mardi 21 juillet 2020

EZECHIEL 18

Les jugements de Dieu qui se produisent sur un peuple, en l’occurrence ici Israël, ne surviennent pas par hasard. Ils sont l’aboutissement de longues années pendant lesquelles la patience de Dieu a supporté les multiples désobéissances et révoltes du peuple qui la compose. Lorsque le châtiment arrive, il frappe une génération qui n’est pas forcément celle qui est la plus fautive. Celle-ci peut alors avoir l’impression qu’elle paye pour les autres, c’est-à-dire pour les fautes commises par les générations précédentes qui n’ont pas su se laisser corriger et avertir. En raison de ce fait, un proverbe auquel l’Eternel répond ici, circulait au temps d’Ezéchiel. Ce proverbe disait ceci : « Ce sont les pères qui mangent des raisins verts et ce sont les enfants qui ont mal aux dents. » Autrement dit : ce sont les pères qui ont fauté, mais ce sont les fils qui en supportent les conséquences.

Il est nécessaire pour juger de la validité de ce proverbe de comprendre les trois échelons à partir desquels s’organise dans un pays, et plus particulièrement en Israël, la vie communautaire.

A.       La nation

Le 1er échelon est celui de la nation. Il est facilement identifiable dans l’Ecriture, surtout dans les livres des prophètes. Lorsque Dieu se prononce sur une nation, c’est en vertu de l’histoire de cette nation et de ses péchés commis en tant que telle que le jugement est exercé. Les chapitres 1 et 2 du livre d’Amos sont un exemple explicite de cette manière d’agir de Dieu.

B.      La famille

Dès le départ de l’histoire de la foi, Dieu inclut la famille de celui qui croit dans les bénédictions qui lui sont promises : Genèse 17,7 à 9 ; Actes 2,39. Les enfants des parents croyants sont partie prenante de la bénédiction dont les parents sont l’objet, mais aussi, dans certains cas, solidaires avec la malédiction qui frappe leurs parents : Josué 7,24 à 26 ; Exode 20,5-6.

C.      L’individu

C’est ici la raison de la récrimination sous-entendue dans le proverbe qui circulait au temps d’Ezéchiel. Elle pose la question de savoir si, aux yeux de Dieu, l’individu a une existence spécifique qui le rend personnellement responsable de ses actes devant Dieu ou s’il ne fait que subir le sort ou bénéficier des grâces du groupe plus large dont il fait partie. La réponse de Dieu est clairement affirmative. Et pour la prouver, l’Eternel va énoncer au prophète trois cas de figure qui l’attestent.

Avant de les examiner, il nous faut tirer quelques conclusion de ce que nous avons vu ici. La première est que le jugement qui frappe une nation ne signifie pas que tous les individus qui la composent sont fautifs au même niveau. Si Dieu envoie une famine ou une guerre dans un peuple, les justes de ce peuple ne seront pas épargnés. Dieu saura cependant, au jour du jugement final, différencier la responsabilité de chacun. Si des pères ont péché, Dieu, et c’est peut-être une nouveauté ici, s’engage à ne pas châtier les fils à cause d’eux. Ainsi, dans l’Ecriture, il paraît que les enfants sont au bénéfice des bénédictions qui reposent sur leurs parents, mais ils sont séparés d’eux quand il s’agit du jugement.

Les trois cas de figure énoncés par le Seigneur pour justifier de Sa façon de juger chacun :

