mardi 7 juillet 2020

EZECHIEL 16

Qu’est-ce donc qui justifie la sévérité du jugement de Dieu sur Jérusalem ? Dans l’Ecriture, les jugements que Dieu prononce sont toujours établis sur la base du même paramètre. Alors que nous, humains, prononçons trop souvent des jugements hâtifs, à partir d’une connaissance partielle des êtres ou des événements constitutifs de leur histoire, Dieu juge toujours en toute connaissance de cause de tous les antécédents, les faits et les opportunités qui ont fabriqué la trame du vécu de l’objet de Son jugement. Parce que Dieu est ce qu’Il est, le regard, l’appréciation qui décident des arrêts qu’Il prononce sur les êtres et les nations, proviennent toujours de la vue d’ensemble parfaite que Dieu possède de leur parcours. Le jugement n’est pas toujours dernier, mais au temps où il est prononcé, il est toujours juste, car rien de ce qui fait l’anamnèse de l’objet qu’il concerne n’est inconnu du Juge. Quelle connaissance Dieu a-t-Il de Jérusalem, la ville qu’Il juge au temps d’Ezéchiel ? Ce chapitre est là pour nous le montrer !

V 1 à 5 : les antécédents de Jérusalem

Si Jérusalem est devenue ce qu’elle a été au temps de David ou Salomon, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant d’être la ville sur laquelle Dieu portera Son choix pour en faire la capitale d’Israël, Son peuple élu, Jérusalem a eu un passé beaucoup moins glorieux. Amoréenne et hittite par ses origines, Jébus (le 1er nom de la ville) était une cité méprisable, de peu d’importance. Si ce n’était le fait de la grâce de Dieu, Jébus ne serait jamais devenue la ville qu’elle est devenue, Jérusalem, une cité au rayonnement mondial. A peine née, Jébus, à cause du désintérêt que lui portait ses voisins, n’avait que peu de chances de vivre. Laissée à elle-même, elle serait disparue aussi rapidement qu’elle était apparue.

« Le paradoxe de Jérusalem pourrait se résumer en quelques mots, dit Vincent Lemire : une bourgade ne présentant pas une importance stratégique majeure, dépourvue de ressources naturelles enviables, est devenue le centre névralgique d’un conflit régional aux répercussions mondiales… Le site de Jérusalem cumule pourtant de nombreux handicaps. Au cœur d’une zone montagneuse, il est à l’écart de grandes routes commerciales ; le principal axe routier reliant la Transjordanie à la plaine côtière passe en effet au nord de Jérusalem. La première agglomération tenait tout entière sur un éperon rocheux situé au sud de l’actuelle esplanade des Mosquées.[1] »

Comme il en est de Jérusalem, il est vital pour la qualité de notre relation avec Dieu que nous nous souvenions d’où nous venons, ce que nous étions avant que Dieu porte Son choix pour faire de nous Son peuple. Rien venant de nous n’était digne d’un intérêt de Sa part. Ce qui fait notre valeur et notre gloire ne vient ni de nos origines, ni de nos qualités naturelles, mais de la distinction dont nous avons été l’objet par la grâce de l’élection : cf Galates 1,13 à 15.

V 6 à 8 : l’alliance de grâce de Dieu fait naître Jérusalem

Programmée pour mourir dès sa naissance, Jérusalem ne doit sa survie qu’à Dieu. C’est par la volonté de Dieu que, malgré les circonstances adverses et défavorables qui ont entouré la naissance de Jérusalem, celle-ci a subsisté. L’histoire de Jérusalem rejoint ainsi dans ses origines celle de multiples enfants de Dieu qui, au vu du contexte dans lequel ils ont vu le jour, n’avaient pratiquement aucune chance de vivre. Ces récits nous enseignent que, quelle que soit les contingences qui président à notre arrivée dans ce monde, ce ne sont pas les éléments extérieurs qui décident de la pérennité de notre vie, mais Dieu.

