V 1 à 3 :
le livre de Dieu ingéré
Obéissant à l’ordre de Dieu,
Ezéchiel ingère le livre qu’il lui tend. Ezéchiel ne pourra s’adresser à la
communauté d’Israël qu’après cet acte. Il faut que la parole que Dieu lui donne
pénètre en lui, au plus profond de lui, avant de la ressortir sous forme d’oracles
et de messages. Le processus par lequel passe Ezéchiel nous instruit sur la
nécessaire assimilation personnelle du message que Dieu nous donne pour les
autres. Qui ne rumine pas la Parole de Dieu ne peut en extraire la sève et en
restituer le contenu, avec la force que veut lui donner l’Esprit.
Alors que le livre qu’Ezéchiel
ingère n’est que complaintes, lamentations et gémissements : Ezéchiel 2,9, son goût lui est doux au palais. Le
livre a dans la bouche du prophète la saveur sucrée du miel. L’apôtre Jean
témoigne qu’il en fut de même pour lui, même si la suite fut moins agréable :
Apocalypse 10,9. Le ressenti qu’a Ezéchiel au
sujet du livre qu’il mange est encourageant. Avec Jérémie, Ezéchiel est sans
nul doute, parmi les grands prophètes, celui qui aura les choses les plus
difficiles à faire entendre. Pour autant, les messages de jugement et d’avertissement
dont il sera le porteur ne l’écraseront pas. Douloureuses pour ses auditeurs, ses
prédictions garderont un effet savoureux pour lui. Comme Jérémie en témoigne
plus haut, la méditation de la Parole de Dieu est toujours source de régal pour
l’âme de celui qui en est le héraut. La
fusion totale entre le messager et le message sera prégnante tout au long du
parcours d’Ezéchiel. Ezéchiel sera un prédicateur courageux et consacré. Mais,
plus que cela, sa vie entière servira de parabole et de support aux messages
dont il sera le porteur. A partir du moment où il devient l’envoyé de Dieu,
Ezéchiel ne s’appartient plus. Il est mort à lui-même. Il ne vit que pour
illustrer et dire ce que Dieu lui ordonne de communiquer.
V 4 à 11 :
une communauté de rebelles
Ezéchiel aurait pu penser que la
mission que Dieu lui donnait d’aller vers la communauté de son peuple était
préférable à celle d’aller vers d’autres peuples qui ne parlent pas le même
langage que lui. Il n’en est rien. En l’envoyant vers son peuple, Dieu l’envoie
vers le peuple le plus dur, le plus indocile, le plus rebelle qui soit. Ce
peuple connait Dieu, sa volonté. Il sait qui il est. Mais il n’en veut
pas ! Il n’écoutera pas le prophète qui lui parle en son nom, parce qu’il
ne veut pas l’écouter, lui. Jésus, en son temps, a établi la même relation
lorsqu’il adressa à Ses disciples son ordre de mission : Luc 10,16.
Aussi dur sera le peuple, plus
dur sera encore le prophète. Non pas dans les mots, mais dans la capacité de
leur faire face, de les confronter à la vérité de ce qu’ils sont. Être prophète
de Dieu n’a rien d’une mission sentimentale. Le prophète est une épine dans les
pieds du peuple qui marche sur la voie de la rébellion. Il est comme l’âne de
Balaam qui se met en travers du chemin de sa folie pour lui barrer la route et
l’avertir au nom de son Dieu : Nombres 22,22 à 30.
Ezéchiel, dit Dieu, doit refuser de se laisser effrayer par l’opposition à
laquelle il devra faire face. Il ne doit en rien céder à sa pression. Au contraire,
plus on s’oppose à lui, plus il doit résister, tenir tête, tenir bon dans la
mission que Dieu lui a confiée.
Envoyé par Dieu, Ezéchiel part
rempli des sentiments que celui-ci éprouve. Une colère, une furie sainte l’anime.
Ezéchiel ne porte pas seulement le message de Dieu en lui. Il est habité par
lui et tout son être, sa face, ses émotions l’expriment. Sommes-nous habités
par la Parole que nous devons transmettre ou la débitons-nous comme le fait un
professeur chargé de transmettre un savoir ? Rares sont les professeurs qui,
enseignant sur les périodes de guerre traversées par leur pays, ne s’effondrent
pendant qu’ils donnent leur cours. On ne demande pas à ceux-ci de vivre la
guerre, mais d’en parler comme d’un fait historique. Toute autre est la mission
qui est celle du prophète et du prédicateur. Il ne transmet pas seulement un
message, mais il est habité par celui-ci. Les meilleurs prédicateurs sont ceux
qui vivent le message qu’ils prêchent.