1er cas de figure : le cas du juste : v 5 à 9

Si nous évoquons le jugement de Dieu, jugement qui s’applique à chacun à partir des mêmes critères, la 1ère question qui se pose est la suivante : sur quelle base ce jugement se fait-il ? A quoi Dieu regarde-t-il ? Tient-il compte d’abord des antécédents familiaux de la personne, du milieu dans lequel elle a évolué, des opportunités et des malchances qui se sont présentées à lui durant son parcours ? Rien de tout cela n’entre en ligne de compte. Dans le portrait du juste que l’Eternel dépeint ici devant nos yeux, un seul critère est appliqué pour évaluer la justice du prévenu qui comparait devant Lui. Le juste est celui dont le comportement et les actes témoignent du respect dont il fait preuve à l’égard des prescriptions et des règles énoncées par la loi de Dieu. La 1ère dimension examinée dans la vie du juste est celle qui touche à sa relation avec Dieu. Le juste aime-t-Il Dieu ? Le considère-t-Il réellement comme son Dieu ? La preuve en est donnée par son refus catégorique de participer à toute forme d’idolâtrie. La seconde dimension touche à son attitude envers ses prochains. Le premier d’entre eux est sa femme. Est-il fidèle à la femme de son cœur ou porte-t-il les yeux sur celle d’autrui ? Dans ses rapports avec son épouse, la pureté prend-elle le pas sur ses désirs ? L’examen s’étend ensuite à son comportement social. Exploite-t-il les autres ou est-il honnête et intègre dans ses affaires ? Fait-il preuve de bonté et de miséricorde pratique envers les nécessiteux ? Peut-il prêter sans exiger d’intérêt et est-il impartial dans les jugements qu’il prononce ? Pour ma part, je dois l’avouer : sans la médiation de Jésus pour ma vie, il m’est impossible, à la lumière de ces critères, de me définir comme juste. Je ne peux que louer Dieu pour la justification dont je suis l’objet de sa part en lui !

2ème cas de figure : le fils injuste du juste : v 10 à 13

Les critères de Dieu établis dans le 1er cas de figure, quel sera le jugement que Dieu prononcera sur le fils d’un juste qui se moque de l’exemple qu’est son père et se comporte en impie devant Dieu ? Il est évident qu’une telle question ne se poserait pas si, comme nous l’avons vu, la situation des individus en Israël n’était rattachée à un cadre plus large, celui de la famille. Le présupposé qui fonde le jugement de Dieu sur les fils est lié à la promesse que Dieu a faite d’inclure les enfants dans la bénédiction accordée aux pères qui marchent dans les voies de Dieu. Le jugement que Dieu prononce sur un fils impie ne tient pas seulement aux péchés manifestes dont il s’est rendu coupable par sa conduite profane et dissolue, mais aussi au fait que, comme Esaü, il a méprisé les bénédictions dont il était l’objet dans le cadre de l’alliance de Dieu avec la famille. La jurisprudence évoquée ici a valeur d’avertissement pour tous les fils de croyants au travers des siècles. Que personne ne se trompe à ce sujet ! Ce n’est pas le fait de naître dans une famille ou une lignée qui est au bénéfice des promesses de Dieu liées à l’obéissance de la foi qui garantit le salut. Le fils doit marcher sur les traces du père pour connaître et jouir de la faveur de Dieu… et en faire bénéficier sa postérité après lui. Le fils du juste jouit d’un privilège supérieur à celui de l’injuste, mais il est aussi chargé d’une plus grande responsabilité. Il est redevable à Dieu de la mesure supérieure de grâce qu’il a reçu par l’exemple de son père, poids qui le rend plus coupable que celui qui n’a pas eu ce modèle pour les mêmes péchés. « La promesse de Dieu est pour vous et vos enfants, dira Pierre à la Pentecôte… aussi longtemps que les enfants marchent dans les voies de leurs pères justes, ajoute ici Ezéchiel.

