samedi 29 août 2020

EZECHIEL 22

 

V 1 à 12 : les crimes des habitants de Jérusalem

Le jugement que Dieu décide et prononce sur un groupe, une nation ou un individu n’a rien d’arbitraire. Il n’est pas l’expression de sa part d’un mouvement d’humeur ou d’un caprice de monarque contrarié. C’est un jugement qui repose entièrement et uniquement sur des faits. Aussi, pour le justifier, l’Eternel demande-t-il à Ezéchiel de dresser la liste des crimes, exactions et vices qui, dans la ville de Jérusalem, sont devenus pratique courante au point d’attirer sa colère.

Jérusalem est d’abord une ville peuplée de criminels. Le péché de Caïn, le premier meurtrier de l’histoire, y est pratiqué à grande échelle. Dans sa folie, l’aîné des fils d’Adam chercha à dissimuler son crime. Mais la terre, qui avait reçu le sang de son frère, témoigna contre lui devant Dieu : Genèse 4,10. Il en est de même pour la capitale de Juda. Les crimes commis ne sont peut-être pas tous connus. Mais aucune goutte de sang versée n’est inaperçue de Dieu.

Jérusalem est ensuite une ville idolâtre. Dans les maisons, à tous les coins de rue, le regard de Dieu est offusqué par la vue des entités auxquelles les hommes de Juda se fient pour leur salut. Le peuple de Dieu a complètement oublié son Dieu. Il ne s’en souvient que pour s’abuser lui-même en se persuadant qu’à cause de sa fidélité, il ne saurait l’abandonner. Mais, mis à part ce vain espoir auquel il s’accroche, il ne se soucie ni de lui, de ses lois ou de sa volonté. Il se fabrique une spiritualité à la carte qui n’exige de sa part ni affliction pour ses péchés, ni repentance, ni obéissance. Parce que ce peuple se moque de son Dieu, Dieu agira contre lui de manière à ce qu’il soit un sujet de risée et de moquerie pour les nations environnantes.

Jérusalem, ses dirigeants en premier, est une ville qui profane tout ce qui, aux yeux de Dieu, est sacré. En son sein, on ne respecte ni Dieu, ni son prochain. Les enfants méprisent les parents, les faibles, l’étranger, l’orphelin, la veuve, sont maltraités. Les jours de sabbats, réservés à Dieu, sont profanés. Chacun y mène ses activités comme bon lui semble. Plus personne n’a une parole fiable, sûre. Partout, ce ne sont dans les rapports humains que médisance et calomnies. Des pratiques impures et scandaleuses se commettent au sein des familles. Le beau-père couche avec sa bru, le frère viole sa sœur, on trompe sa femme avec celle de son prochain. Il n’y a plus de justice. Des jugement favorables sont rendus envers les coupables qui les monnayent à coup de pots-de-vin. Le bénévolat, le service gratuit et généreux de son prochain n’existent plus. Tout est affaire de profit et d’intérêts.

« A quoi bon vous frapper encore, se demandait l’Eternel au temps d’Esaïe ? Vous multipliez vos révoltes. La tête entière est malade et tout le cœur est souffrant. De la plante des pieds jusqu’à la tête, rien n’est en bon état : ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives qui n’ont été ni pansées, ni bandées, ni désinfectées : Esaïe 1,5-6. » Le constat établi par Esaïe à l’époque est aussi celui qu’Ezéchiel fait en son temps. Quand la correction ne produit aucun fruit, que reste-t-il à Dieu, si ce n’est le jugement ?