Ayant survécu suite à son entrée précaire dans ce monde par la volonté de Dieu, Jérusalem n’est pas restée l’enfant sale et chétive qu’elle était. Par la bonté de Dieu, elle s’est multipliée, développée jusqu’à devenir une magnifique jeune femme désirable. Jérusalem cependant n’avait toujours pas d’époux. Elle continuait à vivre dans l’état de nudité qui l’avait vu apparaître, vulnérable et sans défense. Cette période de la vie de Jérusalem, symbole d’Israël, nous est bien connue. Elle correspond à l’adolescence d’Israël, temps où il n’a pas encore d’existence propre et où il est au service de l’Egypte qui l’exploite pour les intérêts qu’il y trouve. Mais la grâce de Dieu qui a permis à Israël de naître, puis de se développer, ne va pas s’arrêter là. Le temps vient où le projet secret de Dieu pour lui va être sen œuvre. Israël va être plus qu’une enfant qui doit sa vie à la compassion de Dieu. Le temps des amours venu, c’est au mariage que l’Eternel pense pour elle. Et qui peut-elle avoir comme meilleur époux que Celui qui l’a aimé dès sa naissance ?

V 9 à 14 : la gloire d’Israël

Choisi par Dieu, Israël ne doit dans ce monde son rayonnement, sa gloire que par les richesses que Dieu lui a données comme peuple élu dans Son amour. Sorti d’Egypte, Israël a été débarrassée de son ancienne condition, affranchie de l’esclavage. Héritant d’un pays magnifique où coulent lait et le miel, elle est devenue un véritable royaume dont la réputation s’est étendue de plus en plus parmi les nations. En effet, le projet de Dieu pour Israël dépasse de loin le cadre d’une amnistie de ses péchés ou la délivrance de sa condition misérable. Dieu veut être l’époux d’Israël. Il veut que, parmi les peuples, Israël soit la démonstration de l’élévation, de la dignité, de la beauté que confère le statut d’élu et de choisi. Il a choisi Israël pour qu’il devienne le témoignage du rayonnement de Sa propre gloire. C’est pourquoi Il estime que rien n’est trop beau pour parer, orner, magnifier le peuple qu’Il a choisi. Le femme, dit l’apôtre Paul, est la gloire de son mari. Elle contribue plus que quiconque à sa réputation, l’élévation de son nom : cf Proverbes 31,23. Aussi convenait-il pour Dieu qu’Israël, dans les attentions dont il fut l’objet de Sa part, n’ai rien à envier à qui que ce soit !

Ce qui est vrai pour Israël l’est aussi pour nous, l’Israël de Dieu aujourd’hui. Les richesses dont nous sommes l’objet de Sa part ne sont pas les mêmes que celles de l’Israël géographique. Mais, nous pouvons exalter Dieu pour Sa grâce. Aucun peuple, aucune nation, aucun sectateur d’aucune religion ne peut se vanter de posséder ce que nous avons. Qui d’autre que nous connaît Dieu en intimité ? Qui d’autre que nous peut s’approcher de Lui sans crainte, pardonné, justifié, reçu, accueilli, adopté en Jésus-Christ ? Qui d’autre que nous est appelé par Lui saints, justes, bien-aimés ? A qui d’autre que nous a-t-Il fait la promesse d’être rendus un jour semblable à Lui ? Que, par notre vie, nous puissions être le témoignage de la beauté, de la joie, de la richesse que signifie le fait d’être les élus du cœur de Dieu !

V 15 à 23 : prostitution

Quel a été le péché d’Israël ? Quelque part, il est le même que celui qui a présidé à la chute de l’ange déchu. Alors qu’Israël a reçu de Dieu tout ce qui faisait sa renommée, sa gloire et sa beauté parmi les nations, il a utilisé ses atouts pour servir ses propres fins et attirer à lui une infinité d’amants. C’était pour Lui, pour magnifier Son nom que l’Eternel avait paré Israël de tant de charmes et d’atours. Par elle, Il voulait que Sa gloire, en tant qu’Epoux, soit manifestée et célébrée au-dessus de tout. Mais Israël n’en a pas jugé ainsi. Au lieu de voir la grâce reçue comme le moyen que lui a donné son Dieu pour exalter Son nom, Israël l’a détourné pour servir ses propres fins. Il a troqué sa mission d’épouse pour se muer en séductrice. En place de s’offrir à Dieu, Israël s’est prostitué à de multiples divinités, détournant de leur but initial les atours dont Dieu l’avait gratifié dans Son amour. Dans sa frénésie idolâtre, rien de ce que Dieu lui avait donné n’a été préservé. Tout, jusqu’à ses fils et ses filles, a été sacrifié à sa passion dévorante. Israël a mis en oubli, non seulement la bonté dont il a été l’objet de Dieu, mais Sa grâce envers lui et l’état misérable duquel celle-ci l’a retiré.

