Le récit récapitulatif que fait Ezéchiel de l’histoire d’Israël l’atteste. Le renouveau d’Israël, s’il doit avoir lieu, ne peut plus se faire sur cette base. Il ne doit pas reposer sur un accord bilatéral, mais sur l’engagement unilatéral de Dieu envers lui. C’est ce que prédit ici le prophète. Si Israël a un avenir, il n’en est plus ni la cause, ni le centre. Ceux-ci sont désormais en Dieu. C’est à cause de ce que Dieu est et de ce qu’il fera pour Israël que celui-ci vivra, marchera avec lui et se tiendra debout parmi les nations. Les richesses de la grâce dont Israël sera l’objet manifestera au monde l’originalité sainte de son Dieu. De manière prophétique, Ezéchiel en fait ici l’énumération.

La grâce dont Israël va bénéficier débute par sa purification. Sans elle, aucune départ n’est possible ni dans la vie des nations, ni dans celle des personnes. La purification d’un cœur, d’une vie est entièrement l’œuvre de Dieu. Pour chacun, le Nouveau Testament affirme qu’elle se fait par la vertu du sang versé par Jésus pour les péchés : 1 Jean 1,9. La purification d’Israël passe par sa conversion à Jésus-Christ, le Messie qui lui a été envoyé. Elle précède la régénération, cette opération divine qui consiste en une chirurgie salvatrice. Par son Esprit, Dieu ôte le cœur de pierre qui se trouve en chacun pour lui donner un cœur de chair. Une vie nouvelle ne peut procéder que d’un cœur et d’un esprit nouveaux. Cette naissance nouvelle ne peut se faire que par l’Esprit : Jean 3,3 à 5. Régénéré, le cœur jadis rebelle est désormais disposé à l’obéissance. Nul n’est besoin pour l’exciter au bien de le menacer, le conjurer ou le pousser à la mortification de la chair. Les commandements de Dieu, ses préceptes, ses règles font la joie du cœur nouveau. Le renouveau des cœurs opéré, celui du pays peut suivre. Il ne servirait en effet à rien pour Israël de retrouver sa terre si ce qui l’a conduit à en être exilé n’est guéri.

V 29 à 36 : renouveau du pays

Dès l’appel d’Abraham, le pays que Dieu réserve à ses descendants fait partie des bénédictions afférentes à l’alliance qu’il scelle avec lui. Sorti d’Egypte, sa maison de servitude, Israël entre à Canaan, pays où coulent le lait et le miel : Exode 3,8. La terre qu’Israël reçoit en partage est l’expression concrète des richesses que Dieu réserve à son peuple s’il marche dans ses voies. « Tu respecteras les commandements de l’Eternel, ton Dieu, dit Moïse, pour marcher dans ses voies et pour le craindre. En effet, l’Eternel, ton Dieu, va te faire entrer dans un bon pays. C’est un pays de cours d’eau, de sources et de lacs qui jaillissent dans les vallées et les montagnes ; un pays de blé, d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers ; un pays d’oliviers et de miel ; un pays où tu mangeras du pain avec abondance, où tu ne manqueras de rien ; un pays dont les pierres sont du fer et où tu pourras extraire le cuivre des montagnes : Deutéronome 8,6 à 9. » Le revers de cette médaille est que le pays ne fournira ses productions à ses habitants que tant qu’ils resteront attachés à leur Dieu. La loi que Dieu a donnée à Israël le stipule clairement. « Si tu n’obéis pas à l’Eternel, ton Dieu, en respectant et mettant en pratique tous ses commandements et toutes ses prescriptions… tu seras maudit dans la ville et dans les champs. Ta corbeille et ta huche seront maudites. Tes enfants, le produit de ton sol, les portées de ton gros et de ton petit bétail, tout cela sera maudit… Tu répandras beaucoup de semence sur ton champ et tu feras une faible récolte car les sauterelles la dévoreront. Tu planteras des vignes, tu les cultiveras, et tu ne boiras pas de vin ni ne fera de récolte car les vers la mangeront. Tu auras des oliviers sur tout ton territoire et tu ne t’enduiras pas d’huile car tes olives tomberont… Les insectes prendront possession de tous les arbres et du produit de ton sol : Deutéronome 28,15.16.17,38 à 40.42. »