V 13 à 22 : le feu consumant de Dieu

A la lecture de la sévérité des jugements annoncés contre Jérusalem et les Ammonites dans le chapitre précédent, le lecteur pétri du relativisme ambiant de notre société ne peut qu’être outré. Où est le Dieu de miséricorde et de grâce dont nous parle l’Ecriture ? Comment Dieu peut-il se montrer si impitoyable dans sa colère ? Comment ici encore peut-il être si radical dans les châtiments qu’il se propose de mettre en œuvre contre son peuple ? La sévérité du jugement de Dieu tient à une seule cause : la passion jalouse que ce même Dieu a pour le bien, la pureté, la vérité et le respect de tout ce qui, à ses yeux, porte la marque du sacré. Si nous sommes un tant soit peu heurté par les arrêts de la justice de Dieu envers son peuple rebelle, que dirons-nous au regard de la croix ? Ici, ce n’est pas un impie, un idolâtre, un adultère que Dieu juge avec la plus extrême sévérité ! C’est le Fils, son Fils, sa joie infinie, qui faisait l’objet de son affection éternelle. Il le fait pour nous, à cause de nous, pour ne pas avoir à nous traiter selon ce que sa justice exige. Le feu de sa colère l’a consumé pour que nous vivions et que nous ne soyons pas détruits.

Pour l’heure, ce feu est réservé à Jérusalem. L’intensité de ce feu, comme déjà dit, n’a rien de capricieux. Il n’est pas le fruit de l’impulsion colérique d’un Dieu incapable de se contrôler dans ses émotions. Il est l’expression de l’indignation de Dieu, de sa passion jalouse pour tout ce qui est vrai, juste, noble, pur. Il est le feu que provoque la vue du péché dans le cœur très saint de Dieu. Il est la manifestation de la haine radicale de Dieu pour le mensonge, la trahison, l’impureté, l’idolâtrie qui est une usurpation de la gloire qui lui est due au profit d’entités qui sont des impostures. Le jugement du peuple de Dieu n’a pas valeur de destruction. Il a pour but la purification. Il est semblable à celui que pratique le fondeur qui utilise le feu pour séparer ce qui est vil de ce qui est précieux dans les métaux qu’il chauffe à blanc. Il est, lorsque l’impiété est à son comble, le seul moyen que Dieu dispose pour que, revenu de ses égarements, le peuple voit de nouveau qui est Dieu et Le reconnaisse pour ce qu’Il est ! Courbons-nous devant le Dieu saint ! Haïssons le mal qu’il hait et nous le connaîtrons comme un Dieu plein de bonté et de tendresse !

V 23 à 29 : le péché des chefs

Chaque été, dans plusieurs endroits du monde, des incendies majeurs se déclarent, ravageant tout sur leur passage. Ceux qui les combattent savent qu’un seul élément est capable des les endiguer ou d’atténuer leurs effets : l’eau. C’est pourquoi, outre les moyens humains engagés pour éteindre le feu, tous tournent leurs regards vers les cieux dans l’attente de la pluie bienfaisante qui mettra fin à la furie des flammes dévastatrices. Au temps de la colère de Dieu, les prophètes, les prêtres et les chefs du peuple sont ce qu’est l’eau pour la lutte contre les incendies. Malheureusement, Ezéchiel doit en faire le triste constat. Parmi les responsables politiques et religieux de la ville, il ne se trouve personne pour être cette source d’apaisement, de consolation et de salut pour le peuple. Au lieu d’être les porteurs de la parole de Dieu, les prophètes ne songent qu’à tirer profit de la situation pour eux-mêmes. Leur parole qui devrait apporter la vie, sème la mort. Tout ce qui compte à leurs yeux, en ces temps troublés, est de s’enrichir en exploitant la crédulité de ceux qui les écoutent. Les prophètes prétendent parler au nom de Dieu, alors qu’ils n’ont reçu de lui aucun message. Leur objectif n’est plus, comme le veut leur vocation, de dénoncer le péché, l’iniquité, pour appeler le peuple à la repentance, au retour à Dieu. Au contraire ! Ils ferment les yeux sur les exactions commises par les dignitaires et parmi le peuple. Ils dissimulent ce qui est laid, dégradé et qui demande à être restauré en le recouvrant d’un crépi illusoire. Au nom de Dieu, les prophètes relativisent la gravité de la situation. Ils rassurent et raniment l’espoir d’une issue heureuse à la situation, séduisant et trompant les âmes sur ce qui, en réalité, les attend. Du côté des prêtres, Ezéchiel fait la même expertise. Enseignants de la loi, les prêtres ont pour mission d’aider le peuple à tendre vers la sainteté. C’est à eux que l’on s’attend pour expliciter les commandements de Dieu. Par leur enseignement, les prêtres travaillent à aiguiser le discernement des simples. Il les aide à distinguer entre ce qui est pur et ne l’est pas, ce qui est vil, méprisable et ce qui est noble, digne de louange. Mais les prêtres ont démissionné. Ils sont, eux, les gardiens du respect de la loi, les premiers qui la profanent. A leur suite, les chefs politiques se conduisent parmi le peuple, comme des prédateurs. Au lieu d’être les protecteurs des faibles, ils versent le sang, pratiquent le meurtre ciblé pour en tirer des profits malhonnêtes. Que peut-on attendre d’un peuple dont les chefs, à tous niveaux, sont corrompus, si ce n’est l’exaction, la violence, le vol ou la rapine ?

