lundi 18 mai 2020

EZECHIEL 3

V 1 à 3 : le livre de Dieu ingéré

Obéissant à l’ordre de Dieu, Ezéchiel ingère le livre qu’il lui tend. Ezéchiel ne pourra s’adresser à la communauté d’Israël qu’après cet acte. Il faut que la parole que Dieu lui donne pénètre en lui, au plus profond de lui, avant de la ressortir sous forme d’oracles et de messages. Le processus par lequel passe Ezéchiel nous instruit sur la nécessaire assimilation personnelle du message que Dieu nous donne pour les autres. Qui ne rumine pas la Parole de Dieu ne peut en extraire la sève et en restituer le contenu, avec la force que veut lui donner l’Esprit.

Alors que le livre qu’Ezéchiel ingère n’est que complaintes, lamentations et gémissements : Ezéchiel 2,9, son goût lui est doux au palais. Le livre a dans la bouche du prophète la saveur sucrée du miel. L’apôtre Jean témoigne qu’il en fut de même pour lui, même si la suite fut moins agréable : Apocalypse 10,9. Le ressenti qu’a Ezéchiel au sujet du livre qu’il mange est encourageant. Avec Jérémie, Ezéchiel est sans nul doute, parmi les grands prophètes, celui qui aura les choses les plus difficiles à faire entendre. Pour autant, les messages de jugement et d’avertissement dont il sera le porteur ne l’écraseront pas. Douloureuses pour ses auditeurs, ses prédictions garderont un effet savoureux pour lui. Comme Jérémie en témoigne plus haut, la méditation de la Parole de Dieu est toujours source de régal pour l’âme de celui qui en est le héraut.  La fusion totale entre le messager et le message sera prégnante tout au long du parcours d’Ezéchiel. Ezéchiel sera un prédicateur courageux et consacré. Mais, plus que cela, sa vie entière servira de parabole et de support aux messages dont il sera le porteur. A partir du moment où il devient l’envoyé de Dieu, Ezéchiel ne s’appartient plus. Il est mort à lui-même. Il ne vit que pour illustrer et dire ce que Dieu lui ordonne de communiquer.

V 4 à 11 : une communauté de rebelles

Ezéchiel aurait pu penser que la mission que Dieu lui donnait d’aller vers la communauté de son peuple était préférable à celle d’aller vers d’autres peuples qui ne parlent pas le même langage que lui. Il n’en est rien. En l’envoyant vers son peuple, Dieu l’envoie vers le peuple le plus dur, le plus indocile, le plus rebelle qui soit. Ce peuple connait Dieu, sa volonté. Il sait qui il est. Mais il n’en veut pas ! Il n’écoutera pas le prophète qui lui parle en son nom, parce qu’il ne veut pas l’écouter, lui. Jésus, en son temps, a établi la même relation lorsqu’il adressa à Ses disciples son ordre de mission : Luc 10,16.

Aussi dur sera le peuple, plus dur sera encore le prophète. Non pas dans les mots, mais dans la capacité de leur faire face, de les confronter à la vérité de ce qu’ils sont. Être prophète de Dieu n’a rien d’une mission sentimentale. Le prophète est une épine dans les pieds du peuple qui marche sur la voie de la rébellion. Il est comme l’âne de Balaam qui se met en travers du chemin de sa folie pour lui barrer la route et l’avertir au nom de son Dieu : Nombres 22,22 à 30. Ezéchiel, dit Dieu, doit refuser de se laisser effrayer par l’opposition à laquelle il devra faire face. Il ne doit en rien céder à sa pression. Au contraire, plus on s’oppose à lui, plus il doit résister, tenir tête, tenir bon dans la mission que Dieu lui a confiée.

Envoyé par Dieu, Ezéchiel part rempli des sentiments que celui-ci éprouve. Une colère, une furie sainte l’anime. Ezéchiel ne porte pas seulement le message de Dieu en lui. Il est habité par lui et tout son être, sa face, ses émotions l’expriment. Sommes-nous habités par la Parole que nous devons transmettre ou la débitons-nous comme le fait un professeur chargé de transmettre un savoir ? Rares sont les professeurs qui, enseignant sur les périodes de guerre traversées par leur pays, ne s’effondrent pendant qu’ils donnent leur cours. On ne demande pas à ceux-ci de vivre la guerre, mais d’en parler comme d’un fait historique. Toute autre est la mission qui est celle du prophète et du prédicateur. Il ne transmet pas seulement un message, mais il est habité par celui-ci. Les meilleurs prédicateurs sont ceux qui vivent le message qu’ils prêchent.