Sous l’ancienne alliance, l’état de la terre d’Israël épouse l’état du cœur du peuple de Dieu. Lorsque le peuple de Dieu obéit à son Dieu ou revient à lui, les bénédictions liées à sa terre lui sont données. Mais qu’il persiste dans la rébellion et l’idolâtrie et elles lui sont ôtées. Dans l’avenir, Ezéchiel l’annonce : il n’en sera plus ainsi. Israël purifié de ses impuretés, le pays sera l’objet à son tour de la faveur de Dieu. Dieu fera apparaître le blé et les arbres produiront avec abondance leurs fruits. Autrefois un désert, la terre dévastée sera de nouveau cultivée. A la vue du miracle de la renaissance de sa terre, les Israélites se prendront eux-mêmes en dégoût au souvenir de leur ancienne conduite. Ils comprendront alors à quel point eux-mêmes furent responsables de leur malheur. Devant le paradis que sera devenu Israël, les nations voisines qui l’ont jadis envahi ne pourront que le reconnaître. Ce n’est pas en vertu de ses mérites ou de sa valeur qu’Israël doit son élection, mais par le fait de la grâce de Dieu seule. Or, si c’est par grâce qu’Israël est sauvé, ne le peuvent-elles pas elles aussi sur le même fondement ?

V 37 et 38 : une relation rétablie

Comme l’avait annoncé la loi de Moïse, le péché d’Israël a entraîné l’exil du peuple et la malédiction sur le pays. Au-delà de ces fruits amers, le plus grave préjudice que connaît la communauté rebelle se trouve dans le refus de Dieu de se laisser consulter par elle. A trois reprises dans le livre d’Ezéchiel, l’Eternel le dit. Tant qu’Israël sera dans l’état d’esprit dans lequel il se trouve, il n’est pas question pour l’Eternel de les recevoir. Le Dieu saint ne peut tolérer que l’on se présente devant lui avec un cœur rempli de dévotion pour des idoles : Ezéchiel 14,3 ; 20,3.31. La rupture entre Dieu et son peuple est consommée. Le divorce est tel que déjà, au temps de Jérémie, l’Eternel interdit au prophète d’intercéder pour la communauté : Jérémie 7,16 ; 11,14 ; 14,11.

Outre le retour du peuple de Dieu dans sa terre restaurée, la meilleure nouvelle que lui fait entendre son Dieu est qu’il se laissera de nouveau consulter par eux. Par sa grâce, les nombreux griefs que l’Eternel avait contre son peuple ont été effacés. Dieu ne voit plus son peuple pour ce qu’il est dans sa nature. Lavé de ses impuretés, sanctifié par l’œuvre de son Esprit, Israël est un peuple nouveau, différent, tout autre que ce qu’il fut dans le passé. Dieu ne ressent plus de dégoût à son approche, mais un immense plaisir qui se traduit par le désir d’exaucer ses demandes et ses souhaits. La restauration de la nation sera entièrement l’œuvre de Dieu. Mais elle ne se fera pas de façon unilatérale. Israël y participera par ses prières auxquelles Dieu se plaira de répondre. Jour après jour, le peuple de Dieu renouvelé verra la main bienveillante de Dieu agir en sa faveur. Des villes en ruine seront rebâties et habitées par une populace nombreuse. La bénédiction de Dieu sera si visible et évidente qu’Israël n’aura plus de doute. Il reconnaîtra pleinement que l’Eternel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ses pères, est bien son Dieu.

 



[1] Erich Sauer : L’Aube de la Rédemption : Editions La Voix de l’Evangile

mardi 8 décembre 2020

EZECHIEL 35

 

V 1 à 4 : procès et jugement d’Edom

Alors qu’il se concentre sur Israël, Ezéchiel interrompt la suite de ses messages destinés au peuple de Dieu pour ouvrir une parenthèse au sujet d’Edom. Ce n’est pourtant pas la 1ère fois dans son livre que les descendants d’Esaü font l’objet de sa prophétie. Les habitants de Séir figurent parmi les peuples listés par le prophète comme candidats au jugement : Ezéchiel 25,12 à 14. Les annonces émises à ce moment-là sont courtes. C’est pourquoi Ezéchiel y revient.