V 30 et 31 : avis de recherche

Bien que la situation soit extrême, elle n’est pas perdue pour autant. Il suffit à Dieu de trouver un homme parmi tout le peuple qui se tienne sur la brèche et construise un mur pour que le jugement soit endigué. C’est ici l’avis de recherche que Dieu émet. Alors que les anges étaient en route pour consumer Sodome, nous nous souvenons que Dieu ne put se résoudre à juger la ville sans en référer à son ami Abraham. Dès qu’il en eut connaissance, celui-ci intercéda pour la ville condamnée. Dieu écouta Abraham. Il consentit à l’épargner s’il trouvait dix justes en son sein : Genèse 18,32. Ce témoignage ancien nous atteste que ce n’est jamais par plaisir que Dieu déverse sa colère et fait périr des hommes. Il doit s’y résoudre parce qu’il n’y a plus rien qui, en travers de son chemin, peut la détourner. Ce témoignage ancien atteste également qu’il n’y a pas une égalité de proportion entre ce qui fait pencher la balance du côté de la grâce ou de la colère. Dieu annonce ici qu’il ne cherche pas une foule, mais un homme, un seul dont la piété ait suffisamment de poids pour incliner son cœur à la clémence.

L’avis de recherche de Dieu énoncé ici nous rappelle que ce n’est pas à cause de la justice et de la piété d’une majorité que le monde subsiste. Le sursis que connaît le monde au sujet de son jugement tient à la minorité des saints qui intercèdent et plaident devant Dieu pour lui.

« Telle est la signification des hommes pieux dans le monde. Dans le jugement, ils sont les agents de chaque nouveau commencement et témoignent de l’unité du plan salvateur. C’est à travers ce petit troupeau que le grand salut manifeste sa cohérence et sa continuité organiques. Ce sont eux seuls, les insignifiants de la terre, qui sont l’humain fondement d’une rédemption rendue ainsi possible. Sans eux, chaque élément de la révélation tomberait en pièces. Facteurs apparemment superflus dans les affaires du monde, ils sont, en fait, les co-ouvriers de Dieu à travers qui le monde est déterminé quant à sa continuation et à son organisation finale. Leur marche avec Dieu sauve l’avenir du monde. Ils sont les vrais porteurs de l’histoire en général et, dans l’Ecriture, les véhicules de la chronologie du monde.[1] »

