mardi 26 mai 2020

EZECHIEL 12

V 1 à 16 : saynète de l’exil

Dès le début de la création, Dieu a choisi le langage comme média essentiel de communication entre lui et l’homme. Le langage est le moyen par lequel les idées prennent corps au travers de mots qui les expriment. Il arrive cependant que, suite à des déficiences sensorielles, le média qu’est la parole ne suffise pas à rendre compte du message qu’il est sensé véhiculé. La parole, pour être entendue, a besoin des récepteurs que sont nos oreilles. Si ces organes ne fonctionnent pas, le communicant est contraint de s’adapter. Il usera d’autres moyens pour se faire entendre et comprendre. A la place de sons, des gestes ou des images suppléeront au verbe pour illustrer le message à transmettre.

Une nouvelle fois, Ezéchiel est appelé, à cause de la surdité et de l’aveuglement du peuple, à imager le message que Dieu veut communiquer à son peuple. Ezéchiel ne sera pas le seul qui, lors de son ministère, alliera les signes à la parole. Jésus, après lui, le fera aussi. La raison en est la même que pour le prophète. Les paroles que Jésus prononça en son temps n’étaient porteuses d’aucune ambiguïté. Elles exprimaient de manière limpide et sans détour le témoignage dont il était le porteur. Mais les mêmes déficiences que celles qui caractérisaient le public d’Ezéchiel affectaient le sien. Celui-ci avait des yeux pour voir, mais il ne voyait pas. Il avait des oreilles pour entendre, mais n’entendait pas. Il lui fallait donc la force de la démonstration pour que son incrédulité soit mise en évidence. Quand l’audio ne suffit pas, le visuel agit comme un second témoin qui rend inexcusable le public à qui le message est destiné.

Le public devant lequel Ezéchiel interprétera la saynète que Dieu l’appelle à jouer n’est pas celui qui est concerné par son sujet. Les vrais destinataires se trouvent à Jérusalem. Mais, à cause de ses répercussions, le message s’adresse à toute la communauté, celle qui est déjà exilée et celle qui est encore dans le pays. Regardons ce que le prophète joue et simule pour en saisir la teneur et la portée !

La saynète que met en œuvre Ezéchiel est simple. Alors qu’il se trouve dans sa maison, le prophète agit comme un homme se préparant à un exil forcé. Il prépare ses affaires pendant la journée comme pour un départ imminent. Le soir venu, acte inhabituel, il perce le mur du lieu où il se trouve, y passe ses effets et part dans l’obscurité le visage couvert, droit devant lui. Ezéchiel s’en va, mais sa façon d’agir témoigne qu’il ne sait pas où il va. Suite à sa représentation, le prophète ne dira rien. Il laissera aux spectateurs de son jeu la nuit pour réfléchir. Le lendemain matin seulement, il leur donnera l’explication de sa mise en scène.

Le message que Dieu lui a demandé de transmettre est une prophétie. Elle touche à ce qui attend, sous peu de temps, les habitants de Jérusalem et le prince qui est au milieu d’eux, Sédécias. Comme Ezéchiel l’a illustré, l’avenir qui se profile pour lui n’est pas la tranquillité, mais l’exil. La démonstration prophétique d’Ezéchiel ne se limite pas aux grandes lignes. Elle va jusque dans les détails. Ezéchiel parle d’une brèche qui sera faite dans la muraille de la ville et par laquelle le prince s’enfuira. C’est ce qui se passa. Puis il mentionne un départ du prince à l’aveugle, dans la nuit noire. Il sera emmené à Babylone, mais il ne la verra pas. C’est ce qui se produira. Fait prisonnier par Nébucadnetsar, Sédécias verra ses fils égorger devant lui, puis plus rien, car ordre sera donné de lui crever les yeux. Il finira sa vie dans une prison loin de sa terre et de ses proches : 2 Rois 25, 3 à 7. Sédécias ne sera pas le seul à subir le jugement de Dieu. Il touchera également tout son entourage, ses aides, son armée. Tous seront dispersés, éparpillés dans les nations, lorsqu’ils ne mourront pas pour beaucoup par l’épée.

Si Dieu a averti la communauté du malheur qui l’attend, la prophétie d’Ezéchiel ne se termine pas sur cette note. Elle se conclut par la promesse d’un reste pauvre qui pourra demeurer dans le pays : 2 Rois 25,22. Le malheur n’est jamais le dernier mot de Dieu. Le malheur est indissociable du jugement, mais celui-ci n’est jamais la conclusion de l’œuvre de Dieu. Il y a toujours avec notre Dieu un avenir et une espérance : Jérémie 29,11.