3ème cas de figure : le fils juste qui a pour modèle un père injuste : v 14 à 18

Le 3ème cas de figure que présente l’Eternel à Ezéchiel décrit la situation inverse du second. Alors que, dans le second, le fils péchait en ne suivant pas le modèle de justice qu’était son père, c’est ici le contraire qui se produit. Un fils qui a un père impie décide, par amour et par déférence envers Dieu, de se distancer de la conduite de son géniteur pour se conformer aux ordonnances et aux prescriptions données par Dieu dans sa loi. Qu’en sera-t-il de lui ? Sera-t-il, en vertu du lien familial indissoluble qui le lie à son père, englobé avec lui dans la réprobation divine à l’égard du chef de famille ? La réponse de Dieu est négative. Si le fils qui pèche, alors qu’il a sous les yeux le modèle de vie exemplaire d’un père juste, est doublement coupable du mal qu’il commet, celui qui sert Dieu sous l’autorité d’un père impie est doublement digne de l’approbation divine. Le jugement de Dieu sur chaque vie tient compte de toutes les influences, bonnes ou mauvaises, à partir desquelles se sont faits les choix qui sont à l’origine du comportement de chacun. Quoi qu’il en soit, l’âme qui pèche n’a pas d’excuse. Elle est coupable et, comme telle, elle doit subir la sanction que mérite le péché : la mort : Romains 6,23.

Quelles applications tirer des 3 cas de figures que Dieu vient de soumettre à Ezéchiel ? C’est ce à quoi la section suivante va répondre.

V 19 à 24 : applications

Dans les 3 cas de figure que l’Eternel a soumis à Ezéchiel, le même principe directeur se dégage de la façon avec laquelle Il juge chaque cas. Alors que, dans le cadre de l’alliance, les fils sont liés aux pères et les pères aux fils, en ce qui concerne le jugement final, chacun est jugé personnellement selon la conduite qu’il a adopté et la mesure de son obéissance à la loi de Dieu. Le rapport de causalité entre les générations est aboli pour privilégier le sens de la responsabilité individuelle. Parce que Dieu est juste, c’est selon la justice que le comportement de chacun sera apprécié. Si la théologie de l’alliance inclut les fils dans la bénédiction octroyée aux pères en vertu de la foi, elle les dissocie les uns des autres dans le jugement final qui sera porté sur chaque vie. Si le principe énoncé ici au temps d’Ezéchiel a pu étonner certains Juifs, il n’est pas nouveau. Au temps d’Abraham déjà, le premier qui fut bénéficiaire avec sa famille des promesses de l’alliance, il avait cours. Preuve en est par le fait que c’est là l’argument principal que le patriarche utilisera pour plaider devant Dieu en faveur de Sodome et de ses habitants. « Supprimeras-tu vraiment le juste avec le méchant ?... Celui qui juge toute la terre n’appliquera-t-il pas le droit ? : Genèse 18,22 à 26 ? »

Quel qu’ait été le parcours de chacun et le milieu qui l’a vu naître, le Juge de la terre appliquera envers chacun le droit. Personne ne pourra dire en éternité qu’il se trouve à une place indue, contraire à la justice et au droit. Le sort final de chacun de nous est, d’une certaine façon, entre nos mains maintenant. Si, saisi par la conscience de la gravité du mal qu’il commet, le méchant se repent et y renonce, s’il revient à Dieu de tout son cœur, le mal qu’il a fait dans le passé ne lui sera pas imputé. S’étant lui-même condamné, il ne le sera pas par Dieu. Il vivra grâce à la justice qu’il a pratiquée. Si, malgré la connaissance qu’il possède par expérience du bien qu’est une vie droite, le juste se met à se renier en faisant le mal, le même principe sera appliqué. La justice n’agira pas pour lui de manière rétroactive. Le juste devenu méchant sera jugé en fonction de l’état dans lequel le trouvera le Juge au moment de sa comparution devant lui. Aucun de ses actes de justice du passé ne sera pris en compte, puisqu’il a choisi de les renier au profit du mal.