Ce qui est vrai pour les peuples l’est aussi pour l’Eglise. L’Eglise est dans ce monde la colonne et l’appui de la vérité : 1 Timothée 3,15. Elle ne subsiste localement que si elle remplit ce rôle. Le chandelier qu’elle représente peut, s’il n’exerce plus sa fonction, s’éteindre ou disparaître : Apocalypse 2,5. Dieu veut faire de nous des maçons qui élèvent des murailles. Il nous donne la mission d’ériger des barrières de protection contre sa juste colère contre le péché. Il ne s’agit pas pour nous seulement de prier, mais de poser des fondements, de sécuriser le peuple de Dieu en lui apprenant à se tenir dans la justice, la vérité et la sainteté. Il veut que là où se trouvent des brèches nous agissions pour les colmater. Il s’agit de fermer les ouvertures qui donnent à la colère de Dieu l’opportunité légitime de sévir. Il nous appelle ensemble à nous juger de manière à ce qu’il ne soit pas contraint de le faire : 1 Corinthiens 5,12-13 ; 11,30 à 32. Qu’à l’exemple de Jésus, animé d’un zèle passionné pour la maison de Dieu, nous exercions avec fermeté notre ministère de gardien de la maison de Dieu afin d’y ôter les scandales qui en font la honte : Jean 2,13 à 17.



[1] Erich Sauer : L’aube de la rédemption : Editions « La voix de l’Evangile »

lundi 24 août 2020

EZECHIEL 21

 

V 1 à 4 : destruction de la forêt du sud

Prophète de l’Eternel, Ezéchiel est appelé une nouvelle fois à adresser de sa part un message à son peuple. Par l’intelligence que Dieu lui donne, le prophète reçoit des visions qui dépassent largement le cadre du présent dans lequel il se situe. Mais celui-ci n’aurait que peu de crédibilité s’il ne parlait à ses contemporains que de temps éloignés qui ne le concernent pas. Le vrai prophète a, non seulement une parole pour l’avenir, mais aussi un message pour l’aujourd’hui. Tel était Ezéchiel, mais aussi Esaïe, Jérémie, Zacharie, Joël… dont le ministère était marqué du sceau de l’Eternel par ce double volet.

Le message dont est porteur ici Ezéchiel n’est pas ambigu. Il est clairement ciblé. Il s’adresse à la forêt qui se trouve près du Néguev, dans le territoire de Juda. La terminologie employée par Ezéchiel pour s’adresser à ce qui reste d’Israël ne relève pas du hasard. Comparée au reste du territoire, abandonné, déjà livré au roi de Babylone, la forêt verdoyante de Juda fait figure d’îlot de vie. Elle est le symbole de ce qui tient encore et résiste à la puissance conquérante et destructrice de l’ennemi. Ezéchiel le dit : les jours de Juda sont désormais comptés. Un incendie majeur va se déclarer au sein de la forêt verdoyante et la réduire en cendres. Le feu sera si virulent qu’aucun arbre, qu’il soit encore vert où déjà sec, n’y survivra. La forêt était faite d’arbres majestueux, centenaires, à l’ombre desquels grandissaient de jeunes pousses prometteuses. Le ravage de la futaie sera total, consternant tant les habitants du pays que tous, sans en douter, comprendront que seul l’Eternel pouvait en être l’auteur.

Même si l’on adhère à la vérité de la souveraineté absolue de Dieu sur toutes choses, certains malheurs nous font dire que leur cause est due à une certaine malchance. Si tel comportement avait été un tant soit peu différent, les choses se seraient passées autrement. A d’autres occasions, la calamité est si grande et l’impuissance de l’homme si manifeste que la même conclusion est tirée par tous : nous n’avons pas affaire ici à quelque chose d’humain, mais de divin. Le temps alors n’est plus à la discussion, mais à l’écoute. Quel message Dieu veut-il nous faire passer ?

