V 1 à 4 :
message aux montagnes d’Israël
C’est à une cible singulière que
l’Eternel ordonne ici à Ezéchiel de s’adresser. Jusque-là, le prophète a parlé
à la communauté d’Israël : Ezéchiel 3,1. Il
a illustré le message qui lui était destiné par des leçons de choses parlantes.
Cette communauté, comme toutes les autres, se définit par les pratiques qui
forment son quotidien. Elle y est tellement habituée qu’elle ne voit pas
forcément en quoi certaines d’entre elles sont source d’irritation pour son
Dieu. Il en était ainsi de l’habitude qu’avait le peuple de délaisser le temple
pour se rendre dans des lieux élevés pour s’adonner à divers cultes. Les
montagnes si belles d’Israël étaient devenues des lieux d’idolâtrie. Sur ses collines,
près de ses cours d’eau, dans ses vallées, partout, des stèles, des autels s’élevaient
auprès desquels les fils et les filles d’Israël se rendaient pour chercher
aide, secours, réconfort auprès de divinités étrangères. Ces hauts lieux locaux
usurpaient la place que devait avoir le temple dans le cœur des Israélites.
L’histoire des hauts lieux de
culte n’est pas, au temps où écrit Ezéchiel, récente. Du temps des Cananéens
déjà, les hauts lieux servaient d’endroits où les peuplades païennes sacrifiaient
à leurs dieux. Alors qu’Israël était encore dans les plaines de Moab, Dieu
avait indiqué clairement à Moïse qu’au jour où il conquerrait le pays, ceux-ci
devaient être rasés : Nombres 33,51. Cet
ordre formel était une mesure de protection. Dieu ne voulait pas qu’Israël
devienne, comme les autres, un peuple superstitieux qui cherche dans les forces
de la nature sa protection et sa sécurité. C’est le Créateur seul qui devait
être l’objet de sa foi et de sa dévotion.
Malgré l’interdit ordonné par
Dieu, très tôt les Israélites se mirent à fréquenter les hauts lieux. Il n’y
allait pas pour prier des idoles, mais l’Eternel. La raison en était qu’il n’y
avait pas de lieu précis, de maison où se rendre pour lui rendre un culte :
1 Rois 3,2. Le temple érigé, on aurait pu croire
que l’habitude prise de se rendre sur les hauts lieux disparaisse. Ce ne fut
pas le cas. Dieu y était toujours invoqué et recherché, mais, à côté de lui, on
sacrifiait aussi à des divinités abominables : 1
Rois 11,7-8 ; 2 Rois 23,13. Les hauts lieux étaient les sites où s’exprimaient
l’idolâtrie et le syncrétisme religieux qui avait cours dans le pays. Dans les
textes historiques, la mention des hauts lieux n’est pas anodine. Elle est le
critère récurrent d’évaluation de la fidélité totale des rois à Dieu ou non :
1 Rois 15,14 ; 2 Rois 18,4. Dans le message
qu’il adresse aux montagnes, Dieu ne s’en prend à elle que pour ce qu’elles
sont pour le peuple : des lieux d’égarement spirituel. La colère de Dieu
ne va pas seulement tomber sur le peuple. Elle va s’abattre sur tous les lieux
qui leur ont servi à se corrompre sur le plan cultuel.
V 5 à 10 :
prostitution
Quel mot définit le mieux ce que
représente l’idolâtrie aux yeux de Dieu ? Ezéchiel le dit ici : une
prostitution. Une prostituée est une femme d’une autre espèce que l’adultère. L’adultère
rompt l’alliance qui la liait à son mari pour s’unir à un autre homme. Elle est
une épouse infidèle. La prostituée n’est pas attachée à un seul amant. Elle va
d’un homme à un autre pour copuler et se fait payer la vente de ses charmes. C’est
la première fois ici qu’Ezéchiel traite le sujet de l’idolâtrie sous cet angle.
Il y reviendra plus tard au travers de deux chapitres sans équivoque : Ezéchiel 15 et 23.
Le but du jugement par lequel va
passer le peuple est en lien direct avec le polythéisme auquel se donne le
peuple de Dieu. Le problème d’Israël se situe au niveau de son cœur. En
détruisant les lieux où le peuple se rendait pour forniquer avec d’autres
dieux, Dieu veut briser le cœur de prostituée d’Israël. Il veut éradiquer de
lui la disposition récurrente qui le pousse à se détourner constamment de lui
pour se laisser charmer par des idoles. Israël ne peut être guéri que s’il se
prend en dégoût pour ses pratiques abominables. Pour se faire, Dieu devra
sortir Israël de son cadre. Ce n’est que dans l’exil qu’il aura le recul
nécessaire pour juger du caractère haïssable de son péché pour Dieu. James
Packer dans son livre « Connaître Dieu » nous donne les raison de
cette détestation :
« Dieu dit de manière très
catégorique : Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation
quelconque des choses pour t’aider dans le culte que t rends à Dieu : Exode 20,4… Qu’est-ce qui justifie une interdiction
aussi sévère ? :
1.
Les images déshonorent Dieu parce qu’elles
ternissent sa gloire. Les représentations des choses qui sont dans les cieux
(soleil, lune, étoiles), sur la terre (hommes, animaux, oiseaux, insectes) et
dans la mer (poissons, mammifères, crustacés) sont précisément incapables de
représenter le Créateur. Ce n’est pas dans le monde, écrivait Calvin, que nous
pourrons trouver une image authentique de Dieu…
2.
Les images égarent les hommes. Elles font
naître des idées fausses sur Dieu. Parce qu’elles sont insuffisantes,
imparfaites, impropres, elles faussent l’idée que nous avons de Dieu, fixent
dans nos esprits des erreurs de toutes sortes concernant son caractère et sa
volonté…
Combien de fois entendons-nous des phrases du genre : « J’aime voir en Dieu un grand architecte (ou un grand mathématicien, ou un grand artiste) ; je ne peux penser à Dieu comme à un juge : j’aime penser à lui simplement comme à un père. » Nous savons par expérience que ce genre de remarques prélude souvent au refus d’accepter certaines affirmations bibliques concernant Dieu. Il est ici nécessaire d’affirmer avec la plus grande vigueur que ceux qui se croient libres d’avoir de Dieu l’idée qui leur plaît transgressent aussi le second commandement.[1] »
V 11 à 14 : les fléaux de Dieu
Dans la continuité de son rôle d’acteur,
Ezéchiel est invité à illustrer la douleur terrible que va connaître le peuple
de Dieu. Le prophète doit battre des mains, taper du pied et crier sa
souffrance à cause des pratiques abominables de la communauté d’Israël.
Anticipant ce qui va se produire, Ezéchiel voit venir les trois fléaux majeurs
de Dieu sur le pays, ceux qu’il réserve pour le jour de sa colère : l’épée,
la famine et la peste : Apocalypse 6,8. Le message
est clair ! Que celui qui pense être sauf parce qu’il réside loin des
lieux où se livre les combats ne se réjouisse pas. Il ne mourra pas par l’épée,
mais par la peste. Que celui qui échappe à ces deux maux ne se croit pas tiré d’affaire.
Il périra par la famine. Les anciens lieux de culte n’évoqueront plus pour les
survivants l’idolâtrie à laquelle ils se sont adonnés. Ils seront les tombeaux
des victimes tuées par les fléaux divins. C’est là, autour de leurs autels, que
seront dispersés leurs ossements et leurs cadavres.
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