V 5 à 10 : les raisons de l’hostilité d’Edom

Parmi tous les peuples qui, de près ou de loin, ont causé du tort à Israël, Edom occupe une place particulière. Edom n’est pas pour Israël comme les Tyriens, un peuple étranger. Il n’est pas comme Moab ou Ammon, ses lointains cousins. Edom est le frère de sang d’Israël, son frère jumeau né du même père et de la même mère. C’est pourquoi, à cause de cette proximité consanguine, la méchanceté dont il a fait preuve envers le peuple de Dieu au cours de sa dévastation est plus coupable que celle des autres. Alors que c’est pas esprit de conquête que les Tyriens, jaloux de la place qu’occupait Jérusalem sur le marché mondial, se sont réjouis à la nouvelle de sa chute, Edom était motivé par d’autres sentiments. C’est par vengeance, et en vue de dépouiller son frère de son héritage, qu’Edom s’est joint aux conquérants d’Israël au jour de sa ruine. Les intentions d’Edom étaient claires. Les fils d’Esaü voulaient s’adjoindre le pays délaissé pour le réunir au leur. Il n’y aurait alors qu’un seul pays, celui d’Edom, composé de l’Idumée et de tout le territoire d’Israël vidé de ses habitants.

La querelle qui oppose Edom et Israël est aussi vieille que les deux frères. Ensemble dès le ventre de leur mère, l’Ecriture rapporte qu’ils se disputaient déjà. Perplexe au sujet de cet état de fait, Rébecca, leur mère, consulta Dieu à ce propos. L’Eternel lui dit clairement que les deux enfants représentent deux peuples qui seront en concurrence. Un de ces peuples, précise-t-il, sera plus fort que l’autre et le plus grand sera asservi au plus jeune : Genèse 25,22-23. Plus tard, l’Ecriture rapporte que Jacob, le cadet, réussira par ruse à s’emparer du droit d’aînesse méprisé par son frère Esaü, né le premier : Genèse 27. Cette perte, qui valut à Esaü une dévaluation de son héritage, ne fut jamais totalement oubliée par ses descendants. Au cours des générations, l’hostilité d’Edom envers Israël ne diminua pas. Aussi, dès que l’occasion se présenta, le frère de Jacob n’hésita pas à prêter main forte à ses ennemis pour le combattre et le vaincre.

V 11 à 14 : le jugement de Dieu

Dans toute sa haine contre Israël, Edom a oublié quelqu’un : l’Eternel. Si des facteurs humains ont joué dans la privation de la primauté d’Esaü sur Jacob, la décision qui fonda cet ordre ne revenait pas aux deux hommes, mais à Dieu. « J’ai aimé Jacob et j’ai détesté Esaü, dit Dieu : Malachie 1,2-3. » Le sentiment de Dieu à l’égard des deux frères ne venait pas du tempérament dont ils ont fait preuve après leur naissance. Il était le jugement de Dieu avant même qu’ils aient fait quoi que ce soit :  Romains 9,11-13. » Il est le fruit de l’élection souveraine et gracieuse de Dieu. Aussi, en voulant reprendre à Israël par la violence ce dont il se croyait privé par la ruse, Edom s’en prenait en réalité à l’Eternel, le vrai propriétaire du pays. Le jugement de Dieu sur la haine d’Edom à l’égard de son frère sera sans appel. Alors qu’Israël est promis à une résurrection et un nouvel avenir fait de paix et de prospérité, Edom est voué à une destruction définitive. Les autres nations auront part à la joie universelle au jour où le Messie de Dieu règnera parmi son peuple. Edom, non ! Le pays restera un désert, une ruine, une contrée inhabitée, un endroit dévasté pour toujours. Il sera le témoignage perpétuel de la gravité du péché que représente le crime d’un proche parent aux yeux de Dieu. La ruine d’Edom ne sera pas vaine pour son frère. Elle contribuera avec d’autres éléments à ce qu’Israël reconnaisse en Dieu, son Dieu !