V 5 : signe d’apostasie

La radicalité et la précision de l’annonce d’Ezéchiel au sujet de la destruction par le feu de la forêt du sud du pays, bien qu’effrayante, ne tombaient pas pour les Israélites qui l’entendirent sur un sol vierge. La dévastation n’avait-elle pas déjà atteint la majeure partie du territoire ? Dix des douze tribus d’Israël n’étaient-elles déjà pas parties en captivité ? Malgré ces évidences, Ezéchiel ne fut pas cru. On le prit pour un affabulateur. « Ezéchiel raconte des histoires, disait-on ! Il veut nous effrayer. Ce qu’il nous prophétise ne se produira pas ! Comment Dieu permettrait-il que le reste du pays qu’il a donné à son peuple disparaisse ? »

La réaction des contemporains d’Ezéchiel rejoint celle que l’on rencontre ailleurs dans l’Ecriture. Plus le temps du jugement se fait proche, plus il suscite à son annonce l’incrédulité de la majorité. « Sachez avant tout, prévient l’apôtre Pierre, que dans les derniers jours viendront des moqueurs pleins de raillerie. Ces hommes vivront en suivant leurs propres désirs et diront : « Où est la promesse de son retour ? En effet, depuis que nos ancêtres sont morts, tout reste dans le même état qu’au début de la créations ? » : 2 Pierre 3,3-4. » L’incrédulité foncière des moqueurs, face à l’imminence du malheur qui les attend, n’est pas le fait du hasard. Elle résulte, selon Paul, d’un aveuglement dû au refus de la vérité : 2 Thessaloniciens 2,10 à 12. C’est un signe récurrent de l’apostasie qui a gagné les cœurs !

V 6 à 22 : l’épée du carnage

Nous ne savons pas si l’incendie de la forêt du sud s’est réellement passé. Ce qui est certain est que la réalité qu’il figurait, la destruction du royaume de Juda, s’est accomplie. Moqué, Ezéchiel aurait pu en rester là. Puisque le peuple ne veut pas entendre ce que l’Eternel veut lui dire, qu’il se débrouille avec lui ! Sous l’inspiration de son Dieu, le prophète va reprendre la parole. Il va se faire plus direct. Puisque l’annonce figurée du désastre qui vient ne bouleverse pas les cœurs, Ezéchiel va ôter l’enrobage sous lequel il a présenté son message pour parler crûment. Ce n’est pas à l’incendie d’une forêt auquel le peuple doit s’attendre, mais au carnage du reste qui se trouve à Jérusalem. Car le temps de la patience de Dieu envers Juda est arrivé à son terme. L’épée aiguisée de Dieu est sortie de son fourreau. Placée dans la main du tueur (Babylone), elle ne fera pas de quartier. Elle frappera tout ce qui se trouvera sur son chemin, le juste comme le méchant, le prince comme le manant. Le sceptre de bois qui se trouve dans la main du roi ne lui sera d’aucune utilité. L’épée de fer brisera le bois. Après le temple, c’est le trône royal qui sera abattu, dernier vestige de la gloire du royaume. Porteur de ce message de jugement, Ezéchiel ne le délivre pas froidement. Une fois de plus, le prophète est le premier que la parole qu’il est chargé de délivrer, remue. Ezéchiel gémit. Plié en deux, rempli d’amertume, il souffre d’avance la souffrance que va connaître son peuple. L’incarnation de la parole reçue qu’exprime le prophète n’est pas feinte. Elle est voulue par Dieu pour donner plus de poids et de crédit aux mots qui en forment le contenu. Elle prélude celle qui se manifestera plus tard en Jésus, témoin en chair et en os de la volonté de réconciliation de Dieu avec les hommes.

L’unité visible vécue par Ezéchiel avec son message nous interroge. La parole de Dieu n’est-elle pour nous qu’une matière d’étude ou affecte-t-elle nos âmes au plus profond d’elles-mêmes ? Si oui, ceux qui nous écoutent s’en aperçoivent-ils ? Nous sentent-ils remués jusqu’au tréfonds de notre être lorsque nous leur parlons du jugement qui vient et de la perdition qui s’ensuit : cf Actes 24,25 ? Sommes-nous à l’écoute de Dieu ? Comprenons-nous que le temps actuel de paix ne durera pas, que le jour vient où le terme de la patience de Dieu envers les nations rebelles sera atteint ? Nous préparons-nous en vue de cette échéance ? Visite-nous, ô Dieu, et que nos cœurs soient tout entiers pénétrés par la pensée de Ta gloire !