La conduite d’Israël envers son Dieu met le doigt sur le caractère pervers de l’idolâtrie, péché qui est le sujet d’accusation premier du départ de la gloire de Dieu du milieu de Son peuple, thème du livre d’Ezéchiel. Dans le cas d’Israël, l’idolâtrie est autre chose que le fait d’apporter sa louange ou son adoration à d’autres dieux que l’Eternel, comme le font les païens. L’idolâtrie est une trahison d’un être aimé quant à l’amour dont il a été l’objet de la part de celui qui l’a aimé. C’est une façon de détourner vers d’autres objets l’amour par lequel on s’est lié par alliance à celui avec lequel on ne fait désormais plus qu’un. L’idolâtrie est de la part d’Israël un abus de la grâce donnée, un cocufiage divin, un acte de malversation patenté à l’égard de toutes les bontés et largesses gracieuses dont il a été l’objet de la part de son Dieu. La démarche de l’idolâtrie n’est pas le fait d’une faiblesse due à l’attrait irrésistible qu’exerce un amant sur le cœur de l’épouse qu’est Israël pour Dieu. C’est le fruit d’une entreprise de séduction volontaire de sa part, validée par de multiples démarches initiées par Israël. C’est une action décidée d’utiliser de manière comptable les richesses reçues de l’Epoux divin pour attirer à soi des galants dans le seul but de trouver sa satisfaction dans le désir de plaire.

Il nous faut apprendre de l’extrémité à laquelle est parvenue Israël dans le détachement de son cœur à l’égard de Dieu, Son Epoux qui a tant fait pour lui. Une des causes récurrentes de la trahison des cœurs vis-à-vis de Dieu tient au même oubli : celui de la purification de ses anciens péchés : 2 Pierre 1,9. Le fait de se souvenir d’où il venait, de la condition à laquelle Dieu l’avait arraché, fut, pour l’apôtre Paul, un aiguillon qui, toute sa vie, le garda dans la gratitude et l’amour pour son Dieu : 1 Timothée 1,13. Que notre cœur sache une fois pour toutes qu’aucune affection ou passion ne peut lui donner une plénitude, un bonheur qui puissent égaler ceux que Dieu prodigue.

V 23 à 34 : perversité déterminée

Ce passage du livre d’Ezéchiel est sans aucun doute l’un des plus crus de l’Ecriture. Il l’est au point où certains commentateurs recommandent de ne pas en faire la lecture publique. Son obscénité tient à une seule raison. Par elle, Dieu veut montrer à Israël quelle vue lui offre le spectacle de sa bassesse. Quel qu’il soit, le péché de l’être humain produit toujours les mêmes effets sur le cœur de l’homme. Il le rend aveugle, l’endurcit, l’insensibilise. Qui s’habitue au péché ne se rend plus compte de sa gravité ou de sa perversité. Parce qu’il devient l’élément quotidien dans lequel il vit, le péché perd aux yeux de celui qui le pratique sa noirceur et sa puanteur. Pour qu’il en saisisse le caractère, il lui faut le voir avec d’autres yeux que les siens, ceux de Dieu. Il n’y a qu’au moment où nous voyons notre cœur comme Dieu le voit que nous en devenons horrifiés. Comme Nathan le dira à David, après son adultère avec Bath-Shéba et le meurtre d’Urie, son mari, nous réalisons alors que nous sommes cet homme-là, ce monstre qui nous indigne : 2 Samuel 12,7. Il nous faut ainsi être nous-mêmes choqués par ce que nous sommes pour nous amener à nous prendre en dégoût et nous repentir. Cette juste vision sur nous-mêmes ne peut venir de nous. Elle résulte de la lumière crue que Dieu jette sur nos ténèbres, lumière qui nous fait voir sans filtre le caractère avili de nos actes et de notre conduite.