V 16 à 21 : sentinelle

Dieu insiste. Il redéfinit ici la mission principale qui sera celle d’Ezéchiel. Il est chargé d’être une sentinelle pour Israël. Il y reviendra encore une fois dans le livre : Ezéchiel 33. La mission principale de la sentinelle est de veiller, d’être en alerte, de manière à prévenir ceux de qui elle a la responsabilité du danger qui les guette. La sentinelle a la responsabilité des âmes, une responsabilité de vie et de mort. Si la sentinelle fait son travail, ceux qu’elle a alertés sont responsables de ce qui adviendra pour eux. Si elle ne le fait pas, Dieu lui en demandera compte. Elle ne sera pas coupable du péché des autres, mais coupable de ne pas les avoir avertis de manière à ce qu’ils puissent s’en détourner.

V 22 à 26 : parabole vivante

A plusieurs reprises, Paul se définira dans ses lettres comme le prisonnier du Seigneur : Ephésiens 3,1 ; 4,1 ; 2 Timothée 1,8 ; Philémon 1,1.9. L’idée qu’il voulait transmettre à ses lecteurs est qu’il n’était plus libre de ses mouvements. C’est le Seigneur qui supervisait les circonstances de sa vie. Paul était son détenu. Il ne s’appartenait plus, mais était entièrement captif du Christ. Alors qu’il vient de recevoir sa mission, Ezéchiel se trouve dans la même condition que Paul. Non seulement le message dont il est le porteur ne lui appartient pas, mais il n’est pas libre de le délivrer selon son bon plaisir. Les modalités par lesquelles la parole d’Ezéchiel sera audible à ceux à qui elle est destinée sont définies par Dieu.

Être porteur de la parole de Dieu nous oblige à vivre sous la contrainte de Dieu. La langue, selon Jacques, est le membre le plus indiscipliné du corps humain. « C’est un mal qu’on ne peut maîtriser : Jacques 3,8. » La discipline du Seigneur dans la vie d’Ezéchiel ira jusqu’au point de contrôle total de cet organe. Si libre d’habitude, la langue d’Ezéchiel restera collée à son palais, sauf pour les moments où elle s’exprimera au nom de son Dieu. Il en sera de même pour son corps. En tant que prophète, Ezéchiel pourrait, selon ses envies, décider des moments où il va à la rencontre de son peuple. Il ne le pourra pas. Lié par des cordes, il ne sortira de chez lui pour exercer son ministère que lorsque le Seigneur le lui dira. Les contraintes auxquelles sont soumis Ezéchiel ont un double but. Le premier est d’économiser la parole du prophète. Israël a tant entendu de choses que l’Eternel estime que la salive du prophète est trop précieuse pour être gâchée dans des redites qui ne portent aucun fruit. Il impose le silence à Ezéchiel comme Jésus se l’imposera face à ses contradicteurs avant sa mort : Matthieu 26,63. Le second est de donner un poids d’autorité inégalé aux paroles qu’Ezéchiel exprimera. Il faut que le peuple comprenne qu’avec Ezéchiel, un prophète se trouve au milieu d’eux : Ezéchiel 2,5. Trop longtemps, celui-ci a été séduit par de beaux-parleurs volubiles. La parole rare d’Ezéchiel est une parole précieuse, à prendre ou à laisser. C’est une parole de conclusion, qui n’a besoin ni d’explication, ni de justification. 

Même si, physiquement, Jésus n’a pas vécu dans la condition d’Ezéchiel, les limites dans lesquelles il était enserré par l’Esprit y ressemblent. Tous les mouvements de Jésus, toutes ses conversations ne nous sont pas rapportées dans les Evangiles. Ce qui est certain cependant est que le Maître, à cause de sa mission, n’était pas libre un seul instant de se défaire de sa captivité du Père. Il nous arrive quant à nous de faire ou de dire beaucoup de choses sans lien avec notre identité de Fils de Dieu. Prisonnier de Dieu, nos liens ne sont pas aussi serrés que ceux d’Ezéchiel ou de Jésus. Tout au long de la journée, ma langue remue aisément sans qu’un mors ne la bride. Mes pas font que je peux sortir de ma maison pour faire des choses futiles, sans rapport avec ce que je suis en Christ. Il n’en était pas de même des deux hommes auxquels je fais ici référence. A la croix, en particulier, Jésus connaîtra l’abrogation extrême de sa liberté. Incapable d’aucun mouvement, sa parole se fera rare. Sa langue, collée à son palais : Psaume 22,16-17, finira par se taire dans le dernier souffle qui mettra fin à son existence humaine. Jésus termine ici son parcours. Il n’avait plus rien à dire qu’il n’ait déjà dit. La langue du juste est un argent de choix, dit Salomon : Proverbes 10,20. Comme l’or pour l’orpailleur, que les paroles de notre Dieu aient toujours pour nous ce caractère précieux ! 

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