lundi 7 décembre 2020

EZECHIEL 34

 

V 1 à 4 : portrait des mauvais bergers

La figure du berger est, sans nul doute, celle que la Bible affectionne le plus pour décrire le rôle et la mission de ceux que Dieu place à la tête des peuples pour les conduire. La mission du berger auprès de son troupeau est double. Elle est en premier d’assurer sa sécurité face aux prédateurs, puis de veiller à ce que les brebis qui sont à sa charge ne manquent de rien. Dans sa relation avec ses brebis, le berger a quelque chose de plus qu’un chef d’entreprise. Jésus dit qu’il connait chacune d’elles par son nom : Jean 10,3. Les brebis ne sont pas pour le berger une masse uniforme et indistincte. Il a une relation personnelle avec chacune. Il connait celles qui sont facilement effrayées, celles qui sont têtues et ont un penchant pour l’indépendance. Il discerne parmi toutes celles qui sont malades, affaiblies… Chaque brebis compte à ses yeux, au point que si l’une s’égare, dit encore Jésus, il délaisse pour un temps le reste du troupeau pour se mettre à sa recherche : Luc 15,4.

Ce n’est pas un hasard si David, le roi selon le cœur de Dieu, était berger avant de monter sur le trône d’Israël. Le métier qui était le sien avant d’être l’élu de Dieu devait lui servir de modèle pour la fonction qui l’attendait. David était un berger modèle. Pour rien au monde, il n’aurait laissé une brebis périr dans la gueule d’un prédateur cf 1 Samuel 17,34-35. David était prêt à risquer sa propre vie pour le salut d’une seule de ses bêtes. Il est l’exemple de ce que devait être les rois après lui.

Si certains des rois qui ont succédé à David ont marché sur ses traces, un grand nombre se sont révélés être des bergers indignes de ce nom. Ils n’ont pas vu dans le troupeau qui leur était confié des brebis dont il devait prendre soin, mais une source de profit qui servirait en priorité leur intérêt. Certes, les bergers, qui passaient des jours entiers à paître leurs troupeaux, ne le faisaient pas pour rien. En échange de leurs bons soins, les brebis leur fournissaient lait, viande et laine. La fierté du berger était d’avoir un troupeau en bonne santé. Les bergers d’Israël, dont Ezéchiel fait ici le procès, n’en avait cure. Tout ce qui les intéressait était de tirer le maximum de bénéfices de leurs animaux. La preuve de leur cupidité n’apparaissait pas dans leur façon d’agir envers les meilleures brebis, mais surtout envers les plus faibles. S’ils mangeaient la graisse et la viande des plus dodues, les plus faibles, les malades n’étaient l’objet d’aucune de leur attention. Qu’une brebis s’égare leur importait peu. Peut-être déplorait-il le manque de revenu que cette perte représentait, mais ils n’allaient pas risquer leurs vies pour la retrouver. Il n’y a dans le cœur des mauvais bergers aucune affection pour les brebis. Dureté et violence étaient les maîtres mots de leur comportement à leur égard.

Les prophètes qui ont précédé ou suivi Ezéchiel ont souvent dénoncé la manière d’agir des mauvais rois d’Israël et de Juda. Ils ont dénoncé avec vigueur leurs exactions envers les plus faibles : la veuve, l’orphelin, le pauvre ou l’étranger : Esaïe 1,17.23 ; Jérémie 7,6 ; 22,3 ; Ezéchiel 22,7 ; Malachie 3,5 : Zacharie 7,10. Jacques, dans sa lettre, accuse les riches des derniers jours des mêmes spoliations : Jacques 4,1 à 5. Pierre, quant à lui, invite les anciens des Eglises à veiller à la façon dont ils s’occupent des âmes qui leur sont confiés. « Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec dévouement ; non comme dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en étant les modèles du troupeau.  Et lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous obtiendrez la couronne incorruptible de la gloire : 1 Pierre 5,2 à 4. » Au-dessus des rois, des chefs, des bergers siège le souverain Pasteur de tous. C’est à lui que chacun devra rendre compte de la façon dont il a assumé sa fonction. Que la crainte de son nom soit un stimulant pour chacun à bien faire son travail !