Comment Dieu voit-Il l’idolâtrie d’Israël ? Elle est à Son égard, dit-il, semblable à la manière d’agir d’une prostituée qui invite n’importe quel passant à s’accoupler avec elle. Sans distinction, sans sentiment, sans autre considération que celle de s’offrir au premier venu, la prostituée est prête à écarter les jambes pour accueillir son client. A la rigueur a-t-elle ses préférences ! Entre un client rachitique et un bel homme au corps d’esthète et « au gros membre », elle préfèrera le second. Mais ici s’arrête ses critères de sélection. Ce qui motive la prostituée n’est ni l’amour, ni même le plaisir, mais le gain. A ce sujet, dit Ezéchiel, Israël est pire qu’elle. Aucun prostituée ne paye ses clients pour qu’ils aient une relation sexuelle avec elle. Ce qu’une putain ne fait pas, Israël le fait. Comme si le fait de tromper son Dieu ne lui suffisait pas, Israël ira jusqu’à faire venir de loin (Egypte, Assyrie, Babylonie) les dieux de ces nations pour s’unir à eux. Israël ne tombera pas séduite dans leurs bras, mais après les avoir lui-même recherchés. Ses actes ne sont pas ceux d’une prostituée, mais d’une experte en prostitution, qualité dont elle a fait son métier au point d’en faire rougir ses voisines philistines qui, pourtant, ne connaissent pas son Dieu. Après ce qu’Israël a connu de Lui, qui aurait pu imaginer qu’il tombe dans un tel état de vulgarité ? Qui aurait pu penser qu’Israël devienne ce pays où, partout, fleurissent les hauts-lieux de sa prostitution ? Qui ne comprendrait dès lors la sévérité du jugement de Dieu sur lui ?

Ce qu’est devenu Israël témoigne d’un autre aspect de la perversité du péché. C’est le caractère insatiable de la passion qui le nourrit. Le péché est comme les 4 choses qui, selon le livre des proverbes, ne disent jamais assez : Proverbes 30,15-16. Il ne laisse jamais tranquille celui qui le pratique. Il lui faut constamment des nouveautés, quitte à faire descendre toujours plus bas celui qui s’y donne dans la déchéance. Le péché n’a ni limite, ni frontière. Il est capable de s’ingénier au mal dans des proportions insoupçonnées. La soif insatiable de plaisir qui le meut témoigne d’une réalité qui, cependant, glorifie Dieu. Cette réalité est que l’homme a été fait pour une félicité que seul Dieu peut apporter. A la Samaritaine qui avait connu 6 hommes, le Seigneur Jésus l’a dit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif. Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : Jean 4,13-14. Seul le Seigneur peut satisfaire le cœur qui a été fait pour Lui. C’est la leçon que doit apprendre Israël, et chacun de nous avec lui.

V 35 à 43 : le châtiment de la prostituée

La métaphore de la prostituée utilisée par Ezéchiel n’est pas qu’une figure de style. Si elle a pour premier objet d’exprimer ce que l’idolâtrie d’Israël est aux yeux de Dieu, les détails rapportés épousent la réalité de ce que fut la conduite du peuple de Dieu. De nombreux exemples pourraient être cités de cette volonté d’Israël, dans sa folle passion pour les idoles, d’imiter les pratiques abominables des nations étrangères. Il suffit de lire ce que furent les règnes de Jéroboam, d’Achab, d’Achaz, d’Amatsia ou de Manassé. La conduite des rois d’Israël et de Juda fut ainsi souvent hors de sens. Tantôt, comme le fit Achaz, roi de Juda, le souverain adoptait les dieux des peuples qui l’avaient vaincu, espérant par ce moyen renouer avec la victoire : 2 Chroniques 28,23. Ailleurs, folie plus grande encore, il faisait venir chez lui, tel Amatsia, les dieux qui n’avaient été d’aucun secours pour aider les peuples qu’il avait vaincu : 2 Chroniques 25,14. Non seulement l’idolâtrie aveugle et possède, mais sa pratique effrénée par les rois d’Israël et de Juda témoigne qu’elle est hors de toute raison.

