jeudi 21 mai 2020

EZECHIEL 6

V 1 à 4 : message aux montagnes d’Israël

C’est à une cible singulière que l’Eternel ordonne ici à Ezéchiel de s’adresser. Jusque-là, le prophète a parlé à la communauté d’Israël : Ezéchiel 3,1. Il a illustré le message qui lui était destiné par des leçons de choses parlantes. Cette communauté, comme toutes les autres, se définit par les pratiques qui forment son quotidien. Elle y est tellement habituée qu’elle ne voit pas forcément en quoi certaines d’entre elles sont source d’irritation pour son Dieu. Il en était ainsi de l’habitude qu’avait le peuple de délaisser le temple pour se rendre dans des lieux élevés pour s’adonner à divers cultes. Les montagnes si belles d’Israël étaient devenues des lieux d’idolâtrie. Sur ses collines, près de ses cours d’eau, dans ses vallées, partout, des stèles, des autels s’élevaient auprès desquels les fils et les filles d’Israël se rendaient pour chercher aide, secours, réconfort auprès de divinités étrangères. Ces hauts lieux locaux usurpaient la place que devait avoir le temple dans le cœur des Israélites.

L’histoire des hauts lieux de culte n’est pas, au temps où écrit Ezéchiel, récente. Du temps des Cananéens déjà, les hauts lieux servaient d’endroits où les peuplades païennes sacrifiaient à leurs dieux. Alors qu’Israël était encore dans les plaines de Moab, Dieu avait indiqué clairement à Moïse qu’au jour où il conquerrait le pays, ceux-ci devaient être rasés : Nombres 33,51. Cet ordre formel était une mesure de protection. Dieu ne voulait pas qu’Israël devienne, comme les autres, un peuple superstitieux qui cherche dans les forces de la nature sa protection et sa sécurité. C’est le Créateur seul qui devait être l’objet de sa foi et de sa dévotion.

Malgré l’interdit ordonné par Dieu, très tôt les Israélites se mirent à fréquenter les hauts lieux. Il n’y allait pas pour prier des idoles, mais l’Eternel. La raison en était qu’il n’y avait pas de lieu précis, de maison où se rendre pour lui rendre un culte : 1 Rois 3,2. Le temple érigé, on aurait pu croire que l’habitude prise de se rendre sur les hauts lieux disparaisse. Ce ne fut pas le cas. Dieu y était toujours invoqué et recherché, mais, à côté de lui, on sacrifiait aussi à des divinités abominables : 1 Rois 11,7-8 ; 2 Rois 23,13. Les hauts lieux étaient les sites où s’exprimaient l’idolâtrie et le syncrétisme religieux qui avait cours dans le pays. Dans les textes historiques, la mention des hauts lieux n’est pas anodine. Elle est le critère récurrent d’évaluation de la fidélité totale des rois à Dieu ou non : 1 Rois 15,14 ; 2 Rois 18,4. Dans le message qu’il adresse aux montagnes, Dieu ne s’en prend à elle que pour ce qu’elles sont pour le peuple : des lieux d’égarement spirituel. La colère de Dieu ne va pas seulement tomber sur le peuple. Elle va s’abattre sur tous les lieux qui leur ont servi à se corrompre sur le plan cultuel.

V 5 à 10 : prostitution

Quel mot définit le mieux ce que représente l’idolâtrie aux yeux de Dieu ? Ezéchiel le dit ici : une prostitution. Une prostituée est une femme d’une autre espèce que l’adultère. L’adultère rompt l’alliance qui la liait à son mari pour s’unir à un autre homme. Elle est une épouse infidèle. La prostituée n’est pas attachée à un seul amant. Elle va d’un homme à un autre pour copuler et se fait payer la vente de ses charmes. C’est la première fois ici qu’Ezéchiel traite le sujet de l’idolâtrie sous cet angle. Il y reviendra plus tard au travers de deux chapitres sans équivoque : Ezéchiel 15 et 23.

Le but du jugement par lequel va passer le peuple est en lien direct avec le polythéisme auquel se donne le peuple de Dieu. Le problème d’Israël se situe au niveau de son cœur. En détruisant les lieux où le peuple se rendait pour forniquer avec d’autres dieux, Dieu veut briser le cœur de prostituée d’Israël. Il veut éradiquer de lui la disposition récurrente qui le pousse à se détourner constamment de lui pour se laisser charmer par des idoles. Israël ne peut être guéri que s’il se prend en dégoût pour ses pratiques abominables. Pour se faire, Dieu devra sortir Israël de son cadre. Ce n’est que dans l’exil qu’il aura le recul nécessaire pour juger du caractère haïssable de son péché pour Dieu. James Packer dans son livre « Connaître Dieu » nous donne les raison de cette détestation :

« Dieu dit de manière très catégorique : Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses pour t’aider dans le culte que t rends à Dieu : Exode 20,4… Qu’est-ce qui justifie une interdiction aussi sévère ? :

1.        Les images déshonorent Dieu parce qu’elles ternissent sa gloire. Les représentations des choses qui sont dans les cieux (soleil, lune, étoiles), sur la terre (hommes, animaux, oiseaux, insectes) et dans la mer (poissons, mammifères, crustacés) sont précisément incapables de représenter le Créateur. Ce n’est pas dans le monde, écrivait Calvin, que nous pourrons trouver une image authentique de Dieu…

2.       Les images égarent les hommes. Elles font naître des idées fausses sur Dieu. Parce qu’elles sont insuffisantes, imparfaites, impropres, elles faussent l’idée que nous avons de Dieu, fixent dans nos esprits des erreurs de toutes sortes concernant son caractère et sa volonté… 

Combien de fois entendons-nous des phrases du genre : « J’aime voir en Dieu un grand architecte (ou un grand mathématicien, ou un grand artiste) ; je ne peux penser à Dieu comme à un juge : j’aime penser à lui simplement comme à un père. » Nous savons par expérience que ce genre de remarques prélude souvent au refus d’accepter certaines affirmations bibliques concernant Dieu. Il est ici nécessaire d’affirmer avec la plus grande vigueur que ceux qui se croient libres d’avoir de Dieu l’idée qui leur plaît transgressent aussi le second commandement.[1] »

V 11 à 14 : les fléaux de Dieu

Dans la continuité de son rôle d’acteur, Ezéchiel est invité à illustrer la douleur terrible que va connaître le peuple de Dieu. Le prophète doit battre des mains, taper du pied et crier sa souffrance à cause des pratiques abominables de la communauté d’Israël. Anticipant ce qui va se produire, Ezéchiel voit venir les trois fléaux majeurs de Dieu sur le pays, ceux qu’il réserve pour le jour de sa colère : l’épée, la famine et la peste : Apocalypse 6,8. Le message est clair ! Que celui qui pense être sauf parce qu’il réside loin des lieux où se livre les combats ne se réjouisse pas. Il ne mourra pas par l’épée, mais par la peste. Que celui qui échappe à ces deux maux ne se croit pas tiré d’affaire. Il périra par la famine. Les anciens lieux de culte n’évoqueront plus pour les survivants l’idolâtrie à laquelle ils se sont adonnés. Ils seront les tombeaux des victimes tuées par les fléaux divins. C’est là, autour de leurs autels, que seront dispersés leurs ossements et leurs cadavres.



[1] Connaître Dieu : James Packer : Edition Grâce et vérité.


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