V 5 et 6 : l’état du troupeau

Il en est des peuples comme d’une famille. Lorsque les parents des enfants remplissent correctement leurs fonctions, en se montrant aimant et attentionnés, ceux-ci ont de bonnes chances de se développer de façon saine. Mais qu’ils viennent à boire, se tromper ou être violent, alors les enfants ne tardent pas à mal tourner. Ne trouvant ni l’affection, ni la sécurité dont ils ont besoin à la maison, ils vont la chercher ailleurs. Ils deviennent la proie facile de prédateurs qui les entraînent dans toutes sortes de travers et de dérèglements. Devenus adultes, ils reproduisent à leur tour, si ce n’est la grâce de Dieu, le modèle parental qu’ils ont reçu. Si le peuple de Juda en est là où il se trouve, dit Ezéchiel, la faute première en revient aux mauvais bergers qui étaient à sa tête.

L’état d’un troupeau en dit long sur le sérieux ou non du berger qui en a la charge. Sous la conduite d’un pasteur fidèle, le troupeau vit dans la cohésion. Livrées à elles-mêmes sans direction ni attention, les brebis se dispersent et s’éparpillent dans toutes les directions. L’ours de la montagne ou le loup n’ont alors aucune peine à en faire leur menu. Sans défense aucune, elles sont sans force pour leur échapper. Si les tribus d’Israël ont été disséminées, exilées loin de leur pays, la responsabilité première en revient, dit Ezéchiel, aux rois infidèles qui étaient à leur tête. Ni l’Assyrie, ni le roi de Babylone n’auraient pu rendre captif le peuple de Dieu si les souverains qui se sont succédé avaient tous ressembler à David ou Ezéchias. En son temps, Sanchérib avait fait le siège de Jérusalem. Son armée en surnombre aurait pu facilement venir à bout de la résistance des Judéens. Mais Dieu était là pour soutenir son fidèle serviteur : 2 Chroniques 32. Le peuple de Dieu n’est livré à ses adversaires que lorsque la digue censée le protéger est elle-même abattue.

Les pasteurs ne sont pas responsables de tous les péchés qui se commettent dans les églises. Cependant, il est bon, lorsque des troubles se produisent et que la désobéissance à Dieu s’installe, qu’ils s’interrogent. Les brebis ont-elles reçu tous les soins dont elles avaient besoin ? Ont-elles été nourries par le lait et la nourriture solide de la parole ? Les bergers ont-ils été des modèles dans leurs vies et leur piété ? L’unité du troupeau a-t-elle été un objectif auquel ils ont travaillé ? La discipline a-t-elle été exercée avec fermeté lorsqu’il le fallait ? Que Dieu donne à ses serviteurs le sentiment de leur devoir et de leur redevabilité envers leur Seigneur !

V 7 à 10 : sanction des bergers infidèles

Y-a-t-il pire sort que celui d’un troupeau mené par un mauvais berger ? Sous la conduite d’un bon pasteur, les brebis n’ont à vivre aucune inquiétude. Qu’un danger se présente pour elles, le berger saura y faire face. Elles savent toutes qu’il est là pour elles, pour leur protection et leur soin. Les brebis sont en paix, parce que le berger est là pour leur bien. Avant d’être une fonction, être berger est une question de cœur. Lorsque celui-ci ne bat plus pour le troupeau, les brebis se retrouvent sans défense. Au lieu d’être sous l’aile du berger, elles se transforment en proies, devenant la nourriture des bêtes sauvages… si ce n’est celle des bergers eux-mêmes. Aveuglés par leur égoïsme, les bergers ont oublié une chose. C’est que le troupeau qui leur est confié ne leur appartient pas. Ils n’en sont que les gardiens. Dieu est son véritable propriétaire. Aussi va-t-il leur en retirer la garde. Malgré leur vulnérabilité, les brebis survivront. Les bergers, quant à eux, se verront privés de leurs gains et de leurs charges.