Comment à la fois punir et purifier Israël de son idolâtrie ? Le principe adopté par Dieu est le même depuis le début des temps. Il s’agit de faire goûter au pécheur le mal dont son péché est porteur. Israël a préféré se détacher de Dieu pour s’unir à de multiples amants : ce sera par la colère de ses amants qu’elle connaîtra son châtiment. Epouse de Dieu, Israël avait acquis une dignité qui imposait le respect. Par son infidélité, elle s’est rendue abjecte, méprisable, non seulement aux yeux de Dieu, mais aussi à ceux à qui elle s’est unie. Quelle estime les habitants d’un quartier pourrait-il avoir pour une femme qui court la rue pour se prostituer à tous les passants ? La traînée n’a plus d’honneur, elle n’inspire plus aucune considération. Elle ne peut susciter à son égard que mésestime et abus. Si Israël va être l’objet du pillage de ses amants, ce n’est pas d’eux, mais de Dieu qu’elle reçoit ici le salaire de ses œuvres. Israël n’était pas une fille de la rue. Elle était une princesse choyée par son époux, parée telle une femme digne d’un rang royal. Son principal péché, déjà dénoncé, est d’avoir oublié d’où elle venait, de quelle faveur elle avait été l’objet. Pour revenir à ce qu’elle était, il faut que tout ce qu’elle a construit loin de son Dieu, lui soit ôté. C’est cette œuvre de jugement et de démolition, prélude à sa restauration, que vont opérer dans la fureur tous ses amants. Leur courroux à son égard sera le moyen par lequel la colère de Dieu sera assouvie contre elle.

V 44 à 52 : héritage familial

 Le constat est là ! Elu de Dieu, Israël, dans sa nature, n’est en rien différent des peuples par lesquels il est lié par les liens du sang. Israël n’est pas né saint. Il n’a pas été mis à part par sa naissance comme Jésus l’a été, immaculé, intact de tout péché. Israël est né comme tous les pécheurs. Il porte en lui la nature et les inclinaisons mauvaises de ceux de qui il provient. Sa mère était une Hittite et son père un Amoréen. Les dieux qu’ils servaient n’étaient pas Celui qu’Israël a connu par élection. Les peuplades qui sont autour de lui, réputées pour leur idolâtrie qui, telle Sodome, leur a valu le jugement de Dieu, ne lui sont pas étrangères. Israël est sa sœur, comme elle l’est aussi de Samarie.

Ce qui fait la gravité du péché d’Israël est qu’il a été l’objet d’un privilège qui aurait pu le différencier totalement des peuples qui font partie du cercle étroit de sa famille. Mais il n’en a rien fait. Au contraire, dit Ezéchiel ! Israël s’est corrompu à un tel point qu’au regard des abominations commises, ses sœurs, qui ont connu le jugement de la colère de Dieu, paraissent justes. Il y a, en effet, deux manières d’être justifié devant Dieu. La première tient à la grâce de Dieu seule. Elle est octroyée à tout pécheur qui en est l’objet sans aucun mérite de sa part. Il y en a une autre moins courante. Elle est le fruit de la comparaison entre les privilèges reçus. Plus une nation, un peuple, a reçu de Dieu bénédiction, lumière, abondance, plus on est en droit d’attendre de sa part une réponse de gratitude envers Lui, correspondante aux privilèges reçus. Si ce peuple favorisé devient, malgré la connaissance et la bonté dont il a été l’objet, pire que les autres qui n’ont pas bénéficié de ces dons, la justice réclame qu’il soit davantage châtié qu’eux. Sur le plan de la justice de Dieu, les autres restent coupables de leurs péchés, comme c’est le cas pour Sodome. Mais, à cause de l’équité, leur condamnation mérite, au regard des deux situations, non pas d’être annulée, mais reconsidérée quant à la mesure de culpabilité qu’on leur a prêté au moment de la sentence prise contre eux.