V 16 à 21 :
sentinelle
Dieu insiste. Il redéfinit ici la
mission principale qui sera celle d’Ezéchiel. Il est chargé d’être une
sentinelle pour Israël. Il y reviendra encore une fois dans le livre : Ezéchiel 33. La mission
principale de la sentinelle est de veiller, d’être en alerte, de manière à
prévenir ceux de qui elle a la responsabilité du danger qui les guette. La
sentinelle a la responsabilité des âmes, une responsabilité de vie et de mort.
Si la sentinelle fait son travail, ceux qu’elle a alertés sont responsables de
ce qui adviendra pour eux. Si elle ne le fait pas, Dieu lui en demandera
compte. Elle ne sera pas coupable du péché des autres, mais coupable de ne pas
les avoir avertis de manière à ce qu’ils puissent s’en détourner.
V 22 à 26 :
parabole vivante
A plusieurs reprises, Paul se
définira dans ses lettres comme le prisonnier du Seigneur : Ephésiens 3,1 ; 4,1 ; 2 Timothée 1,8 ;
Philémon 1,1.9. L’idée qu’il voulait transmettre à ses lecteurs est qu’il
n’était plus libre de ses mouvements. C’est le Seigneur qui supervisait les
circonstances de sa vie. Paul était son détenu. Il ne s’appartenait plus, mais
était entièrement captif du Christ. Alors qu’il vient de recevoir sa mission, Ezéchiel
se trouve dans la même condition que Paul. Non seulement le message dont il est
le porteur ne lui appartient pas, mais il n’est pas libre de le délivrer selon
son bon plaisir. Les modalités par lesquelles la parole d’Ezéchiel sera audible
à ceux à qui elle est destinée sont définies par Dieu.
Être porteur de la parole de Dieu
nous oblige à vivre sous la contrainte de Dieu. La langue, selon Jacques, est
le membre le plus indiscipliné du corps humain. « C’est un mal qu’on ne
peut maîtriser : Jacques 3,8. » La
discipline du Seigneur dans la vie d’Ezéchiel ira jusqu’au point de contrôle total
de cet organe. Si libre d’habitude, la langue d’Ezéchiel restera collée à son
palais, sauf pour les moments où elle s’exprimera au nom de son Dieu. Il en
sera de même pour son corps. En tant que prophète, Ezéchiel pourrait, selon ses
envies, décider des moments où il va à la rencontre de son peuple. Il ne le
pourra pas. Lié par des cordes, il ne sortira de chez lui pour exercer son
ministère que lorsque le Seigneur le lui dira. Les contraintes auxquelles sont
soumis Ezéchiel ont un double but. Le premier est d’économiser la parole du
prophète. Israël a tant entendu de choses que l’Eternel estime que la salive du
prophète est trop précieuse pour être gâchée dans des redites qui ne portent aucun
fruit. Il impose le silence à Ezéchiel comme Jésus se l’imposera face à ses
contradicteurs avant sa mort : Matthieu 26,63.
Le second est de donner un poids d’autorité inégalé aux paroles qu’Ezéchiel
exprimera. Il faut que le peuple comprenne qu’avec Ezéchiel, un prophète se
trouve au milieu d’eux : Ezéchiel 2,5. Trop
longtemps, celui-ci a été séduit par de beaux-parleurs volubiles. La parole
rare d’Ezéchiel est une parole précieuse, à prendre ou à laisser. C’est une
parole de conclusion, qui n’a besoin ni d’explication, ni de justification.
Même si, physiquement, Jésus n’a pas vécu dans la condition d’Ezéchiel, les limites dans lesquelles il était enserré par l’Esprit y ressemblent. Tous les mouvements de Jésus, toutes ses conversations ne nous sont pas rapportées dans les Evangiles. Ce qui est certain cependant est que le Maître, à cause de sa mission, n’était pas libre un seul instant de se défaire de sa captivité du Père. Il nous arrive quant à nous de faire ou de dire beaucoup de choses sans lien avec notre identité de Fils de Dieu. Prisonnier de Dieu, nos liens ne sont pas aussi serrés que ceux d’Ezéchiel ou de Jésus. Tout au long de la journée, ma langue remue aisément sans qu’un mors ne la bride. Mes pas font que je peux sortir de ma maison pour faire des choses futiles, sans rapport avec ce que je suis en Christ. Il n’en était pas de même des deux hommes auxquels je fais ici référence. A la croix, en particulier, Jésus connaîtra l’abrogation extrême de sa liberté. Incapable d’aucun mouvement, sa parole se fera rare. Sa langue, collée à son palais : Psaume 22,16-17, finira par se taire dans le dernier souffle qui mettra fin à son existence humaine. Jésus termine ici son parcours. Il n’avait plus rien à dire qu’il n’ait déjà dit. La langue du juste est un argent de choix, dit Salomon : Proverbes 10,20. Comme l’or pour l’orpailleur, que les paroles de notre Dieu aient toujours pour nous ce caractère précieux !
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