L’Eternel accomplira à la lettre la menace qu’il adresse ici aux mauvais bergers que furent les rois et les prêtres d’Israël. Avant Ezéchiel, le prophète Osée avait prédit qu’un temps viendrait au cours duquel le peuple de Dieu serait privé de la royauté et de la sacrificature. « En effet, dit-il, les Israélites resteront longtemps sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans éphod et sans théraphim. Après cela, les Israélites reviendront. Ils rechercheront l’Eternel, leur Dieu, et David, leur roi, et ils retourneront en tremblant vers l’Eternel et vers sa bienveillance, dans l’avenir : Osée 3,4-5. » Que chacun le sache ! Personne, dans l’œuvre de Dieu, n’est indispensable. C’est par sa faveur que Dieu nous choisit pour mener, paître et guider son peuple. Nous lui sommes redevables de la façon dont nous exerçons notre charge. Le troupeau qu’il nous confie n’est pas le nôtre, mais le sien.

V 11 à 16 : je serai leur berger

Les bergers que Dieu avait placé à la tête du troupeau ayant failli à leur tâche, Dieu se propose lui-même de les remplacer. Dans l’ordre normal des choses, le développement d’une œuvre va de sa gestion par son créateur vers la délégation par secteurs d’activité à d’autres personnes. La royauté mise en place en Israël au temps de Samuel visait cet objectif. Mécontents du système théocratique dans lequel ils vivaient, les Israélites demandèrent au juge qui les dirigeait un roi comme toutes les autres nations. L’Eternel y consentit, tout en les avertissant de la déception au-devant de laquelle ils allaient. Installé sur le trône, leur roi n’allait pas les servir, mais se servir lui-même : cf 1 Samuel 8. La prévision donnée par Dieu s’est confirmée. L’exil que va connaître le peuple de Dieu, sa dispersion parmi tous les peuples sont la conséquence directe de la délégation d’autorité voulue par le peuple au temps de Samuel. Non ! L’œuvre de Dieu ne sera jamais si bien gérée que par Dieu lui-même. Il doit en tout temps en être la tête. Ses serviteurs ne sont pas des chefs, mais des ouvriers qui collaborent avec lui. Tout renversement de cet ordre ne peut qu’aboutir à l’échec.

Après avoir fait le procès des bergers qui ont mené Israël, le plaidoyer divin modifie son sujet. Il passe du « eux » au « je ». Il n’y aura désormais plus de roi à la tête d’Israël. Tout ce qui va se produire pour ce peuple sera le fait de Dieu. Après l’exil et la dispersion, le premier travail de Dieu sera de procéder au rassemblement de ses brebis disséminées. Le mouvement de retour des Israélites vers leur pays sera si massif qu’il ne s’expliquera que par l’action de Dieu. Ce n’est pas à l’appel d’un homme que les Juifs prendront la décision de revenir dans leur pays, mais en réponse à la voix de Dieu. Parallèlement à l’alya, l’immigration des Juifs vers leur terre sainte, Israël connaîtra une résurrection physique sans pareille. En tant que berger, Dieu ne les conduira par vers un désert. Les brebis seront menées vers de riches pâturages. Elles se reposeront dans un domaine agréable fait de cours d’eau et de hautes montagnes. Dieu Lui-même veillera sur son troupeau pour qu’il ne manque de rien. En tant que berger, il sera aussi le juge de ses brebis. Il agira envers elles comme aucun roi ne l’aura fait avant lui, prenant soin des faibles et des blessés et détruisant celles qui se seront enrichies aux dépens des autres. Que le temps vienne, ô Dieu, où tu seras le berger reconnu d’Israël, ton peuple !