Le raisonnement que tient ici Ezéchiel n’est pas hérétique. Paul tenait le même sous la Nouvelle Alliance. « Si donc l’incirconcis (le païen), dit l’apôtre, respecte les commandements de la loi, son incirconcision ne sera-t-elle pas comptée comme circoncision ? Ainsi, l’homme qui accomplit la loi sans être circoncis physiquement ne te condamnera-t-il pas, toi qui la transgresses tout en ayant la loi écrite et la circoncision ? : Romains 2,26-27. » De même, qu’Israël soit de la même race que Sodome, le prophète n’est pas le seul à l’affirmer ! L’apôtre Jean aussi ose l’écrire : Apocalypse 11,8.

 Nous ne devons jamais oublier de quelle race perverse nous venons. Si nous le perdons de vue, jetons un œil à droite ou à gauche ! Regardons ce que ceux de nos familles qui ne sont pas au bénéfice de la grâce, deviennent ou sont devenus. Livrés à nous-mêmes, soustraits à l’influence bénéfique de l’Esprit de Dieu, sachons que nous pouvons être pires qu’eux. Parlant aux Corinthiens, Paul s’indigne qu’il se trouve au milieu d’eux une immoralité qu’on ne mentionne pas même chez les non-croyants : 1 Corinthiens 5,1. Nous avons du mal à le croire, mais la diatribe d’Ezéchiel nous persuade de cette possibilité. Que le Seigneur, par Son Esprit, nous secourt contre nous-mêmes et nous garde dans la sainte crainte de Son nom !

V 53 à 58 : promesses de restauration

Quelle est l’arrière-pensée de Dieu en rappelant à Israël les liens très étroits qui le lie à des peuples comme Sodome et Samarie qui ont été l’objet de Son jugement ? Il est double. Le premier, le plus immédiat est qu’Israël éprouve une honte profonde pour ses péchés. La réputation de Sodome et de Samarie n’est plus à faire. Parmi toutes les nations, elles sont connues pour leur perversité. Qu’Israël, le peuple choisi de Dieu, racheté par Lui à main forte et à bras étendu, soit ravalé à un rang inférieur aux leurs est la pire humiliation qu’il puisse recevoir. Celle-ci cependant n’est pas exagérée. Elle correspond devant Dieu à la réalité de l’état dans lequel Israël se trouve. Comme il en fut pour Sodome et Samarie, ses sœurs, l’heure est venue pour Israël d’être l’objet de la risée des autres peuples qui l’entourent. Israël, pour son bien et sa guérison, doit éprouver une telle honte pour ce qu’il est devenu, qu’il ne doit plus supporter de se regarder en face. Ce premier but atteint, Dieu peut agir pour révéler quel objectif secret se cache derrière l’humiliation.

Cet objectif est celui que Dieu poursuit, non seulement pour Israël, mais pour tout homme qui, comme lui, passe par la case remords et regret pour les fautes qu’il a commises. C’est l’objectif de la restauration par la grâce. Dieu, dit Paul dans la sagesse qui lui a été donnée, a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous : Romains 11,32. La désobéissance dans laquelle Dieu nous enferme n’est pas une prison dans laquelle nous sommes appelés à rester. Elle est le prélude nécessaire à notre libération. Par la désobéissance d’Israël, Dieu, dit Ezéchiel, ouvre la porte au pardon et à la restauration de ses sœurs impies, moins coupables que lui. Comment Dieu pourrait-il faire grâce à Israël, Son peuple choisi, qui s’est avili à Ses yeux plus que les pires des nations païennes, sans leur tendre aussi la main pour les accueillir. La grâce triomphante de Dieu est le plus beau mystère de l’Ecriture. Elle est le secret le plus profond de Son être, celui qui a pris au dépourvu les puissances adverses incapables de concevoir l’extrémité des limites de l’amour longanime de Dieu. A la vue de la victoire de la grâce sur le péché de tous, Paul ne peut s’empêcher d’exalter les voies insondables de Dieu. « Combien profondes sont les richesses de Dieu, sa sagesse et sa science ! Nul ne peut sonder ses jugements. Nul ne peut découvrir ses plans : Romains 11,33. » La grâce souveraine de Dieu est le seul espoir duquel les pécheurs ne peuvent jamais désespérer !