V 23 à 28 : divination inspirée…

Alors que le peuple continue à se berner d’illusions, Ezéchiel est invité par l’Eternel à visualiser ce qui se passe du côté du roi de Babylone. Placé depuis son quartier général à un carrefour, le roi de Babylone est dans l’expectative. Entre deux directions, il ne sait vers où aller pour lancer ses expéditions guerrières. L’une des voies possibles le conduit à Jérusalem, l’autre vers Rabba, la capitale des Ammonites. Indécis, le souverain fait appel, selon sa pratique courante, à la divination et consulte ses idoles. Il veut se laisser guider dans ses choix par les présages les meilleurs. Or, ceux-ci sont formels. Ils indiquent que c’est à Jérusalem que le roi de Babylone doit se rendre. La flèche étiquetée du nom de Jérusalem, prise par la main droite, l’atteste. Pour autant, le peuple continue à réfuter les prédictions d’Ezéchiel. « Le roi de Babylone, pense-t-il, peut consulter qui il veut et avoir pour lui tous les présages indicatifs de la volonté de ses dieux. Le peuple de Juda a pour lui en gage le serment prêté par l’Eternel lui-même envers eux, le serment des serments. Il n’y a donc aucun lieu de craindre l’invasion du roi de Babylone. »

La révélation par Ezéchiel de ce qui se passe chez le roi de Babylone est didactique pour le peuple de Dieu de bien des manières. Le premier enseignement qu’il devrait apprendre de lui est, qu’au lieu de se fier à son propre jugement, le peuple de Dieu ferait bien lui aussi de consulter son Dieu. Certes, le roi de Babylone questionne des dieux qui n’en sont point. Mais il a l’humilité de reconnaître que l’issue de la bataille ne lui appartient pas, mais à eux. Juda, qui a oublié les termes de l’alliance qui le lie à son Dieu, agit à l’opposé avec suffisance. Il ne se souvient pas que l’appui de son Dieu ne lui est pas acquis, mais est conditionné par son obéissance à ses lois. Le second enseignement qu’il peut apprendre ici touche à l’intelligence que le peuple de Dieu devrait avoir de la situation globale dans laquelle il se trouve. Plutôt que de nier le danger, il devrait s’y préparer. La première cause de défaite dans une guerre tient souvent à la méconnaissance de son ennemi et à une surestimation de sa force. Dans le cas présent, la faute de Juda a pour cause son aveuglement spirituel, une présomption coupable qui a faussé dans son esprit la réalité de sa situation face à Dieu. Pour l’en guérir, Dieu ne pouvait faire qu’une chose : donner contre Juda la victoire au roi de Babylone. Il apprendra ainsi que, dans son péché, Dieu n’est plus avec lui, mais contre lui.

V 29 à 32 : jusqu’à la venue de Celui…

Si le jugement qui arrive sur Juda est le fait de l’Eternel, le royaume et ses dirigeants sont les premiers responsables de sa décision. Que ce soit Sédécias, le roi, ou le peuple, tous, malgré les multiples avertissements reçus, ne feront rien pour que la menace qui pèse sur eux soit ajournée. Chacun continue dans la voie mauvaise dans laquelle il se trouve. Les iniquités de tous se pratiquent au grand jour. On aperçoit dans le pays ni honte, ni l’amorce d’un début de changement d’état d’esprit, ni la moindre disposition à la repentance. C’est le péché pratiqué sans rougir, à la vue de tous, étalé au grand jour, qui attire invariablement le jugement de Dieu. L’iniquité à son comble (cf Genèse 15,16), le jugement devient la seule mesure qui peut rendre possible un nouveau commencement.