Le principe directeur que Dieu met en avant dans le jugement qu’il rend témoigne d’une disposition constante de son Être à l’égard des pécheurs. Parce qu’Il est un Dieu porté à la bienveillance, qui ne désire pas la mort du pécheur mais sa conversion, Dieu patiente avant de juger. Il offre à chacun la possibilité de rentrer en soi-même pour se juger, avant que Lui ne le fasse. Dieu ne trouve aucun plaisir à livrer à la mort le pécheur. Il ne veut pas qu’il meure, mais qu’il vive. Aussi, la souffrance des réprouvés ne provient-elle pas de Dieu, mais du remords continuel que représente pour eux le fait de récolter ce qu’ils ont semé. Le ver qui les ronge et ne meurt point est celui du regret : regret trop tardif pour les fautes commises, regret du souvenir de toutes les occasions manquées données par Dieu pour qu’ils changent de conduite, regret de se trouver désormais dans une situation figée sans retour en arrière possible… C’est par l’unique grâce de Dieu que nous sommes sauvés. Mais c’est en vertu du principe de responsabilité que les « damnés » seront là où ils se trouveront ! Garde, ô Dieu, mon cœur de toute habitude de mal et donne-moi de me repentir aussi vite que possible dès que le péché a pris l’ascendant sur ma vie !

V 25 à 32 : réponse aux contestations de l’assemblée

Ecoutant ce que dit ici le Seigneur, il nous est difficile, à nous qui vivons dans une époque marquée par l’individualisme, de comprendre la réaction négative de certains Israélites quant à la manière d’agir de Dieu en ce qui concerne le jugement. En effet, dans la mentalité juive de l’époque, ce n’est pas l’individu mais la famille qui est la cellule de base de la relation contractuelle entre Dieu et son peuple. Dissocier l’individu de la famille est si contraire à l’habitude qu’une telle procédure de la part de Dieu passe aux yeux de certains comme un procédé injuste. Pour autant, Dieu ne se rétracte pas. Il réitère ce qu’il n’a cessé de marteler tout au long de ce chapitre. Les enfants ne paieront pas pour le péché des pères, et vice-versa. La justice des pères ne sauvera pas leurs enfants, et vice-versa. Chacun est redevable devant lui de ses choix moraux et de son comportement.

La réaction du peuple à l’égard de Dieu nous fait penser à celle, décrite en Matthieu 11,16 à 19, que Jésus rencontrera en son temps. Alors que la génération qui subissait le jugement de Dieu se plaignait de payer pour les fautes des pères : v 2, Dieu lui répond que ce n’est pas le cas. Même si la nation tout entière passe par le jugement pour ses péchés, chaque individu rend compte pour lui-même devant Dieu. Personne en éternité ne recevra de la part de Dieu un salaire qui ne lui sera pas dû. Le Juge de la terre appliquera envers chacun les préceptes du droit et de la justice, et rien d’autre. Loin de satisfaire les revendicateurs, la réponse de Dieu les irrite sur un autre point. Quoi que Dieu fasse, sa manière d’agir n’est pas correcte. Le vrai problème ne se situe pas du côté de Dieu, mais de celui des Israélites. Et il est double.

Le premier a trait au péché. Le peuple est si peu conscient de la gravité de son péché qu’il en vient à taxer Dieu d’injustice. Alors que l’annonce du terrible jugement de Dieu sur le péché devrait les jeter sur leurs genoux pour implorer sa miséricorde, les israélites passent leur temps à discuter et contester. Tant qu’il en sera ainsi, le jugement sera inévitable. Qui juge Dieu ne s’est pas encore vu tel qu’il est devant sa sainteté. Le second a trait à sa grâce. Au lieu de disputer Dieu au sujet de ses voies, les israélites, s’ils étaient conscients de sa disposition bienveillante à l’égard des pécheurs, saisiraient l’opportunité qu’il leur donne de se repentir comme ce qu’elle est : une grâce inouïe, inespérée, presque trop belle pour être vraie. L’aveuglement des israélites quant à la gravité de leurs péchés les rend aveugle sur la beauté de la grâce dont ils peuvent être l’objet. La situation de l’époque d’Ezéchiel est celle que nous rencontrons encore aujourd’hui. Que le racheté de Dieu exulte ! Car si le Très-Haut lui a ouvert les yeux sur sa faute, c’est pour les orienter ensuite vers la croix où son pardon lui est offert.


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