V 17 à 20 : second mime

Sur la base du même procédé, l’Eternel demande une fois de plus à Ezéchiel d’incarner le message dont il est porteur de sa part. Ezéchiel doit cette fois-ci mimer l’angoisse qui va étreindre les habitants de Jérusalem à l’approche des malheurs qui vont s’abattre sur eux. Parce qu’Ezéchiel est un homme et que ses auditeurs le sont aussi, il n’est difficile ni pour lui, ni pour eux de se mettre dans la peau de ceux que sa démonstration concerne. Quels seraient nos sentiments si, enfermés dans une cité, nous étions entourés d’ennemis plus forts que nous qui ne visent qu’à une chose : pénétrer dans la ville, nous faire prisonniers et nous exiler loin de chez nous ? Ne serions-nous pas, comme Ezéchiel le mime, tremblants et plein d’effroi ?

Nous avons beaucoup à apprendre de la façon avec laquelle Dieu demande à Ezéchiel de s’adresser à son peuple. La parole que Dieu nous adresse n’est pas abstraite. Elle ne se limite pas à une formulation de mots, fussent-ils les mieux choisis. Dieu veut nous rejoindre dans notre humanité.  Il veut que sa parole fasse écho en nous aux sentiments les plus profonds. Remués par la parole, il veut que nous rentrions en nous-mêmes. Pour se faire, le porteur de la parole doit être le premier bouleversé par son contenu. Avant de le délivrer, il doit se l’approprier, le vivre comme s’il ne s’adressait qu’à lui. Si la parole prêchée ne rencontre aucun écho dans le cœur de ceux à qui elle est adressée, il doit s’interroger. Il se peut que ceux-ci soient trop durs d’oreille pour l’entendre. Mais il est aussi possible que le messager n’ait pas fait corps avec son message. La parole de Dieu est faite pour l’intelligence. Mais elle vise aussi et avant tout le cœur et la conscience. Usons de paraboles, d’histoires, d’anecdotes ! N’hésitons pas, si besoin, à mimer ce que Dieu veut que nous transmettions. Mais laissons-nous en premier touchés par Dieu. C’est en homme que, de sa part, nous nous adressons à d’autres hommes.

V 21 à 28 : un proverbe démenti

Ezéchiel aurait de quoi désespérer. Il a beau ne pas ménager ses efforts pour rendre claire la parole de Dieu. Elle n’en rencontre pas moins le scepticisme. Habitués à voir les années s’écouler sans que les menaces des prophètes ne s’accomplissent, les Israélites ont fait de cette attente sans cesse reportée un proverbe : « Le temps passe, disent-ils, et aucune vision ne se réalise ! » Parce que Dieu patiente, les révélations que les messagers de Dieu reçoivent passent pour des mirages. On ne les prend plus au sérieux. Ils passent pour de beaux parleurs qui cherchent à effrayer le peuple de Dieu, mais dont on ne doit pas craindre les oracles. Puisqu’il en est ainsi, Ezéchiel annonce que Dieu va changer de méthode. Il n’y aura plus désormais de délai entre la parole dite et sa réalisation. Le peuple le comprendra alors. Ce que disent les prophètes n’est pas parole en l’air. Le temps entre la proclamation d’une parole et son accomplissement devait être mis à profit pour que le peuple se repente. Ce ne sera désormais plus le cas. Les Israélites comprendront alors que Dieu est Dieu… et ne peut être moqué indéfiniment.

Ce que vit Ezéchiel en son temps ne diffère guère de ce que nous connaissons aujourd’hui. Vingt siècles après la première venue de Jésus, la promesse de son retour a perdu pour beaucoup de sa crédibilité. N’a-t-on pas cru, à chaque période sombre de l’histoire, que l’Apocalypse allait s’accomplir ? La fin du monde n’a-t-elle pas été le sujet de maintes prédications à tous les siècles ? N’y a-t-il pas eu tout au long de l’ère chrétienne des prophètes prédisant un effondrement imminent suivi du jugement des nations ?

Les voix des prophètes se sont tues et le monde a continué. Il n’a pas compris que le délai qui lui était accordé avait en vue sa repentance. Il n’est pas facile pour nous, porteurs de la Parole de Dieu, de faire face à une telle réaction qui paraît justifiée. Parce que Dieu laisse impuni le péché et ne semble pas réagir au mal, le pécheur s’endurcit et en arrive à croire qu’il n’aura jamais à rendre compte de ses actes. Il nous faut cependant répéter à ceux qui nous entourent que l’on ne peut se moquer de Dieu indéfiniment. Le jour vient où l’on récolte ce que l’on a semé. Le temps de la patience de Dieu envers ce monde arrive à son terme ! Si les incroyants s’enfoncent toujours plus dans leurs injustices, le saint est appelé dans ce temps d’attente à progresser dans la sainteté : cf Apocalypse 22,11. Prions que notre vie entière démontre chaque jour notre foi en la véracité de la Parole divine !

 


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