Parce qu’il est assis sur le trône de Juda, Sédécias, investi de plus par le roi de Babylone (2 Rois 24,17), porte une responsabilité particulière au sujet de ce qui va advenir. Sans lui, certes, le royaume n’aurait pas survécu. Mais ici, et avec lui, c’est le principe même de la royauté qui va être aboli. La royauté en Israël, souvenons-nous en, avait débuté avec Saül sur la demande expresse du peuple qui voulait être gouverné comme l’étaient toutes les nations : 1 Samuel 8,4. Samuel, le prophète, y était opposé. Il voyait dans la demande du peuple un rejet de la théocratie, système qui faisait de Dieu le souverain d’Israël. Ce n’est que sur l’ordre de Dieu qu’il y consentit, non sans avoir averti Israël des suites malheureuses inéluctables qu’engendrerait le nouveau système : 1 Samuel 8,6 à 18. En Sédécias, s’incarnent à la fois l’inévitable dérive auquel aboutit ce système et la nécessité d’y mettre fin. Désormais, annonce Ezéchiel, le trône de Juda sera vide. La tiare et la couronne seront ôtées de la tête de Sédécias pour ne plus être posée sur aucune autre… jusqu’à ce que vienne Celui à qui appartient le jugement qui les coiffera de nouveau. La prophétie d’Ezéchiel formulée ici ne sort pas du néant. Elle est la réitération de celle prédite par Jacob, le père de la nation : Genèse 49,10. C’est en Jésus-Christ, descendant de Juda, qu’elle s’accomplira : Matthieu 1,2. Lui seul sera à la fois le roi et le grand-prêtre d’Israël, sacerdoces tous deux perdus au temps d’Ezéchiel : Hébreux 7,14.

V 33 à 37 : prophétie au sujet des Ammonites

 Nebucadnetsar, conduit par les présages tirés de ses pratiques divinatoires, ayant choisi de s’attaquer à Juda en priorité, épargna les Ammonites. Pour autant, ceux-ci ne sont pas tirés d’affaire. Le jugement des fils d’Ammon, s’il est reporté, n’est pas annulé. L’heure vient où, après que Juda l’a été, les Ammonites passent à leur tour au fil de l’épée. Ils recevront, de par Dieu, le salaire que méritent leurs insultes à son égard. Si la justice de Dieu n’épargne pas son peuple élu, elle ne saurait être plus clémente envers les nations qui lui sont hostiles. C’est le cas des Ammonites qui, dès le début de l’histoire d’Israël, se sont positionnés comme ennemis de la nation nouvelle : Amos 1,13 à 15. La joie des fils d’Ammon à la vue de la destruction de Juda par les armées babyloniennes sera de courte durée : Ezéchiel 25,3. Selon l’historien Josèphe[1], 5 ans après Juda et la ruine de Jérusalem, Nebucadnersar lèvera ses armées contre les fils d’Ammon et fera de leur capitale un désert : Ezéchiel 25,5.

 Il arrive souvent que le monde se réjouisse des malheurs du peuple de Dieu. Il ne le devrait pas. Ceux-ci sonnent en effet comme un avertissement pour lui. Le jugement de Dieu commence souvent par sa propre maison : 1 Pierre 4,17. Mais il ne s’arrête pas là. Le malheur qui frappe les uns jusqu’à la mort est un appel de Dieu pour les autres à se repentir : cf Luc 13,1 à 5. Tôt ou tard, chacun a rendez-vous avec la justice de Dieu. Face au châtiment de Dieu, le peuple de Dieu peut garder espoir. Dans sa fidélité, Dieu lui fera grâce et le restaurera. Autre est la perspective qui attend les rebelles. Il n’y a pour eux ni salut, ni espérance quand la colère de Dieu se lève pour sévir contre eux.



[1] Antiquités Juives 10 : 9,7