V 17 à 24 : tri sélectif

La restauration d’un état qui a failli nécessite davantage que le retour à la condition qui a précédé sa ruine. Si des mesures ne sont pas prises pour réformer ce qui l’a provoqué, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Outre le fait que le troupeau de Dieu était mené par de mauvais bergers, la raison de sa dispersion tenait aussi aux violences et aux exactions qui se pratiquaient entre elles. Les boucs, les béliers et les brebis grasses et vigoureuses spoliaient et maltraitaient les plus faibles. Les forts abusaient de leur pouvoir et de leur santé au détriment des faibles. Ils rendaient leur conditions de vie plus difficiles encore que ne le faisaient les mauvais bergers. Il fallait non seulement que le troupeau soit guidé autrement, mais qu’entre les brebis une discipline ferme et impartiale soit exercée. C’est ce que promet de mettre en place le Seigneur à l’avenir pour le bien du troupeau.

Pour se faire, un tri sélectif radical s’opérera entre les brebis. Sous la conduite du fils de David, le Christ, le Seigneur s’engage à ce que soit mis fin aux exactions commises dans le passé contre les plus faibles. Il n’y aura plus dans le troupeau de Dieu de brebis qui s’engraissent tandis que d’autres souffrent de la faim. Il n’y aura plus qu’un seul berger qui veillera sur toutes et agira de manière à ce que chacune soit traitée avec équité. Les brebis ne seront plus perçues par quiconque comme un butin ou une source de profit. Elles seront considérées pour ce qu’elles sont, des membres du troupeau bien-aimé du berger. Chacune d’elles aura la même valeur, la même importance que sa voisine, qu’elle soit frêle, fragile ou en bonne santé.  Il n’y aura pas dans le troupeau de séparation, de clans dus à des différences d’état entre les brebis, mais un seul ensemble dans lequel chacune trouvera sa place et jouira de l’estime des autres.

La réalisation de la promesse de Dieu pour Israël est certaine. Nous la voyons concrétisée dans l’Evangile sous la houlette de Jésus, le bon berger. Au temps de sa gouvernance, il n’y aura plus de brebis éparses, mais un seul troupeau conduit par un seul berger : Jean 10,16. Il n’est plus fait mention également de tensions ou de divisions dues à des attitudes sectaires ou malveillantes entre les brebis. La cohésion du troupeau est assurée par la soumission et l’écoute de chacune à la voix du berger qui les conduit toutes vers de bons pâturages. Que le jour vienne, ô Dieu, où tout Israël revienne à toi et reconnaisse en ton Fils, le berger que tu lui donnes pour le conduire.

V 25 à 31 : une alliance conclue

Outre le fait que le Seigneur se propose lui-même dans l’avenir de mener et paître Israël, c’est par une alliance unilatérale qu’il ratifie l’engagement qu’il prend à l’égard de son peuple. Cette alliance lui garantit tout ce qu’Israël a perdu à cause de son péché et qui lui était promis à l’entrée de Canaan : la paix, la sécurité et la prospérité. Il n’y aura plus dans tout le pays aucun lieu, ni endroit hostile pour les Israélites. Les brebis, on le sait, ne sont pas des animaux qui ont de quoi se défendre. Seule dans le désert, perdue dans une forêt, une brebis ne peut que finir dans la gueule d’un prédateur. Une telle situation ne pourra plus dans l’avenir arriver pour personne en Israël. Le pays sera si sécurisé qu’aucune nation étrangère ne se risquera à l’attaquer. L’alliance de paix et de prospérité que Dieu contractera avec Israël ne touchera pas qu’à sa sécurité intérieure. Elle s’étendra aux bienfaits que lui procurera en temps voulu la nature. La pluie et le soleil, sous les coups de la colère de Dieu, peuvent se changer en inondations ou sécheresses dévastatrices. De tels phénomènes, visibles aujourd’hui sur toute la terre, n’auront plus lieu en Israël. Les pluies tomberont avec mesure en temps voulu. La terre, les vergers, les jardins, sous l’effet d’un climat propice, produiront fruits et légumes en abondance. Il n’y aura personne dans le pays qui mourra de faim. Les Israélites dans leur ensemble reconnaîtront alors que l’Eternel est leur Dieu et qu’il n’y a en a point d’autre. Que ce jour vienne, ô Eternel, où tu feras comme jadis alliance avec ton peuple sous la direction du fils de David, leur berger !