V 59 à 63 : nouvelle alliance

Où se trouve l’avenir d’Israël ? Israël, dès son enfance, a été le peuple choisi par Dieu. Plus tard, alors que sous la conduite de Moïse Il le sortit d’Egypte, Il conclut avec lui une alliance sur la base de la loi. Par cette alliance, Israël devenait le peuple de Dieu, sujet de Sa protection et de Sa bénédiction, s’il Lui restait fidèle. Manifestement, ce ne fut pas le cas. Par son idolâtrie et ses désobéissances répétées, Israël rompit l’un après l’autre ses engagements envers son Dieu. Que peut dès lors encore espérer Israël ? L’alliance conclue sur la base de la loi ne lui laisse qu’une perspective : le rejet et la condamnation.

Si l’espoir d’Israël ne peut se trouver dans l’alliance conclue sur la base de la loi, alliance qui conditionne les promesses de Dieu à son obéissance, il n’en est pas pour autant totalement anéanti. Car au-delà de l’alliance mosaïque, Israël existe, en tant que peuple de Dieu, par le choix souverain de Dieu déterminé par Sa grâce. Israël ne s’est pas montré digne de Son appel et de Son élection. Mais celle-ci ne peut être rendu caduque par ce fait. L’élection d’Israël dès son enfance ne repose que sur le choix souverain de Dieu motivé par Sa grâce. Toute l’histoire qu’Ezéchiel a égrainé dans ce chapitre l’atteste. Le statut de peuple de Dieu qu’Israël possède lui a été attribué sans aucun mérite et sous aucune condition. S’il l’a acquis sur cette base, il lui est impossible de le perdre sur une autre. C’est pourquoi le Seigneur l’atteste : l’alliance de grâce par laquelle Israël a été établi peuple de Dieu est une alliance éternelle. Elle peut l’être parce que celle-ci repose uniquement sur l’engagement de Dieu à la fidélité sur la base de Sa grâce souveraine. Israël n’a ici rien à apporter, ni à prouver. Tout est dû à la grâce de Dieu pour Sa seule gloire !

Si la grâce souveraine de Dieu est le seul fondement qui assure la pérennité d’Israël comme peuple de Dieu, le bénéfice qu’il en retire ne le touche pas lui uniquement. La grâce de Dieu possède en elle des pouvoirs que rien d’autre ne peut égaler. La désobéissance d’Israël rendant impossible sa disqualification comme peuple de Dieu devient source d’espoir, non seulement pour lui, mais pour ses sœurs. Condamnées elles aussi pour leurs péchés, elles peuvent, au regard de la grâce dont Israël bénéficie, trouver à leur tour espoir en son Dieu. Car Israël, s’il a été élu dès son enfance par Dieu, ne l’a pas été pour lui. Il l’a été pour servir d’exemple à tous les peuples de l’accueil dont ils peuvent faire l’objet de Sa part en vertu de Sa grâce. Israël doit passer par la repentance et l’humiliation à cause de ses péchés. Mais ce passage obligé n’est pas une fin en soi. Il est le prélude d’une restauration destinée à être une bénédiction pour le monde entier : cf Romains 11,12. « Si Israël, le peuple élu de Dieu qui L’a tant déshonoré, a pu être rétabli sur la base de la grâce souveraine de Dieu, pourquoi ne le serions-nous pas, se diront les peuples ? Allez ! Venez et montons à la montagne de l’Eternel pour nous repentir, plaider Sa grâce en notre faveur et L’adorer ! »

La conviction d’Ezéchiel sur l’indissolubilité du statut de peuple de Dieu d’Israël à cause de la grâce souveraine de Dieu qui fonde son existence dès son enfance, rejoint celle que Paul défend et étaye dans son épître aux Galates. Se fondant sur la promesse que Dieu fit à Abraham, le père d’Israël, au sujet de sa descendance, Paul écrit que ce testament antérieur à la loi, ne peut être aboli par l’alliance contractée sur la base de la loi 430 ans plus tard : Galates 3,17. Ce qui est le plus ancien est aussi ce qui est le plus fondamental. Or, en nous rattachant à la foi d’Abraham, nous sommes nous aussi, païens devenus chrétiens, les objets de la même promesse. Béni soit Dieu pour l’alliance éternelle qui fait de nous Ses enfants sur la base de sa grâce souveraine !



[1] Jérusalem, histoire d’une ville-monde : Vincent Lemire : Editions Champs histoire


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire